Beaux livres photographiques : le Japon à feuilleter !

En cette nouvelle année, Journal du Japon vous emmène en voyage sans bouger de votre canapé, grâce à de beaux livres de photographies aux styles très divers. Le Japon à portée de main !

Japan Visions d’Amélie Ravalec : voyage au pays des couleurs

Japan Visions : couverture

C’est un voyage dans l’espace et le temps qu’Amélie Ravalec propose à celui qui se plongera dans son livre au format allongé et aux couleurs vibrantes.

De petites boutiques en ruelles, d’affiches en figurines, impossible de savoir si elle a pris ses photographies il y a quelques jours ou quelques décennies. On se promène dans les pages comme dans l’espace et le temps. Où et quand sommes-nous ? Au Japon, et c’est l’essentiel !

Japan Visions : page intérieureUn arc-en-ciel vivant se déploie au fil des pages. Du rouge des érables, des lampions et des éclairages nocturnes au noir et blanc des fils électriques, des rails et des architectures, le voyageur immobile passe par le jaune chaud des lumières vieillissantes, des courges, des ema (plaques de bois sur laquelle on écrit un vœu dans les temples), le marron des bois patinés, le blanc des visages peints, le vert du thé matcha, le bleu du ciel mais aussi des escaliers urbains.

Vous croiserez beaucoup de regards dans ce livre, des regards de personnes bien réelles, mais également des regards de poupées, de mascottes, de figurines, de robots, comme sortis d’une caisse de jouets et qui prendraient vie sous les yeux de la photographe. Qui est humain qui ne l’est pas, qui est vivant qui est objet ?

Japan Visions : page intérieureUne drôle de sensation s’empare du lecteur en feuilletant le livre. Les objets semblent prendre vie tandis que les humains semblent parfois fantomatiques. Parfois on ne sait pas si la scène est réelle ou si ce sont des mannequins qui ont été positionnés dans un décor. On s’approche pour mieux voir, on se recule pour observer de loin. Et on s’attendrait presque à voir passer un yokai !

Un livre au format de carnet de voyage, tout en photographies, sans texte, sans explication, pour une immersion totale dans un Japon coloré, à l’ambiance vintage, à tel point qu’on a du mal à dater les photographies entre boutiques vieillottes, images des temps anciens et ponts ultra modernes … alors qu’elles ont toutes été prises en novembre 2017 !

On aime se plonger dans ces tableaux du Japon attendrissants, souvent troublants voire angoissants. Comme si on découvrait le pays à travers un prisme coloré dont les facettes tourneraient pour mieux hypnotiser le lecteur.

Plus d’informations sur le site d’Amélie.

Inside Japan Project de Roberto Badin : au pays des lignes, du design

Inside Japan de Roberto Badin : couverture

Le contraste est saisissant entre le livre d’Amélie Ravalec et celui de Roberto Badin. C’est un regard d’architecte, de designer, qu’il propose au lecteur dans ce livre où lignes, ombres, lumières et couleurs se partagent la vedette comme pour un défilé de mode !

Chaque photo s’admire sans fin, tant l’image semble parfaite, cadrée à la perfection. On imagine le photographe attendant pendant de longues minutes ou de longues heures, cherchant le meilleur angle, la meilleure lumière, le meilleur jeu de couleur ou de clair-obscur. Un travail de géomètre, d’artiste-peintre. Un regard à la fois occidental et japonais. On pense à l’éloge de l’ombre de TANIZAKI, à l’architecture de Tadao ANDÔ.

Il se dégage des pages une grande luminosité, une grande pureté. Une beauté presque irréelle née du mélange des lignes droites et courbes, des ombres minérales et végétales, des couleurs béton ou bois, des transparences du verre qui magnifient le végétal qu’elles mettent en scène.

Inside Japan : page intérieureSi des humains sont présents dans les paysages photographiés, c’est avant tout le qui est l’objet de la photographie. Ce mot signifie l’intervalle, l’espace, la distance, mais pas le vide qui sépare, mais l’espace qui rapproche, qui lie. C’est une pause, une transition, un passage aussi. Cette notion très présente dans l’esthétique japonaise est ici brillamment mise en avant.

Inside Japan : page intérieureChaque photographie montre ce Mâ, dans une rue, le long d’une façade, dans un hall de bâtiment, devant un escalier ou une porte. C’est un espace silence, un espace lumière. C’est un lieu du quotidien que le lecteur découvre ou redécouvre. C’est un espace qui interpelle, questionne. Il peut susciter fascination, émotion, vertige ou froid …

Inside Japan : page intérieure

Chacun en fonction de son vécu, de son regard sur le monde, sera touché par ces photographies impressionnantes. Certains s’y sentiront bien, émerveillés, captivés, d’autres petits, perdus ou mal à l’aise. D’autres auront l’impression d’entrer dans un film ou dans un manga.

À vous de découvrir quels sentiments susciteront ces photographies, ce Mâ en vous !

Il faut également souligner la très grande beauté de ce livre, aussi bien dans les photographies que dans la conception de l’objet. Les grandes photographies prennent en effet toute la place (aucun texte, aucune légende), seulement accompagnées de blanc. Le blanc autour, comme un écrin. Parfois ce blanc prend une page entière pour laisser l’œil se reposer, le lecteur respirer. Puis une autre photographie arrive pour renouveler l’émerveillement. Ouvrir ce livre, c’est comme se rendre à une exposition, faire quelques pas entre chaque photographie exposée, vider son esprit pour s’ouvrir à l’œuvre suivante. On entendrait presque le bruit de nos pas …

En fin d’ouvrage, une conversation entre le photographe et Maria Sobrino permet d’en savoir un peu plus sur sa relation au Japon, son travail et la naissance de ces photographies.

Plus d’informations sur le site du photographe.

Un soleil déjà oblique : une photographe sur les traces d’une jeune poétesse de l’ère Meiji

Un soleil déjà oblique : couverture

Misuzu KANEKO est une poétesse japonaise très connue dans son pays, mais méconnue en France. Lorsque Jacqueline Salmon découvre ses poèmes, elle ressent immédiatement une forte émotion et une envie d’aller se promener dans les pas de la poétesse morte à vingt-sept ans après une vie éphémère parsemée de pertes et de souffrances. C’est avec ses photographies que Jacqueline Salmon met en image les quarante poèmes présentés dans ce beau livre. Paysages de mer, de montagne, de champs, maisons qui semblent ne pas avoir bougé depuis l’époque à laquelle vivait Misuzu Kaneko (1903-1930), jardins, lieux de prière. Une présence de la nature très forte dans les poèmes, qui est superbement mise en image par la photographe.

Misuzu KANEKO eut une vie pesante, mais garda toujours un regard d’artiste sur les paysages du quotidien, chantant la beauté et la force de la nature, mais aussi la fragilité et la difficulté de la vie. Des poèmes qui s’adressent tout d’abord aux enfants (ils font partie des programmes de l’école primaire japonaise et sont souvent chantés), mais qui ont une réelle profondeur, entre rêve et réalité, entre lumière et ombre, entre visible et invisible, mettant en avant l’impermanence, le passage du temps, la beauté poignante des choses fragiles.

Au bout de la mer

Là où surgissent les nuages là-bas
Là où naît aussi l’arc-en-ciel là-bas

Un jour, en bateau, j’irai
Jusqu’au bout de la mer j’irai

Même si c’est très loin si la nuit commence
Si l’on n’y voit plus rien

Comme l’on cueille le jujube rouge
Je cueillerai de mes mains les belles étoiles
Un jour j’irai au bout de la mer

Née en 1903, elle perd son père alors qu’elle n’a que trois ans. Son petit frère est alors adopté par son oncle et sa tante. Elle reste avec sa mère, sa grand-mère et son grand frère dans la librairie donnée en gérance par son oncle à sa mère. Elle grandit dans Senzaki, petite ville aux maisons traditionnelles, ruelles, avec son port de pêche et la mer si présente dans ses poèmes. Lorsque sa tante meurt, l’oncle épouse sa mère et tous partent pour la grande ville de Shimonoseki, avec ses cinémas, magasins et cultures multiples. Misuzu a vingt ans, lit et écrit dans la librairie de son oncle. Ses poèmes sont même publiés dans des revues. Mais lorsque son frère tombe amoureux d’elle (on lui a toujours caché qu’elle était sa sœur), elle est mariée de force à un employé coureur de jupons qui lui transmettra la syphilis et lui interdira d’écrire. Elle accouchera d’une petite fille, mais très malade, elle se suicidera, voyant bien que si elle divorce, c’est son mari qui aura la garde de sa fille.

Rêve et Réalité

Si le rêve était réalité et la réalité rêve
Ce serait merveilleux, non ?

Puisque dans le rêve rien n’est jamais fixé
Tout serait merveilleux, non ?

Après le jour ne viendrait pas la nuit
Et – qui sait ? – moi qui ne suis pas une reine …

La lune, on pourrait l’attraper
On pourrait peut-être même entrer dans le cœur d’un lys

Les aiguilles de l’horloge tourneraient dans l’autre sens
Les morts seraient toujours là

Vraiment si rien n’était jamais fixé
Ce serait merveilleux
Voir de temps en temps la vérité en rêve
Ce serait merveileux

Misuzu Kaneko a pris soin de confier trois carnets de poésie à son poète préféré, Yaso SAIJÔ (qui avait publié quelques poèmes d’elle). Il recopiera ces 512 poèmes pour son frère qui les gardera pendant cinquante ans. Son œuvre complète sera publiée en 1982.

Un soleil déjà oblique, photographie intérieureLe livre est de très belle composition : beau papier, photos de grandes tailles, poèmes écrits en japonais comme glissés entre les images (leur traduction se trouve en fin d’ouvrage, un choix qui pourra peut-être contrarier le lecteur), introduction de la photographe qui explique sa « rencontre » avec les mots puis les lieux de vie de la poétesse, et en fin d’ouvrage une très belle approche de la vie de Misuzu KANEKO par Christine Buci-Glucksmann, des documents et photographies d’époque, une biographie factuelle et l’indispensable journal de voyage de Jacqueline Salmon.

Partez à la rencontre de cette jeune poétesse, en suivant ses pas en photos plus de cent ans plus tard.

Plus d’informations sur le site de l’éditeur.

Les cent vues du Japon : portrait du Japon par la diversité de ses paysages

Les cent vues du Japon : couvertureLe Japon regorge de classements que le voyageur découvre au fil de ses cheminements dans le pays : les plus beaux couchers de soleil, les ponts les plus célèbres, les onsen les plus anciens. Cela remonterait au dix-septième siècle avec les trois vues classiques du Japon établies par l’homme d’État Hayashi RAZAN. Les sankei (top trois) et les hyakkei (top cent) ont donc naturellement intrigué Julien Giry et Aurélie Roperch au point de se lancer à la découverte des cent vues de l’ère Heisei. Six cent mille personnes participèrent à la création de cette liste variée, « mêlant vues urbaines et rurales, permanentes et saisonnières, anciennes et modernes ».

Les deux auteurs sont donc partis à la découverte de ces sites de février 2017 à mars 2018, racontant leur expérience sur leur blog Nippon100.com, puis dans ce beau livre qui se lit à la fois comme un journal de voyage, un livre de photographies et un guide pour futur voyageur au Japon.

Le voyage s’effectue du nord au sud du Japon, de la banquise d’Hokkaido aux plages turquoises d’Okinawa.

Embarquez pour un dépaysement total, dans une grande diversité de paysages, de couleurs, de sensations !

Festival de nuit de Chichibu, préfecture de Saitama (Aurélie Roperch)

D’île en île, de préfecture en préfecture, le lecteur découvre chaque site sur deux à trois pages, grâce à des photographies (plusieurs pour chaque site), mais également grâce à un texte passionnant, mêlant informations historiques, géographiques, culturelles, et vécu (chaque site a été exploré, admiré ou moins aimé, et le ressenti d’Aurélie et Julien est très instructif pour le lecteur, futur voyageur).

Grotte d’Akiyoshido, la plus grande du Japon, préfecture de Yamaguchi (Julien Giry)

Les textes sont très beaux, très bien écrits, très descriptifs (mêlant géographie, histoire et arts), mais également sensibles voire émouvants, parfois critiques, toujours honnêtes et francs. Le lecteur a l’impression de voyager à côté d’eux et de voir ce qu’ils voient, ce qu’ils aiment ou aiment moins … comme si il feuilletait à côté d’eux leur carnet de voyage, qu’ils lui livraient leurs anecdotes, leurs conseils, d’ami à ami.

Ainsi, sur Matsushima, site emblématique et poétique par excellence (« Les centaines d’îlots calcaires couverts de pins de la baie de Matsushima furent, dès le dix-septième siècle, considérés comme l’une des trois plus belles vues du Japon ») :

Tournée vers l’océan pacifique, dans une échancrure de la côte de Sendai, une constellation d’îlots fragiles sont caressés par les flots. Ce paysage fascinant est une ancienne plaine littorale qui, à chaque nouveau séisme, s’enfonce un peu plus dans les eaux. Elle ne laisse émerger que des socles friables de calcaire jaune, blanc et gris, couverts de pins aux branches torturées – autant de précieuses compositions qui, sur une dizaine de kilomètres, ont protégé la baie de la vague destructrice du 11 mars 2011.
Peintres et poètes sont arrivés ici alors que le paysage était déjà formé. Dès la période Nara (710-794), quand le château voisin de Taga constituait le bastion le plus septentrional du Japon, la baie de Matsushima était appréciée pour son atmosphère onirique et son climat. Plusieurs indices rappellent cet engouement précoce.
Dans le port le plus central, une petite construction en béton servant d’observatoire permet d’apprécier les deux cent cinquante-six îlots, disséminés sur 50 kilomètres carrés, qui composent le site. Les touristes et les vendeurs d’huîtres ont remplacé les lettrés, à commencer par Hayashi Razan. Conseiller des premiers shoguns Tokugawa, ce philosophe aurait établi en 1643 le Nihon Sankei, la liste des trois vues du Japon. Ce premier classement consacrant les plus beaux paysages nationaux regroupe : le tombolo d’Amanohashidate, l’île de Miyajima et … la baie de Matsushima.
Un navire accoste. Il vient de boucler le tour le plus populaire, la Basho cruise, sur les traces – plus ou moins avérées – du grand poète. Omniprésent à Matsushima, celui-ci considérait la baie comme « la plus belle de tout le Japon », susceptible de « tenir tête au lac Dongting » et possédant « une marée qui vaut celle de la province de Zheijang ». Deux références classiques de la littérature chinoise, devant lesquelles ne veut plus rougir le jeune régime d’Edo. Mais au grand dam des locaux, Basho s’est contenté d’un éloge en prose, sans jamais décrire la baie dans ses nombreux haïkus.
Il n’empêche. En suivant les visiteurs descendus du ferry, la trace d’un poème attribué à Basho apparaît vite, gravé sur une pierre à proximité du temple Godaido. La légende a dépassé ici la vérité littéraire, attribuant au maître subjugué des vers du dix-neuvième siècle : « Matsuhima ! Ô Matsushima ! Matsushima ! »
Passé les deux ponts rouges qui mènes à l’îlot du petit temple, fondé au neuvième siècle, les autres confettis apparaissent enfin dans l’air épais. En 2013, les Japonais férus de classements ont obtenu l’entrée de Matsushima au Club des plus belles baies du monde.

Et toujours un encart avec des informations plus pratiques :
Les méandres touristiques de la baie de Matsushima sont complexes. Le plus simple sera de rejoindre la gare de Matsushima-kaigan, à 50 minutes en trains locaux à l’est de Sendai, d’où vous pourrez rallier à pied les îlots de Fukuura et d’Oshima, embarquer pour la Basho cruise ou déguster des huîtres.

Le seul danger avec ce livre, c’est de vouloir monter dans le premier avion pour aller découvrir tous ces lieux !

N’hésitez plus, offrez ou offrez-vous ces beaux livres pour découvrir un Japon coloré, graphique, poétique, esthétique !

1 réponse

  1. 22 septembre 2019

    […] du vide pourtant plein de sens, s’appelle le Ma (間). Retrouvez notre article à ce sujet, ici  #insidejapan_project  […]

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