Never Ending Man : Hayao MIYAZAKI, le retour ?
L’an dernier une poignée de chanceux ont pu découvrir le fameux documentaire intimiste Never Ending Man : Hayao MIYAZAKI diffusé à lors de l’ouverture de la manifestation A la rencontre de la NHK World Japan à la Maison de la Culture du Japon à Paris. Ce documentaire réalisé par Kaku ARAKAWA met en avant de manière flagrante le désir créatif du réalisateur de film d’animation japonais qui ne peut s’arrêter de dessiner. Depuis le 2 janvier dernier, il est possible de voir ce documentaire en salle un peu partout en France. Retour sur ce documentaire et sur le message partagé derrière.
Hayao MIYAZAKI, en stand-by… vraiment ?
Pour tous les fans du réalisateur, pour beaucoup du moins, l’annonce en 2013 selon laquelle il prenait sa retraite a été un choc. Cela faisait en effet la seconde fois que le réalisateur japonais décidait de partir à la retraite. Si jusqu’à présent on pouvait prendre cette lubie comme une farce un peu facétieuse, comme seule sait la faire MIYAZAKI, en 2013, lors de la conférence de presse où il énonce ces mots, tout le sérieux du maître interroge et prouve que, non, cette fois-ci, ce n’est pas une plaisanterie. Voilà donc qu’à la sortie de son dernier film, Le Vent se lève, Hayao MIYAZAKI prend sa retraite ! Sacré coup dur pour le studio Ghibli qui voit cette année-là pourtant deux films sortir sur les écrans nippons.
Cette fois, le réalisateur tient bon et convainc Toshio SUZUKI, producteur en chef et président de Ghibli, qu’il arrête. S’en suit une période un peu compliquée pour de nombreux fans, qui se sentent quelque peu perdus sans un tel phare dans le milieu de l’animation. Pour autant, il ne faut pourtant pas croire que cela fut chose aisée pour le réalisateur. Bien au contraire, et Kaku ARAKAWA est là pour montrer à quel point Hayao MIYAZAKI, son ami, a vécu cet arrêt de façon quelque peu brutale et qu’il est tout aussi démuni, si ce n’est plus, que ses propres admirateurs. D’ailleurs, ce dernier, loin de s’arrêter, n’a de cesse de dessiner, et le documentaire dépeint en effet parfaitement ce désir insatiable qui semble le hanter de vouloir toujours prendre le crayon jour après jour. Très vite on comprend, à travers la caméra de ARAKAWA, que MIYAZAKI ne s’arrêtera jamais.
Dans la tête de Miyazaki
Le documentaire suit au plus près le quotidien du réalisateur, dès l’annonce de sa retraite, jusqu’aux prémices du film qu’il souhaite réaliser. On y suit de manière totalement intime la vie quotidienne du maître de l’animation, du moins quand il se trouve à son atelier. Jamais ne sont montrées sa maison, ou sa femme. Il se présente tout simplement brut, sans fioriture à la caméra, parfois ne l’acceptant pas totalement, et pourtant, la tolérant quand même. En réalité, on pourrait presque croire qu’on est à la place de ARAKAWA, et qu’il a juste posé sa caméra de côté, un peu à la manière d’un journaliste posant un dictaphone sur la table aux côtés de l’artiste qu’il souhaite interroger. Ici, l’image n’est ni retravaillée, ni mise en valeur d’une quelconque manière et offre tout simplement un morceau de la vie du réalisateur qui prépare et boit le café aux côtés de ARAKAWA, lui, toujours hors-champs, déguste des ramen en se confiant sur la vieillesse et encore qui travaille d’arrache-pied, concentré sur des planches de dessins qu’il ne sait pas lâcher.
Car oui, très vite, à force de se questionner, d’espérer, et de ne pas abandonner, Hayao MIYAZAKI souhaite créer des courts-métrages. Plus de longs-métrages, non, car ce genre de projet est désormais trop fatiguant pour lui, mais des courts-métrage, oui, et pour le musée Ghibli essentiellement. C’est ainsi qu’il reprend un vieux projet mis de côté, Boro la petite chenille, qu’il souhaite diffuser au musée pour 2018. Mais l’envie de s’essayer aux images de synthèse le pousse à se dire qu’en faire un long-métrage serait intéressant. ARAKAWA, avec sa caméra, offre au spectateur toutes les pensées tortueuses qui consument MIYAZAKI jusqu’à ce qu’il prenne cette décision difficile. Il sait qu’il n’a plus sa jeunesse, que d’autres talents éclosent autour de lui, talents qu’ils forment en partie, mais les idées sont là. Et l’envie, surtout.
Un défi au temps
Très vite donc, et grâce au soutien de Toshio SUZUKI, MIYAZAKI se lance dans ce nouveau projet, au départ un court-métrage, et se rapproche d’un studio spécialisé en image de synthèse. ARAKAWA questionne bien vite son ami pour savoir s’il compte aller plus loin et montre à quel point le réalisateur est un artiste acharné au travail. Dès lors que le projet se lance, MIYAZAKI ne prend aucune pause et ne fait preuve d’aucun répit avouant même à son ami qu’il a tendance à dévorer le talent des jeunes qu’il prend sous son aile. Un clin d’œil au titre même du documentaire? Si on traduit littéralement ce dernier, on obtiendrait « un homme sans fin ». Est-ce ce qui attend véritablement Hayao MIYAZAKI ? Une fin qui ne viendrait pas ? Comme il le dit, en dehors du fait qu’il dévore les talents de ceux qui l’entourent c’est surtout qu’il voit les autres partir avant lui et que le fait de leur survivre lui pèse énormément. Malheureusement, l’exemple le plus flagrant reste la disparition récente de son rival et ami, Isao TAKAHATA, qui a quitté définitivement la scène en 2018.
Au fil du documentaire, une autre disparition parmi les connaissances du réalisateur renommé est en effet mise en avant, une coloriste qu’il appréciait, rappelant sans cesse à MIYAZAKI que la vie n’est pas éternelle même si, paradoxalement, lui tient encore et encore. Et à l’écran, on a presque l’impression que lorsqu’il reprend la réalisation, une énergie nouvelle s’empare de lui comme une renaissance. Il semble provoquer toujours la même fascination dans le regard de ceux qui travaillent avec et pour lui, il possède toujours la même intransigeance dans ce qu’il souhaite voir reproduire à l’écran et fournit toujours un travail phénoménal en quantité comme en qualité. En somme, on voit et ressent parfaitement que le maître de l’animation et son univers sont toujours là, authentiques et n’attendant qu’une chose : s’exprimer, se développer, bref, vivre! Et si cela doit passer par de l’image de synthèse avec toutes les de difficultés que cela implique derrière, alors tel est son choix.
Never ending man est un documentaire à l’esthétique et la réalisation brutes, sans explication précise sur la manière dont travaille Hayao MIYAZAKI et sans presque aucune liaison d’une séquence à l’autre, voire même d’une image à l’autre, à part le passage inexorable des saisons. C’est un choix assumé et une expérience exigeante à l’heure où toute image est retravaillée et toute histoire méthodiquement exposée, offrant une bonne expérience de cinéma-vérité. Si ce film nous donne un aperçu de la manière dont travaillent les animateurs de synthèse et MIYAZAKI avec eux, Kaku ARAKAWA ne cherche pas à tirer forcément une morale ou un message précis et laisse plutôt son sujet s’exprimer de lui-même dans le cadre qu’il pose. On imagine très bien qu’il souhaite juste mettre en avant son ami qui semble tel un phare dans la nuit nullement prêt à s’éteindre mais bien décidé à laisser brûler la flamme de son imagination jusqu’à… Ici on suit juste un désir intense quasi vital, celui d’un acharné du travail et d’un passionné, dans sa plus simple intimité, celle de son atelier. Certaines choses ne changent pas, n’est-ce pas ?
1 réponse
[…] avez tout de suite été poussé vers la 3D. Et pourtant, on vous voit apparaître dans le film Never ending Man : Hayao MIYAZAKI, alors quel rapport entretenez-vous par rapport à son cinéma et par rapport à la méthode […]