La bière japonaise : elle fait mousse !
En période de forte chaleur il est certes incontestable qu’il faille régulièrement boire de l’eau pour s’hydrater mais ce serait mentir que de dire qu’on ne serait pas contre une bonne bière, à la fois désaltérante et rafraîchissante. Sur ce point, le Japon n’est pas en reste. Avec une consommation qui avoisine les 3 milliards de litres, les Japonais apparaissent dans le top 10 des pays les plus consommateurs au monde.
Journal du Japon vous propose de faire un petit tour d’horizon de ce breuvage populaire au pays du soleil levant.
L’histoire de la bière japonaise n’est pas celle d’un long fleuve tranquille.
Ce produit de consommation courante très prisée des consommateurs, connaît néanmoins un certain recul ces dernières années au profit d’autres boissons alcoolisées (étude Asahi réalisée en 2015, NDLR). Dès lors, la guerre pour grignoter des parts de marché fait rage entre les mastodontes du secteur (Asahi, Kirin, Sapporo et Suntory) qui ont également vu se multiplier les brasseries artisanales, ou micro-brasseries, apportant leur lot de produits qualitatifs tranchant avec les standards du marketing et de l’industrie.
Il faut savoir qu’on brasse artisanalement au Japon depuis des siècles. Mais c’est au XIXe siècle qu’on introduit le brassage de type occidental pour les bières fabriquées en terre nippone. C’est plus précisément à l’époque Edo, en 1853, qu’un médecin eut l’idée de tester une nouvelle forme de fermentation selon les techniques de brassage européennes.
Cette boisson alors peu connue pénètre tout doucement dans le pays jusqu’à la veille de la Seconde guerre mondiale où le marché est dominé par deux groupes : Dai Nippon Breweries et Kirin. Ils doivent alors déjà faire face à un gouvernement japonais gourmand en taxes pour ce produit de plus en plus plébiscité par les consommateurs.
Au terme de ce conflit mondial, l’obligation faite par les américains de dissolution des zaibatsu (grands groupes agissant en quasi-monopole dans un secteur) aboutit à la création de deux sociétés : Asahi Breweries et Sapporo Breweries, issues de la scission de la Dai Nippon Breweries.
Asahi et Kirin sont très présentes en France souligne Matthieu Carbonnier, bièrophile et japanophile nordiste très loquace sur le sujet : « il s’agit de bières industrielles qui sont les plus connues et distribuées chez nous. Et d’ajouter : » cela est notamment rendu possible par le fait que Asahi est produite en Angleterre et Kirin en Allemagne. On trouve plus difficilement de la Sapporo dont la production en Europe est très infime, voire quasi inexistante.«
Un marché difficile à pénétrer
Jusqu’à la veille des années 1990, la bière est la boisson préférée des Japonais, loin devant le saké (la bière représente 67% du marché des boissons alcoolisées à la fin des années 1980). L’année 1994 marque d’ailleurs un tournant avec la décision du gouvernement de procéder à un assouplissement des lois régissant les brasseries. C’est un vent nouveau qui souffle sur la production de bière, encourageant notamment la fabrication des micro-brasseries locales.
Mais la législation en la matière n’est pas facilitatrice pour qui veut se lancer dans la fabrication et la distribution de bière. Très contrôlée par l’Etat, la production est soumise à un système d’octroi de licence, rendant excessivement difficile l’entrée de nouveaux producteurs sur le marché japonais.
Pour avoir une idée plus claire du sujet, il suffit de citer le chiffre de 3% qui est celui du pourcentage de bières étrangères ayant réussi à pénétrer le marché japonais. A cela il faut préciser que les marques étrangères désireuses de s’implanter au Japon, sont souvent contraintes de passer par le circuit de distribution des bières nippones pour exister sur ce marché. Ainsi, le néerlandais Heineken est distribué par Kirin là où la boisson américaine Budweiser est commercialisée dans le giron de Suntory.
On peut ajouter à cela le coût élevé des taxes sur la bière, les plus importantes sur le marché des boissons alcoolisées.
Par conséquent, les compagnies rivalisent d’imagination et de campagnes marketing pour sortir du lot et s’accaparer des parts dans ce marché hyper concurrentiel. Mais c’est sans compter sur les brasseries artisanales qui tirent leur épingle du jeu… Selon Matthieu Carbonnier, elles seraient près de 50 sur Tokyo où la bière répond aux exigences de qualité et de perfection propres à la culture nippone.
Des fabricants sous pression ?
Boisson estivale par excellence, la bière japonaise répond pour sa fabrication à un cahier des charges très strict. Pour obtenir une boisson fermentée, la législation japonaise impose qu’elle soit obtenue à partir de malt, de houblon et d’eau. Dans les faits, la bière japonaise est composée de riz, de blé, d’amidon et de saccharine, le tout étant mélangé à de grandes quantités de malt (la majorité des matières premières est importée depuis l’Europe ou encore l’Amérique du Nord et l’Australie).
Les plus prisées des consommateurs sont les lagers, des bières blondes légères, très faibles en alcool. Se rapprochant des Pils allemandes, elles n’ont pas de caractère propre en bouche si ce n’est qu’elles ont l’avantage d’être très rafraîchissantes et de s’accorder sans problème avec des plats typiques tels que les sushis ou les yakitoris.
Ainsi, chaque marque a sa « Dry », soit une bière sèche en bouche et désaltérante. Leader sur le marché, Asahi a lancé les hostilités avec sa « super dry », numéro un au Japon. L’entreprise devance ainsi Kirin qui se contente désormais de la deuxième place du podium.
Cependant, les taxations importantes sur le malt ont conduit les fabricants à rivaliser d’imagination pour réaliser des bières permettant de réduire l’usage de cette céréale incontournable. Ils ont ainsi créé de nouvelles boissons : happoshu et happosei. Le premier est introduit au Japon par Suntory en 1994. Disposant d’une faible teneur en malt, l’happoshu a le mérite d’être moins taxé et le goût est au rendez-vous pour les consommateurs, qui retrouvent ici les saveurs de leur blonde classique. On les trouve sous le nom de Nodogoshi-nama de Kirin ou encore Namashibori chez Sapporo. Avec les happosei, les industriels vont plus loin avec l’absence totale de malt dans la composition de la bière. Chez Suntory, elle porte le nom de Suntory et Tanrei chez Kirin. Fabriquée à base de soja, de blé ou encore de maïs, elles ont l’avantage du prix. Et en termes de marketing, elles sont présentées comme peu caloriques et sans alcool, faisant ainsi la joie des consommatrices nippones.
En dehors des industriels, existe-t-il des alternatives locales ?
Elles ont mis du temps mais les brasseries artisanales ont commencé à pulluler sur le territoire japonais ces dernières décennies et rayonnent désormais aux quatre coins du monde. Souvent à l’initiative de distilleries de saké cherchant à diversifier leur production, la production artisanale de bière se taille une place de choix sur la scène internationale. De nombreuses micro-brasseries japonaises se sont d’ailleurs distinguées au cours de la World Cup Beer. Pale Ale, Scottish Ale et autre IPA, les brasseurs japonais font primer qualité sur quantité en réalisant des bières d’inspiration européenne et américaine.
La production est certes moins importante explique Matthieu mais elle reste exigeante : « les bières japonaises sont un peu plus chers que les américaines présentes sur le marché mais c’est en raison de l’exigence dans le choix des produits. Il faut savoir qu’un brassin raté n’est pas vendu ! Cette rigueur proprement nippone trouve son équivalent dans la gastronomie ou encore d’autres domaines ». On ne cherche pas l’extravagance ici mais plutôt à produire des bières simples et bonnes, avec une bonne maîtrise technique.
Si on devait en citer quelques-unes, il y a d’abord l’incontournable brasserie Kiuchi. Cette célèbre brasserie artisanale originaire d’Ibaraki produit de la bière mais également du saké et de l’umeshu. Elle est à l’origine de la gamme Hitachino et est distribuée à l’international. Et Matthieu de préciser : « les bières de la gamme Hitashino comptent une quinzaine de sites de production dans le monde ». Médaille d’or en 2016 à la World Cup Beer, la brasserie du Château Kamiya fabrique pour sa part une lager aux herbes et aux épices, à la levure de cerisiers issus du parc du Château. Donnant des bières fruitées et corsées, la brasserie produit également du vin. On peut aussi citer la brasserie Ise Kadoya qui s’attache tout particulièrement à la qualité de ses brassins ou encore la brasserie Iwate Kura et sa Iwate Beer Oyster composée de coquilles d’huîtres fermentées. « J’ai découvert au cours d’un séjour au Japon en juin dernier la brasserie Coedo qui brasse en Belgique une très bonne Belgian Golden Ale dans le pur style belge », nous confie Matthieu qui explique que les Japonais sont friands du « Belgian Style » en matière de bière. Des bières blondes qui permettent de prendre plaisir, simplement.
Ce petit tour d’horizon terminé on ne saurait trop vous conseiller de ne pas hésiter à pousser la porte de ces brasseries lors de vos prochains voyages au Japon. Et sachez que dans tout bon restaurant japonais ou épicerie spécialisée, on trouve ces breuvages rafraîchissants nippons. Kanpai !
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Merci à Matthieu Carbonnier d’avoir partagé avec nous ses connaissances en matière de bière japonaise.