Rouge Éclipse : une adaptation réussie ?
Après Orange de Takano ICHIGO, qui utilise la science fiction pour dénoncer des sujets forts et difficiles mais universels, c’est au tour de Rouge Éclipse, de Shiki KAWABATA, de se voir adapter, non pas sur le grand mais sur le petit écran.
Retour sur le manga et son adaptation, sortie cet été sur la plate forme Netflix.
Switch Girls
Ayumi Kohinata (Kaya KIYOHARA), lycéenne bien entourée par ses parents, appréciée par ses camarades de classe pour sa gentillesse, sa disponibilité et sa beauté, est aux anges lorsque son ami d’enfance, Koshiro Mizumoto (Tomohiro KAMIYAMA), lui demande de devenir sa petite amie. Seulement voilà, leur premier rendez-vous ne se passe pas vraiment comme prévu. Zenko Umine (Miu TOMITA), une «camarade de classe» jalouse et tourmentée par toute l’école à cause de son physique jugé disgracieux et son caractère désagréable, l’appelle et lui annonce, du haut d’un building, qu’elle va se suicider… Un événement auquel Ayumi assiste sous une pleine lune écarlate avant de s’évanouir.
Lorsqu’elle se réveille à l’hôpital, Ayumi se rend compte, paniquée, qu’elle est désormais dans le corps de Zenko et inversement.
Commence alors pour elle une nouvelle vie bien difficile entre une nouvelle maison loin de la bonne humeur qui régnait dans la sienne et le rejet et les insultes de ses anciens amis.
Soutenue par Shunpei Kaga (Daiki SHIGOEKA), Ayumi pourra-t-elle faire quelque chose pour récupérer son corps ? Ou devra-t-elle vivre ainsi pour toujours et saura-t-elle faire changer les choses ?
La jalousie est un vilain défaut
Adapté du manga éponyme de Shiki KAWABATA (3 tomes publiés chez Akata), le drama Rouge Éclipse est confié à Hiroaki MATSUYAMA pour la réalisation et à Michitaka OKADA pour le scénario. Ces deux messieurs n’en sont pas à leur première adaptation puisqu’ils ont déjà travaillé sur Liar Game ensemble. Constitué de six épisodes d’une quarantaine de minutes chacun, Rouge Eclipse est arrivé sur Netflix le 2 août 2018.
Cela serait lui faire insulte que d’en parler comme d’un shôjo «basique» car bien qu’il soit question ici d’un triangle – voir même d’un carré – amoureux, les thèmes abordés sont le harcèlement scolaire, le mal être, ainsi que la beauté intérieure. Et là est bien le problème d’Umine qui ne laisse place qu’à la jalousie qu’elle ressent envers ce qu’elle pense être le physique d’Ayumi alors qu’en réalité, c’est sa personnalité toute entière qui rayonne auprès des autres. Et, sur ce point, le drama tout comme le manga sont bien d’accord : ça n’est pas parce qu’Umine Zenko change de corps qu’elle se retrouve être la fille la plus appréciée de l’école. On lui passe ses coups de colère un temps mais, elle se rend rapidement compte qu’Ayumi peut tout aussi bien se faire accepter dans son propre corps, de part son caractère accessible et enjoué.
L’oeuvre fait alors prendre conscience à son héroïne, et au lecteur, que nous sommes tous nés différents avec plus ou moins de facilités à faire face aux difficultés de la vie. Mais aussi qu’il faut tenter de comprendre les autres, leur comportement et accepter leurs différences. Pour se faire accepter des autres, il faut avant tout s’accepter soi-même.
Manga VS Drama
Pour comprendre les intentions de la mangaka ou celles des créateurs du drama, un petit comparatif s’impose entre l’oeuvre originale de Shiki KAWABATA et l’adaptation qu’en ont fait Michitaka OKADA et Hiroaki MATSUYAMA.
Le manga nous offre le typique quatuor «une blonde, une brune, un blond, un brun». Dans le manga, Ayumi, est facilement reconnaissable de part sa coupe courte et claire, ce qui a été omit dans le drama. En effet, Kaya KIYOHARA qui incarne l’héroïne à l’écran, à les cheveux longs et foncés, comme toute japonaise « classique », même si sa peau pâle, et son apparence générale se rapproche du stéréotype de l’idéal féminin au Japon. Finalement, dans le drama, Umine rejette son anormalité plus qu’elle ne cherche à atteindre «l’extraordinaire» comme c’est le cas dans le manga.
Autre modification qui se situe un peu plus loin dans l’intrigue, Kaga et Ayumi – dans le corps de Zenko– rencontrent une excentrique du nom de Mao Ukon (Megumi SEKI) qui étudie de très près la fameuse Lune Rouge, source du changement de corps de nos deux jeunes filles, et leur apprend que les deux lycéennes ne sont pas les premières à subir ce genre d’expérience et qu’il est quasi impossible de retrouver son corps original…quasi.
Là où le manga nous montre qu’il s’agit d’un homme dans le corps d’une femme qui est en train de leur expliquer le pourquoi du comment; le drama reste plus traditionnel en faisant échanger une femme riche avec une femme pauvre, l’une voulant la place de l’autre pour sa notoriété et ses richesses et la seconde, pour son anonymat.
Même si la scène n’est pas la même dans les deux médias, le résultat et le message, eux, le sont: aimez-vous tel que vous êtes et ne faîtes pas des choix que vous pourriez regretter en souhaitant devenir quelqu’un d’autre…
En dehors des choix scénaristiques qui cherchent à élargir le public potentiel pour le drama, les différences sont aussi graphiques: le trait de Shiki KAWABATA est réussi, tant sur le plan des décors que sur celui des personnages. Le seul sujet à débat se situe dans les proportions caricaturales de Umine Zenko qui, sur certains plans, arrive tout juste à la taille des personnages masculins (!) et porte un visage à la limite du Doraemon. On comprend les motivations scénaristiques d’en faire une fille laide mais cela se rapproche beaucoup trop de la parodie pour être prit au sérieux. Parodie que le drama évite aisément avec le choix de son actrice, Miu TOMITA, ronde, et dont la performance, autant dans le personnage d’Ayumi que dans celui d’Umine, est remarquable.
Côté drama, c’est à l’aide d’effets de lumière que l’on peut ressentir les tensions ou amours naissants qui peuvent exister entre les personnages. Par exemple, l’image se teinte d’un effet sépia, très jauni voire parfois sombre et rougi, lorsque les deux lycéennes se retrouvent ensemble. Il en est de même lorsque nous évoluons dans l’environnement de Umine, tout s’assombrit, la lumière du soleil laisse sa place à de l’artificiel, donnant un aspect froid et désagréable à la pièce. On peut citer les scènes entre Kaga-kun et Ayumi dans le corps d’Umine possédant très souvent de beaux couchés de soleil en arrière plan, empruntes de romantisme et de bonne humeur.
Par ailleurs, on se devait de délivrer une mention spéciale pour Daiki SHIGEOKA, interprète de Kaga-kun qui tient ni plus ni moins le drama sur ses épaules. Beaucoup plus bout-en-train que le Kaga du manga, son jeu apporte de la fraîcheur et du peps et il remplit haut la main son rôle de personnage masculin principal.
Conclusion: manga ou drama, faut-il choisir ?
Original dans sa façon de traiter des sujets déjà vus mille et une fois dans les j-loisirs, Rouge Eclipse nous permet d’avantage d’implication dans le quotidien difficile de Umine Zenko, avec une identification plus facile dans le drama; l’impact en prise de vue réelles étant plus important qu’au travers d’un « seul dessin », comme par exemple comme par exemple la violence dont peut fait preuve la mère de Zenko envers elle, ou les propos qu’elle peut entendre de la part de ses camarades.
Le but du drama était donc, par rapport à son homologue papier, de donner plus de force à certaines scènes, de se focaliser sur certaines situations (comme le train de vie d’Umine) tout en en évitant d’autres plus taboues du manga – un homme souhaitant devenir une femme – dans le but de toucher une plus large audience.
La question subsiste, d’ailleurs : était-ce une demande de la plate forme Netflix de lisser davantage certains passages de l’oeuvre papier afin de satisfaire tous les publics, quelque soit leur nationalité ?
Au final, manga comme drama contiennent des messages très forts, ainsi que des personnages emprunts de réalisme dans leur personnalité, actions et réactions. Parce que les différences entre les deux existent mais ne nuisent pas au plaisir du spectateur ou du lecteur, il est intéressant de lire le manga et de visionner son adaptation, de se plonger dans l’oeuvre dans sa totalité.
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