Gaming Memories #12 : Bare Knuckle
Bienvenue dans ce douzième numéro de Gaming Memories. En ce mois d’août, nous partons dans des rues mal famées, remplies de punks et autres voyous à tabasser. Mais cette fois-ci, pas question de s’enterrer dans une salle d’arcade bien trop bruyante et sombre, l’action se passe dans votre salon ! La destination ? Bare Knuckle sur Mega Drive en 1991. Ça va cogner sévère chez SEGA !
SEGA entre dans le ring Beat’em-up
Bare Knuckle (ベア・ナックル 怒りの鉄拳 Bare Knuckle : Ikari no tekken, Streets of Rage aux Etats-Unis et en Europe) est un jeu de la Team Shinobi, l’un des nombreux studios de développement de SEGA. Ils sont déjà responsables de Golden Axe, The Revenge of Shinobi (forcément) et Altered Beast à ce moment. Des jeux qu’on dirait « cultes » pour la Mega Drive et qui, en tous cas, font partie de ses classiques.
Si l’on cite le plus souvent Double Dragon (Technos Japan, 1987) et Final Fight (Capcom, 1989), Bare Knuckle s’impose comme un challenger direct sur console de salon. Effectivement, là où ses ainés étaient des jeux d’arcade portés sur de nombreuses consoles avec plus ou moins de succès (certains sont plus réussis que d’autres), celui-ci a été taillé directement pour la machine de SEGA avant tout afin d’être optimisé le mieux possible.
Bare Knuckle fit partie de plusieurs cartouches multi-jeux fournies avec la console à son achat : le Megagames II aux cotés de The Revenge of Shinobi et Golden Axe pour commencer et le Megagames 6 (M6) pour Mega Drive II avec Sonic the Hedgehog, The Revenge of Shinobi, Columns, Super Monaco GP, et Sega Soccer.
Les rues de la rage
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La paix régnait dans la ville sans nom ni histoire. C’était un endroit paisible et chaleureux, jusqu’à l’apparition d’un mystérieux syndicat du crime mené par un homme non-moins énigmatique et seulement connu sous le nom de « Mr.X ». Depuis son arrivée, les méfaits se multiplient, le crime aussi. La police, surchargée, se retrouve surtout corrompue pour laisser place au malfaisant de faire ce qu’il veut. Il n’y a plus aucune loi… sauf pour trois agents de la paix, qui décident de démissionner et descendre dans les rues pour les nettoyer de toute cette racaille, jusqu’à Mr.X lui-même. Leurs noms ? Axel Stone, Blaze Fielding et Adam Hunter. Tous les trois, ils devront parcourir la ville et survivre jusqu’au building où se terre le méchant de service…
Seul ou avec un camarade de jeu, vous devrez donc prendre le contrôle de l’un des personnages et tabasser du punk à tour de bras, à main nues ou avec des armes trouvées sur place. Tous les coups sont permis, y compris ceux qui font le plus mal ! Le challenge est de mise, et ce ne sont pas les boss de chaque niveau qui diront le contraire. Cette fois-ci, personne à secourir mais une ville entière à sauver. L’équipe d’affreux du coin à débouter est un thème déjà vu, mais jamais la baston n’a été aussi brutale.
Prendre du pas si vieux pour faire du presque neuf
Vous l’aurez compris, en soi, ce classique n’invente pas grand-chose, que ce soit le gameplay typique du genre ou dans le choix de ses personnages. Ici, on a trois protagonistes avec des caractéristiques différentes. Axel est plutôt équilibré en force et vitesse, mais se débrouille assez mal en sauts ; Adam est un peu la « mule » du lot, avec une force plus haute, un saut qui suit bien mais une vitesse plus basse, et Blaze fait un peu moins mal mais saute et se déplace beaucoup plus loin et vite. C’est un triangle habituel de nos jours mais qui s’installait encore progressivement à cette époque.
Une fois le personnage choisi, vous traverserez huit niveaux tous conclus d’un boss (hormis un) bien plus fort. Les ennemis arriveront par vagues au fil de la progression et seront eux-mêmes de plus en plus forts. Il est impossible de revenir en arrière, mais vous trouverez sur votre chemin diverses armes et nourritures pour vous soigner. Plus rarement, vous pourrez aussi ramasser une vie bonus, par exemple.
Pour vous défendre, vous disposerez d’une palette de coups assez étoffée : un enchaînement de base différent pour chaque combattant, pour commencer, et vous pourrez attraper un adversaire pour lui coller quelques gnons bien sentis qui le repousseront en arrière. Une fois un ennemi attrapé, votre personnage pourra sauter par-dessus et lui infliger une projection au sol dévastatrice. Bien sûr, comme ils peuvent bondir, les héros sont capables d’effectuer une attaque sautée. Si vous appuyez sur la touche de saut et d’attaque en même temps, ils mettront un coup derrière eux pour se débarrasser d’un punk qui s’approche un peu trop. En cas de projection de votre personnage, il sera possible de se rétablir en appuyant sur les touches de saut et haut. Ainsi, il ne se retrouvera pas plaqué au sol et ne prendra aucun dégât. Vos ennemis pouvant par ailleurs vous attraper par derrière, vous devrez vous défendre en prenant appui sur eux et repousser ceux qui tenteraient d’en profiter pour vous lyncher, et jeter votre assaillant par dessus vous par la même occasion.
A cette panoplie de coups déjà bien fournie s’ajoutent ceux en duo : si vous jouez avec quelqu’un, les possibilités augmentent encore avec les combinaisons à deux. En saisissant votre partenaire, vous pourrez faire des cabrioles dévastatrices qui détruiront carrément un boss en quelques coups ! La coordination entre les deux joueurs est bien sûr requise, et elle sera bien utile car qui dit deux joueurs ne dit pas difficulté augmentée, mais ennemis doublés. Un boss seul arrivera en double, donc le cadeau n’est pas si beau que cela, au final. Cependant, se battre en utilisant ces attaques donne un beau spectacle.
Le jeu est assez difficile en général et de plus en plus en fonction du mode choisi. Vous n’aurez droit qu’à trois Continues de trois vies chacun. On en récupère en cours de route avec le score qui augmente au fil des niveaux, mais il est rare de se sentir à l’aise jusqu’à la fin. Si l’on n’a pas de coup spécial qui consomme de l’énergie comme dans Final Fight (et qui est désormais une mécanique quasiment obligatoire du genre), ici vous pourrez faire appel à une voiture de police. Une fois par niveau ou par vie, elle fera le ménage intégral sur l’écran en appuyant juste sur A. Cela fera arriver un véhicule qui tirera avec une grosse mitrailleuse ou un lance-roquettes (rien que ça…). Les ennemis de base n’y survivront pas et les Boss s’en tireront avec de gros dégâts.
Alors, on casse notre manette à force de jouer ou de rager ?
Bare Knuckle, comme dit plus tôt, est un jeu exigeant et qui pardonne assez rarement. Les personnages frappent fort, mais les ennemis aussi. Bien que la maniabilité réponde bien et vite, il faut assez souvent prévoir les assauts des adversaires pour ne pas être le premier à se faire frapper. Mais BK est assez souple et les coups sortent facilement : il est rare de rater sa réception lorsque l’on est jeté en arrière ou de cogner dans le vide. Pour ainsi dire, il est même possible de « tricher » en frappant des deux cotés en bougeant vite son pad directions à gauche et droite pendant une attaque. Cela ne rend pas le jeu moins compliqué mais cela sort parfois de mauvais pas.
Les personnages sont assez bien animés, avec des sprites de bonne taille. Bien sûr, Beat’em-up oblige, le nombre d’ennemis différents n’est pas forcément énorme mais varie par la technique classique du « swap color » (un même personnage change de couleur et forcément, devient plus fort. Un karateka en noir sera trois plus fort qu’un karateka en bleu, etc). Même si l’on a un peu l’impression de combattre une armée de clones, on s’en fiche car cela fonctionne quand même. La vitesse du jeu est assez remarquable (voire un peu trop ?) pour son époque. Vos réflexes ne seront vraiment pas de trop pour vous en sortir.
Les décors traversés sont assez variés. Du quartier commerçant, on passe dans un autre sombre et dévasté, pour arriver sur une plage où des averses viendront s’abattre sur les personnages ; ensuite on finira par traverser une usine et autres. On a une réelle impression de progression, du point de départ jusqu’à trouver Mr.X. Tout se passe la nuit donc le jeu ne pâtit pas des tendances de la console à donner des couleurs un peu ternes. Il se permet même un très beau dégradé progressif au fur et à mesure que le jour se lève vers la fin.
La progression dans le jeu reste très correcte. Etant un BTU, la durée de vie pure n’excède pas l’heure, mais BK s’avère être suffisamment addictif pour donner envie d’y retourner encore et encore, et tenter de faire de mieux en mieux. Après l’avoir terminé, bien sûr. Il vaut mieux commencer par le début et jouer en « Easy », et monter progressivement en « Normal » et ainsi de suite. Au bout d’un moment, les boss sont capables de vous démolir en deux coups dans les difficultés les plus hautes…
Toute cette action est bercée par une bande-son signée Yûzô KOSHIRO (The Revenge of Shinobi, Ys,Etrian Odyssey). Si SEGA semblait assez sûr d’eux pour afficher le nom du compositeur directement sur l’écran-titre, celle-ci n’a finalement pas fonctionné tant que cela au Japon. Elle est certes de très bonne qualité, avec des sonorités très peu présentes sur l’intégralité de la ludothèque de la console, mais n’entrait pas dans les mœurs musicales japonaises de l’époque, ce qui valut au jeu d’être un peu boudé. Au contraire des Etats-Unis et de l’Europe, où cette BO participa à l’engouement pour le titre. Dans un registre qui touche plutôt à l’electro, ou à la house entre autres, elle est particulièrement entraînante et marquante, parfaite à écouter même en dehors du jeu. Les bruitages sont eux-mêmes d’assez bonne qualité, et les quelques voix attribuées aux personnages et ennemis sont correctes.
Le combat ne s’arrête jamais
Un an après la bataille (1992), SEGA remet le couvert en sortant Bare Knuckle II : Shitō he no Chinkonka. Ce deuxième épisode signait le retour du vil Mr.X et de son organisation qui comptait encore plus de sbires. Dans celui-ci, Adam se faisait kidnapper et laissait sa place à son petit frère Sammy (Skate en versions US et Euro) ainsi que Max Thunder, un catcheur très résistant, lent mais dévastateur. Plus long, plus beauet mieux animé, avec des décors encore plus chatoyants et des sprites plus grands ainsi que de nouveaux ennemis à la place de changements de couleurs, BK II est un exemple parfait de suite qui dépasse son aîné sur tous les points.
Techniquement impressionnant, il abandonnait les coups en duo pour en rajouter d’autres à la place (trois attaques spéciales en plus par personnage, dont les habituelles qui consomment de l’énergie, mais pas que) et si l’on sentait un peu l’influence Street Fighter II (l’attaque spéciale « Great Upper » d’Axel ressemble un peu à un Shoryuken et le « Kikoshô » de Blaze à celui de Chun-li…), le jeu plonge encore plus dans l’ambiance du premier. La bande-son, elle aussi, était encore plus maîtrisée et KOSHIRO réussit à y inclure des sonorités jamais entendues sur la machine.
Puis, en 1994, Axel, Blaze et Sammy reviennent à nouveau en compagnie de Zan, un scientifique mortellement blessé par les sbires de Mr.X (encore supposé mort, mais… ?). Cet épisode, au scénario bien plus dramatique que les précédents, met nos héros en scène dans une chasse aux bombes cachées au travers de la ville. Mr.X, plus fou que jamais, a kidnappé un général russe et espère s’accaparer son armement contre sa vie pour déclencher une Troisième Guerre mondiale !
Si ce scénario ne vous dit rien du tout, c’est normal car il a été totalement exempté de versions hors Japon. Ce n’est d’ailleurs pas le seul élément qui a subi ce sort, ce qui fait qu’en plus d’un jeu ramolli par les 50htz chez nous, il n’avait aucun intérêt scénaristique. Pourtant, même s’il était généralement vu comme le « vilain petit canard » de la série, BK III disposait de grandes qualités : quatre fins disponibles, une progression explicitée par des petites scènes de dialogues entre les personnages, le retour des coups à deux en plus d’un nouveau système d’attaques spéciales, la possibilité de courir et faire des esquives sur les cotés… c’était une conclusion en apothéose qui est un peu tombée comme un pétard mouillé (un peu comme les plans de Mr.X, encore une fois), et c’est bien dommage. Les graphismes étaient un peu moins beaux, l’animation plus fluide mais plus « lâche » aussi, et la bande-son était parfois assez redoutable pour les oreilles. Le scénario n’apportait pas non plus toutes les réponses attendues à la fin.
Les deux premiers classiques sont sortis sur Arcade quelques temps après leur diffusion salon. Tous les deux faisant partie des bornes « Megaplay » (des machines dans lesquelles une pièce ne donnait pas un crédit mais du temps supplémentaire, ce qui faisait que peu importe le nombre de vies utilisées, vos pièces alimentaient votre temps de jeu). Ils sont aussi sortis sur Master System, mais perdaient un peu de leur intérêt puisqu’on ne pouvait plus jouer que tout seul. Ils eurent également une version portable sur Game Gear. Le premier arriva sur compilation, avec pour seule nouveauté des voix « qualité CD » humaines… et pas vraiment convaincantes. BK eut igné Tiger Electronics en 1993.
Il n’y eut plus beaucoup de nouvelles du jeu depuis ce moment. Si bien sûr, la trilogie fait partie de la plupart des compilations SEGA dont nous avons déjà parlé, c’est à peu près tout ce qu’il y a à signaler. Pourtant, en son temps, les jeux eurent droit à une série de comics aux Etats-Unis (publiés dans le magazine de bande-dessinée de Sonic the Hedgehog). La série animée Hi sCoool ! SeHa Girls fit un très léger clin d’œil à la série le temps d’une introduction d’épisode. Axel devint également un personnage jouable de Project X Zone 2 (Bandai Namco, 2015). La bande-son a été rééditée la même année en CD. Pour finir, BK a rejoint le catalogue de la plate-forme Sega Forever.
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La plus grosse réapparition de la série s’est faite de façon non-officielle, par des fans. Un grand nombre de fangames plus ou moins réussis a vu le jour depuis l’avènement d’Internet et des programmes de créations de jeux, mais l’un d’eux sort totalement du lot. Streets of Rage 4/Remake est un fangame qui reprend les trois jeux, les personnages et dispose aussi de quelques nouveaux niveaux, fins différentes et bien plus encore. Bien qu’il ne soit pas produit par SEGA, il s’avère être un très bon produit de fans qui transpire l’amour pour la licence. La firme du hérisson elle-même aurait eu du mal à faire mieux si elle avait souhaité remettre BK sur les rails de cette façon.
Bare Knuckle, moins connu que ses ainés sur les machines concurrentes, reste tout de même un challenger de taille dans le monde du Beat’em-up. Il était le fer de lance d’un marketing plus agressif que celui de Nintendo, et même sans un succès mérité au Japon, il est l’un de ces jeux mémorables de la Mega Drive. Et alors que le BTU est un genre moins populaire qu’à l’époque du premier BK, l’éditeur DotEmu vient d’annoncer le retour de la série ! Comme quoi, les aventures d’Axel, Blaze et les autres continuent de passionner… !
Captures d’écran prises par JDJ. Crédits des autres visuels : Tous droits réservés ©SEGA.
Une série a côté de laquelle je suis totalement passé, étant non amateur de BTU. Je ne m’attendais pas à ce que le gameplay soit si évolué en terme de coup par contre, et tu a piqué mon intérêt quabt au 3e épisode qui semble hyper léché en terme de gameplay…
En soi, les Bare Knuckle ont toujours été ce qui se faisait de plus évolué en terme de gameplay et possibilités, et ce ne sont pas la pléthore de BTU Capcom, certes très bons mais très répétitifs et simplistes, qui pourront dire le contraire (mis à part quelques-uns sur la fin du CPS2…).
Je ne suis pas sûr que commencer par le troisième soit la meilleure chose, mais malgré qu’il soit un peu le vilain petit canard mal-aimé du trio, il vaut le coup d’essai. (et il ne coûte pas bien cher quand on a déjà la compilation MD)