Salon du Chocolat 2018, voyage en terre gourmande
Les becs sucrés de l’équipe de Journal du Japon se sont une fois de plus rendus au Salon du Chocolat de Paris, qui avait lieu du 31 octobre au 4 novembre dernier. L’événement méritait amplement un second tour de visite car il célébrait cette année lui aussi le japonisme, comme un peu partout à Paris et en province, à l’occasion des 160 ans d’amitié franco-japonaise. L’équipe vous propose cette fois un compte-rendu de ce qu’il ne fallait pas rater dans les allées gourmandes qui s’accordaient de saveurs nipponnes.
Junichi MITSUBORI, le pâtissier samurai
Déjà présent lors de la précédente édition du salon, l’autoproclamé samurai moderne a bénéficié cette année d’une mise en valeur à la hauteur de son talent. Tous les jours, sur la scène de l’espace Japonisme qui accueillait les ateliers des invités nippons, Junichi Mitsubori proposait à une foule entassée en masse une performance live de confection de wagashi nerikiri.
Les pâtisseries traditionnelles japonaises (wagashi) sont divisées en plusieurs catégories, dont les nerikiri, qui sont communément composées d’une boule de pâte de haricot rouge (anko) recouverte par une pâte de haricot blanc (shiroan) d’ordinaire colorée. Une fois la partie gastronomique finie en obtenant cet assemblage, il est temps d’entrer dans la phase artistique qui représente une grande partie du produit. La boule de pâtes, dont la texture ressemble à de la pâte d’amande, est alors délicatement façonnée à l’aide d’outils en bois (tegata nerikiri) ou de moule en bois (kigata nerikiri).
Cet art, déjà très codifié et demandant de la maitrise, est transcendé par Junichi MITSUBORI dans un courant qu’il a baptisé Kado : « Le Kado définit selon lui une nouvelle voie du Wagashi, à l’image du Chado, ou voie du thé, dont la cérémonie qui entoure la préparation est essentiellement l’art de présenter à l’invité l’esprit d’hospitalité de l’hôte. Mitsubori-san a fondé sa propre école, baptisée Kado Ichika-ryu, qui lui permet de partager la culture de la pâtisserie japonaise traditionnelle avec le monde entier. Ichika-ryu recourt à des ustensiles réalisés sur mesure et à des gestes calculés. En sublimant une simple confiserie à déguster en une œuvre d’art raffinée, il cherche à fasciner les yeux et à éveiller l’émotion. L’exécution élégante de la création, aussi envoutante qu’elle soit, culmine en un art vivant et éphémère voué à perdre sa beauté sculpturale. »
Vous pouvez vous procurer son livre sur le site de l’éditeur Nikko Graphic Arts.
Le roi du salon – Salon de Royal Kyoto
Après avoir remporté l’Award de la Tablette d’Or 2017, décerné par le Club des Croqueurs de Chocolat, le chocolatier japonais Salon de Royal Kyoto est de retour cette année en sol gaulois. Si la surface de vente fut moins grande cette année, c’est au profit d’un contact avec le public accru, via une décoration évoquant le Japon traditionnel, et une scène en tatamis sur laquelle étaient proposés des cérémonies du thé et des concerts de koto (harpe traditionnelle japonaise).
Fondé en 1935, Salon de Royal Kyoto est l’un des plus anciens chocolatiers japonais. Leur nouvelle collection intitulée Miyabi, était présentée en avant-première durant l’événement. L’utilisation d’excellents ingrédients typiquement japonais (yuzu, saké, wasabi, tofu, pousse de bambou) éveille les sens, et transporte les visiteurs à Kyoto, haut lieu du raffinement et de l’élégance japonaise. Mais si un produit a bien fait sensation sur le stand, ce sont les sachets de la gamme des noix de pécan enrobée. Semblables à nos chatines, et disponibles en sachet à partir de 3€, ces petites dingueries, activement proposées en dégustation, ont conquis plus d’un visiteur.
Maestro ès pâtisseries – Susumu KOYAMA, Es Koyama
Une des principales masterclass japonaises du salon était la recette de la pâtisserie Es Koyama. Le chef, Susumu KOYAMA, proposait devant toute une assemblée la recette de sa terrine au chocolat ruby et café d’Éthiopie.
Le chocolat ruby, naturellement rose, a la particularité d’être fruité et d’avoir un goût qui est celui du fruit du cacao. Le meilleur chocolat pour exprimer le goût du fruit, donc. Le café d’Éthiopie quant à lui est très fruité, ce qui se marie très bien avec le chocolat ruby. À travers ce gâteau, Susumu KOYAMA a eu envie de faire se souvenir aux gens que le chocolat est à la base un fruit, au même titre que le café est une baie. La terrine qui en résulte est plus compacte et humide qu’un cake, et laisse infuser en bouche les notes florales du chocolat.
Durant la recette, le chef confie au public qu’utiliser les matières premières de manière plus responsable est devenu une de ses priorités. Les différentes catastrophes naturelles survenues de par le monde ces dernières années ont créé un sursaut dans la profession, amenant les pâtissiers à se servir des produits différemment, sans considérer que tout est acquis. Il n’est plus temps de considérer que les ingrédients sont disponibles à profusion et à portée de main.
Conférence Tokyo Chocolate – accord chocolat saké
La conférence de Tokyo Chocolate permettait à une dizaine d’inscrits de participer à une dégustation d’accord saké/chocolat.
Le premier chocolat à tester était composé d’une ganache et d’une gelée de yuzu, à laquelle le chef a ajouté une touche d’un saké Marushin Masamune. La présence de yuzu parvient aux goûteurs par l’odorat dans un premier temps. Comme dans une dégustation de vin, il est important de faire travailler son nez avant, pendant, et après la dégustation d’un chocolat. Une fois en bouche, l’arôme de yuzu arrive dans un second temps grâce à la présence du saké. Il est maintenant temps de boire le Marushin Masamune seul, une boisson au taux de polissage du riz à 40%, servi frais. Le saké déjà présent dans le chocolat, alors simplement utilisé en support au yuzu, revient aux papilles du goûteur et impose désormais ses arômes de manière franche.
Vient ensuite les petits dés de ganache matcha made in Tokyo Chocolate, produite exclusivement pour le Salon du Chocolat de Paris. Composée de chocolat blanc, de crème fraiche, de matcha et de saké Dewazakura Ichiro, c’est ce dernier qui va être goûté avec la ganache. La dégustation se fait en deux temps : un premier cube du chocolat proposé était dégusté avant de boire la coupelle de saké correspondant, et un second après avoir bu l’alcool de riz. Lors de la mise en bouche du premier, le chef invite à découvrir le chocolat. La ganache contient 5% de saké, ce qui ne permet pas de le sentir, ce n’est pas le but de l’opération, mais il suffit à effacer l’amertume du matcha. Dans la nouvelle phase de dégustation, le saké va faire son apparition, les saveurs fruitées qui n’étaient pas perceptibles lors de la première bouchée sont alors bien présentes.
Le dernier test s’est fait sur une ganache montée au chocolat d’équateur avec du saké Akitora à hauteur de 10%. L’intensité de la liqueur est donc bien plus marquée que précédemment. La particularité de cette dégustation tient au fait que le saké va être chauffé à 35°C. Après une bouchée accompagnée de saké à température ambiante, le palier suivant décuple l’umami avec le saké chaud.
Pour en savoir plus sur Tokyo Chocolate, vous pouvez consulter notre interview du chef Shigeyuki OISHI réalisée l’année dernière.
Citrus and dragon – Umami Matcha Café
Si, sur un salon comme celui-ci, la star des agrumes est bien évidement le yuzu, que ce soit chez les artisans nippons comme chez les français, il y a eu une véritable découverte sur le stand qu’Umami Matcha Café partageait avec la ville de Tokushima : le Yuko. Présenté aux côtés du yuzu et du sudachi, le yuko est un agrume de petite taille qui n’est récolté que dans la région de Tokushima, aux alentours du village de Kamikatsu, niché dans les montagnes. On le définit souvent comme un croisement entre le yuzu et le daidai. Le yuko est un fruit à l’acidité douce et au sucré délicat, ce qui en fait un agrume à la saveur subtile, souvent utilisé comme ingrédient secret par les chefs au Japon. Il convient à tous les plats où l’on souhaite apporter de l’acidité comme une vinaigrette, une boisson, un cocktail ou encore une sauce ponzu ou un vinaigre de riz.
Enfin, comment ne pas parler de cette magnifique pièce en chocolat à l’effigie de Shenron de Dragon Ball ? Le salon proposait en parallèle de son célèbre défilé de robe en chocolat, l’exposition des lauréats d’un concours de sculpture en chocolat et d’entremets organisé par Relais Dessert. Le thème était la bande dessinée, et nous pouvions voir des réalisations sur Tintin, Astérix, ou encore Spirou. Keita ISHIGURO était le seul à rendre honneur aux mangas, et l’effort fût grandement récompensé.
C’est simple, l’œuvre a remporté tous les prix possibles : Prix Artistique, Prix Dégustation, Prix Grand Public et Premier Prix !
Un carton plein amplement mérité et qui était parfaitement représentatif de ce que les chocolatiers japonais avaient à exprimer : des artisans de qualité qui ont su, humblement, s’approprier l’art qu’ils admirent, jusqu’à parfois détrôner les Français, rois en la matière, dans leur propre pays.
Pour plus d’informations sur les pâtisseries japonaises, vous pouvez retrouver nos chroniques de livres sur le sujet ici et là. Pour en savoir plus sur le chocolat, notre article réalisé au Salon du Chocolat de Paris de 2017 est là pour vous.
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[…] lors des démonstrations de wagashi de Junichi Mitsubori au salon du Chocolat, Heart Sutra est, comme son nom l’indique, un sutra chanté par le moine […]