L’Âge d’or du cinéma japonais, Volume II – Acteurs et actrices

Après avoir couvert le poste de réalisateur dans le premier volume de L’Âge d’or du cinéma japonais il semblait logique de traiter ensuite des actrices et acteurs, élément tout aussi important si ce n’est plus dans le rayonnement du cinéma nippon.

Pascal-Alex VINCENT et Tomuya ENDO, toujours sous l’égide de l’éditeur Carlotta nous proposent justement une petite encyclopédie complétant leur travail précédent. Après avoir traité du premier dictionnaire, nous suivons nous aussi la tendance avec un retour sur ce second volume.

L'Âge d'or du cinéma japonais, Volume II - Acteurs et actrices

L’Âge d’or du cinéma japonais, Volume II – Acteurs et actrices

On prend les mêmes et on recommence

Le Goût du Saké (1962)

Le Goût du Saké (1962)

La formule reste la même que pour l’ouvrage précédent, une série de notices d’environs 2 à 4 pages par actrices ou acteurs, rédigées soit par Pascal-Alex VINCENT soit par Tomuya ENDO. La parenté avec le précédent volume se confirme jusqu’au choix de la couverture : deux films de Yasujiro OZU, Fleur d’équinoxe (1958) pour le tome 1, Le Goût du saké (1962) pour le tome 2. Rien de plus normal quand on sait que OZU s’entourait systématiquement des plus grands acteurs de son studio, et ce même pour des rôles mineurs — de plus, l’incontournable rétrospective OZU organisée par Carlotta s’achevant à peine, ce choix a d’autant plus de sens.

Si ce dictionnaire propose une grande variété d’acteurs, issues de genres, de domaines et de studios différents, il convient de se pencher davantage sur l’histoire et l’organisation du star system japonais afin d’en saisir la richesse.

L’acteur japonais de 1895 à 1930

Kinuyo TANAKA et Kazuo HASEGAWA

Kinuyo TANAKA et Kazuo HASEGAWA

Nous en parlions dans un précédemment article consacré à Une Page Folle (1926), mais l’histoire des acteurs japonais est d’abord marquée par l’interdiction des femmes à jouer. Cette interdiction si elle n’avait rien de formelle pour le cinéma, avait dans un premier temps été formulée pour le théâtre, afin d’endiguer un phénomène de prostitution des actrices, qui, une fois interdites de jouer ne menaçait plus les bonnes mœurs. Cette interdiction est récupérée par le cinéma, qui intègre très tôt des acteurs issus d’une formation théâtrale comme Kazuo HASEGAWA qui décida de délaisser une carrière théâtrale prometteuse pour se consacrer au cinéma (p.30) cette ségrégation créée un besoin d’acteurs masculin spécialisé dans la représentation de rôles féminins (d’une manière assez analogue au théâtre), comme ce fut le cas pour Teinosuke KINUGASA, qui avant d’être le réalisateur de Une Page folle avait été un acteur spécialisé dans les rôles de femmes.

Cette pratique sera progressivement abandonnée entre 1918 et 1921 avec l’apparition du mouvement du film pur, un mouvement défini par les critiques de l’époque comme une nouvelle génération de films particulièrement modernes dans ses choix de cadrages, et d’acteurs pour la première fois féminins.

Âmes sur la route (1921) de Minoru MURATA, film associé au Mouvement du film pur

Âmes sur la route (1921) de Minoru MURATA, film associé au Mouvement du film pur

À cette première spécificité s’ajoute également une concurrence forte des Benshi ou des bonimenteurs japonais. De 1923 à 1930, les films silencieux sont en effet commentés par des Benshi qui revêtent des allures d’acteurs. Ceux-ci sont généralement très libres dans leur interprétation du film, si certaines lisent les intertitres, d’autres les modifient selon leur convenance, imitent les voix des différents protagonistes, commentent l’action. Il est difficile de savoir précisément ce que chaque Benshi faisait du film dont il avait la charge, ce qui est sur cependant, c’est que leur popularité dépassait celle des acteurs, si bien qu’un spectateur nippon n’allait pas forcément voir un film pour son réalisateur ou ses acteurs, mais bien pour son Benshi. Cette spécificité entraîne elle aussi un rapport particulier entre l’acteur de cinéma japonais et les films dans lesquels il joue. Pourtant, le système économique auquel appartiennent ces acteurs est assez classique, inspiré du système hollywoodien.

L’âge d’or, l’âge des studios

Setsuko HARA

Setsuko HARA

C’est donc un système de studio et un véritable star system qui régit la vie des acteurs et actrices.

Un acteur est choisi par un des grands studios de l’époque – La Nikkatsu, la Shochiku, la Toho, la Daei, la Toei, ou le Shin Toho — et y entre sous contrat, devenant un employé classique du studio qui décide pour lui de sa carrière, le confinant ou non à certains rôles types.

Les acteurs sont répartit en catégories et jouent dans des films plus ou moins importants, par exemple les acteurs tenant des seconds rôles dans un film de Yasujiro OZU se retrouveront premiers rôles dans un film d’un réalisateur de moindre importance, mais à l’inverse jamais un premier rôle d’un film de seconde catégorie ne sera la vedette d’une production de premier ordre. De la même façon, il est assez commun de trouver des acteurs confinés à un genre bien précis.

C’est un fonctionnement très hiérarchisé et rigide, de la même façon il est très rare de voir un acteur affilié à un studio tourner un film chez un concurrent, lorsque cela arrive c’est là encore sans que l’acteur en question n’ait réellement son mot à dire, il s’agit le plus souvent d’un accord commercial entre les deux studios, s’échangeant pour une durée limitée ou un nombre de films définis certains de leurs acteurs.

C’est pourtant ce système qui a donné naissance aux acteurs les plus connus de son époque. Si certains ont cherché à obtenir leurs indépendances dans les années 60 alors que les studios commençaient à péricliter, c’est bien ce star system à l’américaine qui constitue ce que l’on appelle l’âge d’or, à cet égard, il est normal que ce dictionnaire se concentre très largement sur cette période et donc, sur des acteurs de studio.

Toshio MIFUNE, Nathalie DELON, Alain DELON et Machiko KYO à la cinémathèque française

Toshio MIFUNE, Nathalie DELON, Alain DELON et Machiko KYO à la Cinémathèque Française

Le livre est édité par Carlotta.

3 réponses

  1. 15 octobre 2018

    […] la sortie le 15 de ce mois du volume 2 du dictionnaire sur l’âge d’or du cinéma japonais consacré aux acteurs, Carlotta films complète intelligemment le volume 1, consacré, lui, aux […]

  2. 12 décembre 2018

    […] Enfin, parce que le cinéma ça se regarde, mais que ça peut aussi se lire, terminons avec les Dictionnaires de l’âge d’or du cinéma japonais dont le volume 2 est sorti cette année. Dommage que les 2 tomes ne soient pas vendus en combo car il s’agit là d’un très joli cadeau pour explorer une période phare de l’histoire du cinéma japonais. Cadeaux parfaits pour tout amateur, averti ou novice, et curieux d’apprendre (ndlr : nos articles sur ces dictionnaires ici et là). […]

  3. 21 décembre 2018

    […] L’Âge d’or du cinéma japonais, Volume II – Acteurs et actrices  : Après avoir couvert le poste de réalisateur dans le premier volume de L’Âge d’or du cinéma japonais il semblait logique de traiter ensuite des actrices et acteurs, élément tout aussi important si ce n’est plus dans le rayonnement du cinéma nippon. […]

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