Poésie de fin d’été : BD sur Bashô et Ryôkan en bilingue
La poésie … Peut-être que ce mot rappelle pour certains de mauvais souvenirs d’école, mais la poésie japonaise est simple, belle dans sa capture de l’instant, de la nature vibrante. En cette fin d’été qui invite à la nostalgie, pourquoi ne pas découvrir ou redécouvrir la poésie japonaise ? Journal du Japon a sélectionné deux livres qui vous permettront de la savourer différemment, au pays du haïku.
Matsuo BASHÔ, le maître du haïku : une BD passionnante de Naho MIZUKI
Mettre la vie d’un des plus grands poètes japonais en bande-dessinée, voilà qui était une idée audacieuse. Le résultat est très réussi et propose aux lecteurs de tous âges de découvrir la vie de celui que certains aiment appeler haisei, le sage du haïku.
De sa naissance en 1644 à sa mort en 1694, les étapes clés et les rencontres marquantes de sa vie sont présentées avec beaucoup de simplicité, mais dégagent une grande émotion. Le livre se dévore page après page, le lecteur ne veut pas quitter cet homme attachant, amoureux de la nature, des sentiments qu’elle suscite en lui, et qu’il tentera toute sa vie de mettre en mots.
Après une présentation des principaux personnages (amis, maîtres, disciples), chaque chapitre est consacré à une tranche de la vie du poète.
Cela commence avec L’enfant d’Iga, qui raconte, après un court passage en 1689 dans lequel Bashô et son ami Sora sont dans la montagne et que le poète se concentre sur l’écriture d’un haïku, l’enfance de celui qui s’appelle alors Kinsaku. C’est un enfant curieux dans la famille d’un modeste samouraï de la région d’Ueno, qui préfère traîner dans les champs et admirer la nature plutôt qu’étudier. Mais son père lui apprend l’importance des études, pour qu’il puisse transmettre le charme des choses qu’il trouve belles. Alors qu’il rencontre un maître du haïkaï, son père meurt. Une grande souffrance pour un garçon de treize ans.
Dans le chapitre Vers la voie du haïkaï, on retrouve le jeune homme qui part en apprentissage chez les Tôdô, une famille qui dirige un domaine, et dont le fils, qui a deux ans de plus que lui, est également épris de poésie. Une grande amitié les lie, ils fréquentent ensemble un maître de haïkaï et passent de longs moments à écrire et parler de poésie. Mais le jeune homme de santé fragile mourra à l’âge de vingt-cinq ans. Bashô voudra poursuivre son rêve d’une forme nouvelle de poésie, moins stricte, plus ludique.
C’est alors La vie à Edo qui l’attend. Grâce à des maîtres et des amis, il publie son premier recueil de poèmes et acquiert une grande réputation assez rapidement. Des disciples viennent par dizaines vers lui. Mais ils ne sont pas tous très courageux et veulent surtout « être vus » avec lui. Le poète sent qu’il est temps pour lui de partir.
Il s’installe alors à Fukagawa, dans l’ermitage du bananier. Une toute petite maison, avec un bananier offert par un de ses disciples, sera son lieu de création. Il se rase le crâne et devient Bashô. Il aspire à une vie simple, comme le moine poète Saigyô, ex-samouraï qui a laissé la prospérité pour vivre à l’écart du monde et que Bashô admire.
Après l’incendie de son ermitage, après la mort de sa mère, il va rendre visite à son frère puis se rend au mont Yoshino pour voir les lieux qui inspirèrent Saigyô. Ce voyage sera une grande source d’inspiration pour lui, il écrira peu après le célèbre haïku de la grenouille.
Le vieil étang
une grenouille s’y jette
Doux clapotis.
Il a ressenti l’essence même de la nature, qui est sa beauté immuable. Dépeindre les choses de la nature dans leur réalité la plus nue, avec des sentiments authentiques, voilà à quoi ressemble le haïkaï de Bashô, le style Shôfû de son école.
Peu après, il décide de partir en voyage avec Sora. Ce sera pour lui l’occasion d’écrire un journal de voyage rempli de superbes haïkus, La sente étroite du bout-du-monde. Un parcours de deux mille quatre cents kilomètres, des paysages à couper le souffle qui lui inspireront une poésie encore admirée de nos jours dans tout le Japon et bien au-delà.
À son retour, il travaille à son recueil qu’il finira en 1694. Malade, il meurt à l’automne de cette même année. Son ouvrage sera publié en 1702.
En plus de l’histoire très structurée et très bien présentée au lecteur, celui-ci appréciera le style graphique épuré, la fraîcheur qui se dégage des pages, le regard doux du poète, la nature simple et magnifique.
Un livre comme un hommage à cet amoureux de la nature qui réussit comme personne à la mettre en mots pour l’éternité.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Ô pruniers en fleurs de Ryôkan : une version bilingue pour apprendre le japonais en poésie
Les éditions Folio publient depuis de nombreuses années des livres bilingues en format poche. Mais les langues concernées étaient jusqu’alors l’anglais, l’espagnol, l’italien, allemand, russe et portugais. Cette année, elles proposent aux lecteurs un premier livre japonais, des poèmes de Ryôkan, extraits de son recueil La rosée d’un lotus.
Ryôkan (1758-1831) était moine zen et poète. Excellent calligraphe, il aimait plus que tout jouer à la balle avec les enfants. C’est grâce à Teishin, jeune moniale très proche du poète à la fin de sa vie, que ses poèmes ont été rassemblés quatre ans après sa mort. Dans la préface qu’elle signe et qui est reprise dans ce livre, elle met en avant « la haute tenue et la mélodieuse aisance » des poésies de Ryôkan.
Les 97 poèmes du présent recueil sont numérotés (ils font l’objet de notes explicatives en fin d’ouvrage, pour donner des informations sur le contexte de l’époque, sur un mot, un usage). Ils sont écrits en japonais sur la page de gauche (avec les rômaji pour la lecture phonétique, permettant d’être sûr de la lecture japonaise des kanji par exemple). Leur traduction en français fait face au texte japonais sur la page de droite.
Mot après mot, ligne après ligne, le lecteur débutant ou plus expert reconnaîtra un kanji (de la fleur, de la neige, du prunier etc.), un hiragana, et comprendra la structure du poème … Différentes façons d’aborder la lecture, d’éprouver du plaisir en lisant dans sa tête ou à voix haute, que l’on soit novice ou chevronné.
Et surtout l’occasion de faire un merveilleux voyage dans la nature au fil des saisons et de méditer sur le temps qui passe et sur notre modeste mais précieuse condition d’humain !
Des poèmes qui oscillent entre pensées bouddhiques et contemplation, entre sensibilité aux autres et évocation des charmes de la nature.
Ô pruniers en fleur,
soyez pour mon vieux cœur
la consolation !
Mes amis d’ancienne date
à présent m’étant ravis
L’automne bientôt
avec ce qu’il met au cœur
de si désolant.
Quand sur les petits bambous
la pluie devient plus sonore.
Que si mon habit
de moine avait des manches
de la bonne ampleur,
aux peuples du monde instable
elles feraient un abri !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Deux livres originaux pour vous faire découvrir deux grands maîtres de la poésie japonaise… Venez partager vos coup de cœurs en la matière dans les commentaires !