Gaming Memories #11 : Dino Crisis
Bienvenue dans ce onzième numéro de Gaming Memories. Cette fois-ci, nous vous invitons dans un complexe abandonné et rempli de gros reptiles hostiles venus d’un autre âge… une adaptation de Jurassic Park ? Non, là c’est Capcom qui invite à faire un tour en juillet 1999 sur PlayStation. La destination ? Dino Crisis. Gardez vos bras et jambes à l’intérieur de l’appareil pour ne pas vous les faire dévorer, et c’est parti !
Ce jeu est déconseillé aux moins de douze ans.
Resident Crisis
Projet originellement débuté fin 1996, Dino Crisis devait se passer dans la jungle, où le joueur aurait dû combattre gorilles et serpents, jusqu’à ce que le thème soit changé par Shinji MIKAMI (la série Bio Hazard/Resident Evil, Vanquish, Shadows of the Damned…)., producteur et réalisateur du jeu.
Avant d’en arriver aux dinosaures, le développement a dû être stoppé. Il y avait besoin de plus de monde pour travailler sur Bio Hazard 2… bien que l’on cite MIKAMI à la tête du projet, c’était pourtant un autre homme, Shu TAKUMI (scénariste pour plusieurs jeux GyakutenSaiban/Ace Attorney, Ghost Trick ou UltimateMarvelVSCapcom 3) qui tenait le projet. Mais finalement, encore inexpérimenté dans sa tâche, il n’écrivit que la première moitié du scénario.
Une fois Resident Evil 2 terminé, MIKAMI reprit les rênes. Il souhaitait quitter le domaine de l’horreur fantaisiste. Amateur de films comme – forcément ? – The Lost World : Jurassic Park ou encore la série Alien, il avait pour objectif de faire quelque chose plus « réaliste ». Ainsi, et puisqu’il était difficile d’avoir un exemple réel, les développeurs ont décidé de tout de même donner un comportement le plus crédible possible aux dinosaures croisés. Doués d’une intelligence inspirée de celle des lions, tigres et autres carnivores qui ne craignent pas l’humain, les créatures sont capables de s’adapter et même de poursuivre le joueur dans d’autres salles. Bien que MIKAMI ait souhaité un comportement encore plus poussé pour les bestioles, avec une personnalité propre pour chacune d’entre elles, cette idée a finalement été abandonnée. Les capacités des dinosaures ont été décidées en fonction de leur rôle, plus que selon des études sérieuses. La version US du jeu a toutefois vu le nombre de dinosaures différents augmenter.
Finalement, si le jeu est classé comme « Survival Horror » (tel que Resident Evil ou Silent Hill en sont, pour ne citer qu’eux), on parlera plutôt de « Panic Horror » au Japon. « Survival Horror » était en terme encore assez associé à BH, et donner un autre sous-genre à ce nouveau jeu était une façon de les dissocier l’un de l’autre.
La chasse au dinosaure et à la vérité est ouverte
Regina, membre du SORT (Secret Operation Raid Team) est envoyée sur l’ile d’Ibis avec ses trois équipiers Rick, Gail et Cooper. Ils ont pour mission de récupérer le docteur Edward Kirk, soi-disant disparu lors d’une expérience trois ans auparavant. Celui-ci aurait été repéré par un autre agent posté dans le complexe, finalement pas si mort que cela… Il était même en train d’y faire de nouvelles expériences à base de « Third Energy », un procédé qui a fait voyager des dinosaures de leur temps jusqu’au nôtre en changeant une partie de l’île !
La jeune femme va donc devoir faire son possible pour récupérer le chercheur et survivre au milieu de cette base infestée des créatures et des cadavres déchiquetés. A qui faire confiance ? Est-ce que Kirk est toujours vivant ? Les dinosaures ne vous laisseront que peu de répit lors de votre mission.
Gameplay connu…
Dino Crisis est ce que l’on pourrait appeler grossièrement un « Resident Evil-like » (ou « clone »). Effectivement, le système de jeu y est relativement similaire : on appuie sur la touche directionnelle haut pour avancer, bas pour reculer et gauche fera aller à gauche, droite fera aller à droite peu importe que Regina regarde la caméra ou soit dos à elle. Cela est toujours aussi troublant dans les premières heures si l’on n’a pas l’habitude. Mais on finit par s’y faire, même si l’on aura bien vite fait d’inverser sa direction par mégarde en cas de situation panique. Il est cependant aussi possible de courir, ce qui permet de tout de même éviter un assaut, avec un peu de réflexes.
On voyage dans le complexe à la recherche d’indices, des sempiternelles « clés pour ouvrir des portes » et autres mots de passe au milieu de phases d’action où il vaudra mieux se débarrasser des créatures qui parsèment la route. Le tout saupoudré d’énigmes somme toute simples la plupart du temps mais qu’il faudra résoudre pour continuer. La base est grande, apprêtez-vous donc à faire beaucoup d’allers-retours. Mais pour les rendre moins fastidieux il y a, à plusieurs endroits, des bouches d’aération (miraculeusement) ouvertes dans lesquelles grimper pour accéder à d’autres endroits.
Il sera possible de se servir de différents types d’armes trouvées au cours de l’aventure. Bien qu’il soit impossible de viser précisément, DC quitte le système de visée fixe, haute et basse un peu hasardeux de son ainé BH. Tirer en face suffit – et de toute façon, vous n’aurez pas souvent le temps de vous occuper de viser – car Regina ciblera automatiquement un dinosaure qui se trouve dans son champ de vision. Elle peut également se retourner immédiatement d’un simple appui sur un bouton de la manette.
Vous devrez aussi gérer votre inventaire. Regina ne peut porter qu’un nombre limité de types d’objets (huit au total). Plus besoin de jouer à Tetris pour gagner de la place dans votre valise et stocker une herbe de soin supplémentaire. Ici, tout est classé – objets clés comme objets à utiliser – et se regroupe en nombre limité. Si l’on n’a pas de coffre magique qui téléporte notre inventaire inutilisé, il faudra en revanche trouver des « chevilles » pour ouvrir différentes bornes de stockage trouvées ça et là et y placer le surplus. Ceux-ci peuvent aussi déjà contenir des objets utiles, mais il faudra surtout retenir leurs emplacements. Mixer des objets est aussi possible. Cela permet d’améliorer l’efficacité d’un item curatif ou d’attaque (certains mélanges sont assez surprenants et pourtant très utiles). Même si l’on ne voit pas directement la jauge de santé du personnage, elle affichera une posture différente si elle est trop blessée, vous saurez donc qu’il vaut mieux utiliser l’un de vos mélanges au plus vite.
… pour un jeu calqué sur Bio Hazard ? Pas complètement.
Bien que le système de jeu soit assez proche de celui des Bio Hazard, l’approche n’est pas exactement la même. Le coté horrifique de BH est beaucoup moins présent, et on sursaute plus qu’on a peur. On croisera plutôt des phases de panique où Regina se retrouvera incapable de se défendre et où le jeu affichera le message « Danger » pour bien ajouter à l’ambiance de la situation. Le coté gore n’est jamais trop perturbant : même si l’on croise plus d’un cadavre déchiqueté, on sait déjà plus ou moins comment cela a pu arriver. On a plus souvent l’impression d’être, justement, dans un film d’action qui tente de surprendre son spectateur à tout moment, et surtout, quand il ne s’y attend pas.
La mise en scène y joue pour beaucoup : les décors en 2D laissent ici place à de la 3D pré-calculée de bonne facture pour leur époque, ce qui a permis plus d’interactions dans les puzzles. Bien qu’étant en majorité dans une base, sur des teintes grises, la modélisation des décors et personnages est agréable, même si l’on aurait pu espérer encore mieux. Les animations sont tout de même fluides. L’équipe de développement n’a pas pu faire tout ce qu’elle souhaitait à cause des limitations techniques de la console, mais le jeu est loin d’être repoussant et la taille de certains dinosaures fait plaisir à voir.
Oubliant les plans fixes si caractéristiques de Bio Hazard, Dino Crisis dispose d’une caméra qui suit parfaitement Regina. On ne peut pas la faire tourner, mais elle offre des plans parfois, là encore, assez cinématographiques. Les temps de chargement entre chaque pièce traversée, eux, montrent toujours le personnage qui ouvre la porte de la salle en question, s’accrocher avec son grappin pour monter dans les conduits ou gravir des marches. Cela a pour conséquence de créer des transitions épurées mais suffisantes à laisser une pause, tout en se demandant ce que la suite nous réserve.
Coté son, DC propose des thèmes qui représentent bien la panique ou l’attente permanente d’une éventuelle attaque de dinosaures. Peu de lieux ont un aspect accueillant (hormis les salles de sauvegarde). On a assez peu souvent envie d’y rester, poussé par une ambiance légèrement inquiétante. En soi, la bande-son n’est pas spécialement mémorable, mais fonctionne bien. Bien que le rendu final des cris des dinosaures ne soit pas été à la hauteur de ce qui était espéré et voulu par l’équipe du jeu, ils restent crédibles et sont efficaces, en dépit du fait que trouver des traces réelles pour s’en inspirer ait été plutôt… compliqué.
Niveau durée de vie, pour finir, il faut avouer que dans Dino Crisis cela dépend du joueur. Déjà par son habileté à se retrouver dans les lieux visités, mais aussi selon son envie d’y rester. Si la difficulté « Easy » permet d’apprécier le jeu sans trop se faire mal, la « Normal » s’avère déjà plus corsée. Dinosaures plus résistants et munitions moins nombreuses, le véritable coté « Panic » commence là. En plus de cela, quatre fins sont disponibles sous diverses conditions (choisir une voie plutôt qu’une autre à un point donné, par exemple). De quoi tout aussi bien y rester un peu moins de dix heures en le faisant une fois, comme plusieurs si l’on souhaite tout essayer.
La chasse aux dinos continue
Bien qu’ayant eu un moins grand succès que les Bio Hazard, Dino Crisis eut tout de même deux portages (Dreamcast et PC). Ceux-ci ont bien moins été reçus par la critique. Mais plus important, un deuxième volet tout simplement nommé Dino Crisis 2 est sorti sur PlayStation en 2000. Ce dernier mettait en scène Regina et un deuxième personnage, Dylan. Tous les deux jouables en alternance, ils empruntaient un chemin différent et devaient régulièrement s’aider (l’arme secondaire de Dylan pouvait ouvrir des chemins que celle de Regina ne pouvait pas, par exemple). Mais, surtout, le gameplay tout entier changeait. La maniabilité était la même, et le coté « panique » était encore plus présent. Pas par la peur, mais parce que chaque dinosaure tué faisait grimper un compteur. Plus il était haut lorsque le combo se terminait, plus le gain pour acheter du matériel (armes, soins, munitions…) par la suite était grand. Le simple fait de pouvoir jouer de cette façon renouvelait la série (mais n’était pas obligatoire du tout pour finir le jeu, seulement une mécanique à exploiter pour s’en sortir le mieux possible). Servi par une technique encore meilleure que celle du premier et une bonne ambiance, ce volet offrait un combat final « gigantesque » (ceux qui ont terminé le jeu comprendront). Une suite digne du premier épisode.
2003 apporta le troisième et dernier jeu de la série. Sorti sur xBox, celui-ci prenait à nouveau tout le monde à revers… mais pas spécialement dans le bon sens. Pour quelle raison ? Allez, accrochez-vous bien… nous sommes désormais en 2548 dans une station spatiale, tout cela dans une sorte de jeu d’action/aventure avec une caméra qui n’était pas des plus coopératives. Le jeu était correct à regarder, mais reçut des critiques qui allaient majoritairement du médiocre au mauvais.
Entre temps, Capcom sortit un spin-off intitulé Dino Stalker sur PlayStation 2. Ce dernier était un « Lightgun shooter », ce genre de softs où l’on prend un pistolet pour tirer sur son écran (genre qui fonctionnait très bien en arcade, avec des titres comme Virtua Cop de SEGA ou Point Blank et Time Crisis de Namco). Un peu plus original que la moyenne, il n’était pas des plus accessibles non plus (difficile de rester des heures le bras tendu vers sa TV même pour se déplacer, au contraire des autres jeux du genre qui se passent sur un rail…).
Finalement, les dernières apparitions de la série se sont faites au travers de cameos. Regina était jouable dans Namco x Capcom (Namco, PlayStation 2, 2005) et dans Resident Evil 3, sa tenue était disponible sous certaines conditions. Dead Rising 3 (2013) permettait d’incarner Regina, disponible dans un DLC.
Depuis, plus aucune nouvelle des dinosaures de Capcom, du moins dans un jeu dédié. Pourtant, voyant ce dont les consoles et PC de nos jours sont capables, un retour de la série, s’il est bien étudié, pourrait être grandiose. Pour l’instant, Dino Crisis restera un souvenir d’expérience un peu différente et pourtant sur un terrain connu. A conseiller à ceux qui aiment le survival horror… mais pas trop avoir peu (il y a une certaine contradiction dans l’idée, mais elle fonctionne bien, on vous l’assure).
Captures d’écran prises par JDJ. Crédits des autres visuels : Tous droits réservés ©Capcom.