L’épopée japonaise : épisode 8, la restauration de Meiji
C’est après la chute du Bakufu des Tokugawa par les clans Chôshû et Satsuma que l’Empereur se retrouve à nouveau, véritablement, à la tête du Japon. Il prend le nom de Meiji, signifiant « règne éclairé », bien décidé de ce fait à faire prendre une toute nouvelle direction au pays. La période s’étend de 1686 lors de la restauration de l’Empereur jusqu’en 1912, date de décès de ce dernier. Face à la menace des Occidentaux, le Japon n’a en effet pas d’autres choix que de se moderniser rapidement s’il ne veux pas finir comme la Chine, complètement morcelée par les différents empires occidentaux.
Guerre de Bôshin
Les nouveaux dirigeants de la période de Meiji vont toutefois devoir commencer par stabiliser le pays. En effet, malgré leurs victoires successives en 1868, les partisans du régime des Tokugawa sont toujours présents dans les régions du nord. Après avoir perdu Edo, ils se retranchent dans le Tôhoku puis à Hokkaidô (alors connu sous le nom d’île d’Ezo). Enomoto TAKEAKI crée en décembre 1868 la République d’Ezo, d’ailleurs aidé par quelques soldats français menés par Jules Brunet qui se reconnaissaient dans la philosophie des samouraïs du Bakufu. Cette dernière a d’ailleurs inspiré le film Le Dernier Samouraï. Cette république ne durera toutefois pas longtemps et Enamoto TAKEAKI se rendra en juin 1869. Le pays peut alors se concentrer sur la modernisation du pays et la renégociation des traités inégaux. Même si la plupart des dirigeants de ce nouveau régime proviennent des clans Chôshû et Satsuma, quelques individus autrefois fidèles aux Tokugawa et possédant de grandes connaissances des cultures occidentales, rejoignent le nouveau régime.
Techniques occidentales, âme japonaise
Le nouveau système va donc très rapidement se mettre en place et établir un système pour défaire l’ancien système du Bakufu et moderniser le pays. C’est ainsi que sont rapidement promulguées de nombreuses lois : le pays est alors enfin ouvert après plus de deux siècles de fermeture ; le système de classe des Tokugawa est aboli et la classe des samouraïs également : ils ne sont plus autorisés à porter le sabre et l’armée devient une armée de conscription. Le nouveau système met la figure de l’Empereur en haut de la société et le shintô devient la religion d’État alors que le bouddhisme se retrouve relégué au second plan, renforçant encore plus le statut de l’Empereur, considéré comme un Dieu vivant. En 1869, une constitution est instaurée : elle se base sur les modèles occidentaux et tout particulièrement de la constitution allemande. Le pays applique alors une nouvelle devise Wakon-Yôsai (« âme japonaise et techniques occidentales ») qui exprime la volonté du pays de garder son identité propre tout en adoptant un modèle de société occidentale remplaçant définitivement le modèle chinois. A l’image de la mission Iwakura où des ambassadeurs japonais partiront faire un passionnant tour du Monde de 1871 à 1873, les Japonais s’inspirent à cette époque de toute la culture occidentale à laquelle ils étaient fermés pendant plus de deux cents ans : de leur système politique, à leurs habits en passant par l’art, au point que le pays devient la cible de moquerie de la part des occidentaux, considérant que les Japonais ne sont bons qu’à copier les autres.
Modernisation éclair
Le Japon va donc fortement changer : de nombreux étudiants sont envoyés en occident afin de ramener avec eux des connaissances dans tous les domaines possibles dans le but de renforcer le Japon. L’éducation est en effet vue comme un élément clef dans la modernisation du pays. Ça l’est notamment grâce à Fukuzawa YUKICHI, à qui on doit le livre Gakumon no Susume (l’appel à l’étude). Le pays subit une révolution industrielle excessivement rapide et l’arrivée de l’industrie lourde renforcera le secteur militaire dont le développement est nécessaire pour faire face à une éventuelle attaque occidentale. Des arsenaux sont construits et une flotte moderne est rapidement créée. Enfin, avec la conscription, l’armée se voit renforcer d’un nombre bien plus important de soldats. Les puissantes Zaibatsu, de gigantesques entreprises, voient le jour avec la restauration de Meiji. Elles entretiennent de forts liens avec le gouvernement en place et permettent le développement économique du pays.
Le Péril Jaune
C’est ainsi qu’en à peine quelques dizaines d’années, le Japon devient une force dominante en Asie. Preuve de la réussite du nouveau système : le Japon gagne tout d’abord la guerre contre la Chine de 1894-1895, montrant son ascendant sur l’Empire du Milieu pourtant considéré depuis toujours comme LE maître du continent asiatique. Puis l’emporte à nouveau en 1904-1905 face à la Russie qui voulait étendre son influence sur les régions frontalières comme la Mandchourie en Chine ou l’archipel des Kouriles qui est encore aujourd’hui une source de tension entre les deux pays. Victoire qui réjouit fortement l’Empire britannique, celui-ci s’étant rapidement allié avec le Japon et s’étant toujours opposé à l’Empire russe.
En prouvant leur supériorité non pas face à un autre pays asiatique mais face à un empire occidental, le Japon se retrouve propulsé au rang des grandes puissances : c’est le début du péril jaune, car les puissances occidentales vont rapidement se sentir menacées par cette nouvelle puissance, et les traités de pays suite à la guerre face à la Russie ne donnent guère d’avantage au Japon.
Le Japon s’est ainsi propulsé de petit pays destiné à être colonisé par les empires occidentaux à la plus grande puissance asiatique, grâce à un développement rapide et une victoire décisive face aux Russes. Il est désormais capable de rivaliser avec l’Occident, à l’aube d’une Première Guerre mondiale. Le Japon n’en restera pas là et continuera son expansion sous les règnes des deux prochains empereurs, durant les ères Taishô et Shôwa.
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3 réponses
[…] diplomatiques entre la France et le Japon ainsi que le 150ème anniversaire du début de l’ère Meiji (1868-1912), période historique d’ouverture du pays à l’Occident mettant fin au […]
[…] Très vite, c’est à un projet beaucoup plus fou qu’il va prendre part : la révolution sans effusion de sang, la restauration de Meiji ! Un manga historique édité par Black Box, où l’on voit le gros travail de recherche effectué par le mangaka pour coller au mieux à la réalité historique et dont la touche humoristique rend la lecture plus simple (même pour des garçons), qui pourrait donner envie aux lecteurs d’en connaître plus sur cette période charnière de l’histoire de l’archipel. Le passage d’un monde féodal à un Japon moderne, quelle aventure ! Voici d’ailleurs notre épisode de l’épopée japonaise sur la restauration de Meiji. […]
[…] selon l’époque. En effet, depuis l’époque industrielle qui débute au Japon à l’ère Meiji en 1868, on parle d’artisanat pour le travail réalisé exclusivement par un artisan et pour […]