CASIO Turkey Onsen : créatrices d’ambiances
Sortie de la tête d’affiche japonaise qu’est Wednesday Campanella, le Tokyo Space ODD de la Magnifique Society 2018 était l’occasion de découvrir en live des talents peu connus et émergents de la scène actuelle japonaise. Parmi eux, un OVNI, incarné par le trio dynamique de CASIO Turkey Onsen, invité sur recommandation de KOM_I de Wednesday Campanella, qui avait été consultée par les programmateurs du festival. Evidemment, nous en avons profité pour interviewer cette énigme osakienne à trois inconnues.
Lorsque l’on va voir un concert de CASIO Turkey Onsen, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. Une longue table de laquelle tombent des câbles en spaghettis traverse la scène. Plusieurs ordinateurs, mixettes et claviers y sont disposés, ainsi qu’une multitude d’objets qui n’ont a priori rien à faire là : chaussettes colorées, trucs en plumes, ocarina en plastique… Et des bières. Et des shooters.
Et puis MTG (chant, claviers, samplers), PKNY (chant, claviers) et Chiyaji (chœurs, scénographie) montent sur scène avec leurs dégaines pas possible, et on est transporté. « Le nom de notre groupe vient entre autres du Casiotone (un clavier produit dans les années 1980 par Casio, ndlr) dont nous nous servions beaucoup à nos débuts » explique MTG. Et l’esprit des années 80-90 est bien présent avec CASIO Turkey Onsen. Dans l’esthétique, d’abord, puisqu’elles arborent survêtements vintage et tangzhuang aux couleurs fluo pétaradantes. Dans la musique aussi, évidemment, puisqu’elles s’imprègnent largement de sonorités électroniques de cette période, entre nappes de synthétiseurs et boîtes à rythme assez primitives.
Mais revenons au nom énigmatique du groupe. On a couvert la partie « CASIO ». Quid de la Turquie et des sources chaudes ? « Le « Turkey » vient de la Marche Turque de Mozart » nous expliquent-elles. « C’est un air que nous fredonnions souvent aux débuts du groupe. Quant au « Onsen », ça vient de deux choses. D’abord, il y a le fait que nous avons enregistré un de nos premiers morceaux dans une baignoire. Mais surtout, au Japon, lorsque l’on parle de « bains turcs », on fait bien souvent référence aux soaplands, ces établissements de prostitution. Comme avoir « bain turc » dans notre nom aurait été trop frontal, on a transformé ça en onsen. » Un jeu de mot potache, en somme.
Le son d’Osaka
Vous l’aurez compris, CASIO Turkey Onsen ne se prend pas trop au sérieux. Une attitude qui se traduit dans les paroles, appelant à la boisson et à la fête. Et une attitude que l’on peut sans doute également attribuer à la ville d’origine du groupe : Osaka.
Dans l’imaginaire japonais, les osakiens – et par extension les habitants du Kansai en général – sont vus comme les rigolos, ceux avec une grande gueule en comparaison avec les tokyoïtes, réputés plus taciturnes. CASIO Turkey Onsen abonde : « Tokyo a eu la city pop, une musique vraiment propre à cette ville, qu’on ne peut pas confondre avec une autre. De la même manière, nous pensons notre musique en s’inspirant d’Osaka. On veut que ce soit le son d’Osaka. » Le groupe puise donc dans la culture musicale assez unique du Kansai pour créer son style, en reprenant les codes de la musique de matsuri et des ondo tressautants. Leur album s’ouvre et se termine d’ailleurs sur des morceaux s’inspirant de ces genres musicaux. « Ces genres musicaux sont drôles et nous rappellent des moments heureux » explique MTG. « Les rythmes sont également très intéressants. Ce sont des musiques énergisantes. »
Sake music
Mais il n’y a pas que du ondo ou du matsuri dans la musique de CASIO Turkey Onsen. Loin de là ! Influencées tant par la pop que par la chiptune ou le rap, elles parviennent à créer un univers bien à elles. Mais surtout, CASIO Turkey Onsen est une expérience à vivre en live, grâce à l’énergie très communicative du groupe, mais surtout grâce au travail scénique de Chiyaji. Membre la plus effacée (en apparence) du trio, elle ne dégage pas la même énergie que ses camarades.
Au contraire, c’est très calmement qu’elle va agir, se saisissant d’un petit chien mécanique pour le faire marcher sur la scène, soufflant dans un ocarina inaudible puisque le son est recouvert par la musique du groupe, ou encore secouant des haricots azuki dans un panier en osier. « L’introduction des azuki sur scène s’est faite assez spontanément » explique-t-elle. « En fait, nous nous voyons davantage comme des performeuses artistiques que comme un groupe de musique. On peut donc faire ce que l’on veut sur scène. Nous nous permettons de rire de tout, mais avec beaucoup de sérieux ! » En résulte un show peu commun, véritable performance en effet, où les actions – inaudibles – de Chiyaji n’apportent rien à la musique mais énormément au jeu scénique. Car, comme l’affirment les membres de CASIO Turkey Onsen : « Nous faisons de la « sake music » ! C’est de la musique que vous devez absolument écouter quand vous êtes ivres ! » Kanpai, donc !
Remerciements à Sanae Kikuchi pour l’interprétariat du japonais vers l’anglais, et au festival La Magnifique Society pour son accueil.
Crédits photo : Thomas Hajdukowicz