The musical Touken ranbu : des armes qui dansent et chantent à Paris
Programmée officiellement dans le cadre de Japonismes 2018, la comédie musicale japonaise qui s’est produite en France dans la grande salle du Palais des Congrès, n’était ni Naruto ni One Piece ni une autre licence très connue, mais Touken ranbu, à la base jeu vidéo en ligne sur PC ou smartphone déjà décliné en séries animées.
Depuis maintenant 3 ans, la licence enchaîne les représentations au Japon dans des salles prestigieuses comme le Budokan de Tokyo ou lors de représentations culturelles tel qu’au sanctuaire Itsukushima pour le 20e anniversaire de sa reconnaissance en tant que patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Premier show à avoir l’honneur de se produire pour une telle occasion, cette comédie musicale est depuis partie conquérir toute l’Asie… et maintenant la France ?
À l’occasion de sa venue dans l’hexagone sous le nom de The Musical Touken Ranbu – Atsukashiyama Ibun 2018 Paris le 15 juillet dernier, Journal du Japon revient sur l’un des rares show live adapté d’un animé, d’un manga, ou d’un jeu à avoir parcouru un tel chemin, offrant à la culture traditionnelle japonaise une visibilité et une reconnaissance à travers la pop culture et qui plus est, en dehors de ses frontières…
Qu’est-ce que Touken Ranbu ?
Touken Ranbu Online est à l’origine un jeu sur navigateur web sorti le 14 janvier 2015 au Japon, puis en mars 2016 lorsqu’il fut adapté sur mobile sous le nom « Touken Ranbu Pocket ». Ce jeu est édité par DMM et Nitroplus et est uniquement disponible au Japon. Le nombre d’utilisateurs a tout de même dépassé les 4,5 millions en 2 ans, avec plus d’1 million de joueurs connectés par mois.
Dans le jeu, le joueur y incarne un sage, appelé aussi Saniwa ou Master, ayant la capacité de voyager dans le temps afin de vaincre des épées maudites, membres de l’armée des Réformistes, envoyées afin de modifier l’histoire à leur avantage. Le Saniwa possède également la capacité de donner vie à de célèbres épées historiques japonaises, leur conférant ainsi l’apparence de jeunes hommes, les Touken Danshi, afin de créer une armée et de les envoyer à leur tour vaincre ses ennemis pour protéger l’Histoire.
La Licence a également eu le droit à deux adaptations en séries animés :
- Touken Ranbu Hanamaru du Studio d’animation Doga Kobo. Le premier épisode a été diffusé le 2 Octobre 2016 au Japon et a été distribué en France par J-One. Une seconde saison intitulée Zoku Touken Ranbu Hanamaru a été produite et diffusé dès le 7 Janvier 2018.
- Katsugeki Touken Ranbu du studio d’animation Ufotable. La diffusion du premier épisode a eu lieu le 1er Juillet 2017 au Japon et a été distribué en France sur la plateforme de simulcast et de streaming Wakanim.
Suite à son succès dans l’archipel, Touken Ranbu a été très rapidement adapté en comédie musicale qui met en scène les Touken Danshi dans des numéros de combats féroces, chantant et dansant pour donner vie à l’univers du jeu. Les premières représentations ont eu lieu en octobre 2015, soit à peine 1 an après la sortie du jeu et le spectacle a attiré un public bien plus large que les fans du jeu, grâce aux atouts de cette comédie musicale qui mélange donc drame historique, action et des personnages vêtus de costumes originaux.
Depuis 2015, les éditions de la pièce se sont succédées et on compte déjà 5 spectacles, le premier étant Atsukashiyama Ibun (Ndrl : celui joué en France) et le dernier en date Musubi no Hibiki, Hajimari no Ne qui s’est joué entre le 24 mars et le 6 mai dernier au Japon.
La troupe de la comédie musicale a déjà eu l’occasion de venir en France lors de la Japan Expo 2017 pour une mini prestation et cette année, à l’occasion de Japonismes 2018, célébrant les 160 ans des relations diplomatiques Franco-Japonaises, le cast de Touken Ranbu : The Musical Atsukashiyama Ibun est revenu à Japan Expo et pour deux représentations au Palais des Congrès le 15 juillet 2018. Il s’agit d’une première pour une comédie musicale japonaise.
The Musical Touken Ranbu – Atsukashiyama Ibun 2018 Paris
Synopsis officiel de la pièce : « Une fresque historique et fantastique. « The Musical Touken Ranbu – Atsukashiyama Ibun 2018 Paris » met en scène un conflit secret entre différentes forces du futur dans le contexte du Japon médiéval. Maîtrisant le voyage dans le temps, un groupe de criminels tente d’altérer l’histoire du Japon à son profit. Pour les en empêcher, le gouvernement fait appel aux Saniwa, des sages du futur coordonnant les opérations, et aux Touken Danshi, des esprits d’armes légendaires incarnés en guerriers. Maîtrisant l’espace-temps, les Touken Danshi peuvent ainsi laisser s’exprimer librement leur maîtrise des arts du combat. »
La comédie musicale nous projette en 1189, où les sages Saniwa ont ordonné à la troupe des Touken Danshi de se rendre sur le champ de bataille d’Atsukashiyama Ooshu Hiraizumi. Ces derniers devront s’assurer du décès de Minamoto no Yoshitsune, un seigneur renégat qui ne doit absolument pas survivre aux événements qui vont se déchainer. »
Le Saniwa forme alors une nouvelle équipe afin de rétablir la réalité historique, celle de Minamoto no Yoshitsune qui aurait dû mourir en se suicidant avant de se faire tuer par les troupes de Yasuhira. Cependant, dans cette nouvelle version de l’Histoire, Yoshitsune possède une arme maléfique qui le pousse à s’allier avec Fujiwara No Yasuhira pour attaquer son frère et seigneur Minamoto no Yoritomo.
Le leader des Touken Danshi, KIYOMITSU Kashuu, est l’esprit du sabre qu’utilisait Okita SOUJI du groupe de Samurai Shinsengumi. Il est suivi des sabres forgés par Sanjo MUNECHIKA, MUNECHIKA Mikazuki , une des cinq meilleures épées du Japon, Kogitsunemaru, qu’on dit forgé avec l’aide du Dieu Inarimyojin. On retrouve aussi Ishikirimaru, censé guérir les malades, Iwatooshi, le Naginata qu’utilisait MUSASHIBO Benkei et enfin Imanotsurugi, sabre qui a protégé Minamoto no Yoshitsune.
Au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue, on n’y découvre plus que des armes se battant pour leur maître et on en apprend davantage sur leurs peurs, leurs doutes et tous les autres questionnements concernant leur nouveau corps et sur cette nouvelle condition que leur a offerte le Saniwa. On suivra, par exemple, Imanotsurugi, l’arme avec laquelle Yoshitsune s’est suicidé et Iwatooshi, l’arme du moine Benkei, compagnon de Yoshitsune à qui il a promis de le protéger même à travers la mort.
Les différents personnages, aussi bien alliés que ennemis, évoluent et se dévoilent au rythme des différents tableaux et musiques proposés. Les Touken Danshi vont ainsi devoir affronter de nombreux obstacles dont les perturbateurs temporels. Mais ils feront surtout face à quelque chose qui leur était jusqu’à présent inconnu : leurs sentiments.
Sur scène : show must go on !
La première chose que l’on remarque en entrant dans la salle, c’est le côté très épuré de la scène : un grand panneau japonais et deux Torii (Ndrl : porte spirituelle japonaise) et, lorsque que le panneau japonais se lève, on découvre alors LA scène du spectacle, composée d’un grand escalier qui peut s’ouvrir en deux. Malgré ce décor d’apparence assez limité, les jeux de lumières, l’ambiance sonore, les projections sur les escaliers et l’ouverture en deux moitiés de ces mêmes escaliers, parviennent à nous plonger dans les différentes ambiances présentes de cette comédie musicale.
Néanmoins le plus intéressant réside dans des chorégraphies impressionnantes où les sabres et les costumes virevoltent en musique. Car malgré l’aspect fantastique de ce musical, il reste un spectacle historique : les personnages principaux ont donc différents costumes, chacun inspiré de l’époque où l’arme qu’il incarne a été forgée. Quant aux tenues des personnages historiques réels, elles sont également inspirées des tenues qu’ils portaient à l’époque.
De plus, notons que la représentation était divisée en deux parties. On assiste d’abord à l’histoire qui dure presque deux heures. Puis, après un entracte d’une vingtaine de minutes, on passe à la partie concert du spectacle. En effet, les 6 acteurs principaux nous offrent des chansons rythmées et entraînantes aux côtés de backup dancers qui étaient eux aussi très impressionnants. Ces danseurs étaient sur scène quasiment tout le temps et toujours avec le sourire. Certains en étaient presque à voler la vedette aux Touken Danshi tant ils étaient énergiques. On souligne également le talent des 4 acteurs qui incarnaient les personnages historiques (Yoshitsune, Yasuhira, Benkei et Yoritomo) qui ont enfilé leur costume et ont joué du Taiko en faisant vibrer l’auditoire.
Malheureusement, comme l’avait annoncé la production, le comédien KITAZONO Ryo qui interprète le rôle de Kogitsunemaru ne pouvait pas, lui, être présent sur scène à cause d’un problème de santé. Cependant, après s’être excusé et avoir ému l’assistance, il prêta néanmoins sa voix afin de remplir son rôle pour pouvoir au moins donner aux spectateurs présents un beau spectacle même si le résultat était parfois perturbant… En effet, durant les scènes où il devait se battre avec des ennemis, les acteurs conservaient le même jeu et la même mise en scène et frappaient donc… dans le vide ! Idem lors des passages parlés ou chantés : la scène était illuminée alors qu’aucun comédien ne se trouvait sur scène, seule la voix de KITAZONO Ryo résonnait dans la salle.
On peut saluer tout de même l’effort des comédiens, qui ont essayé jusqu’au bout de faire de cette performance une réussite pour les spectateurs, malgré l’absence de leur camarade sur scène. Néanmoins, un réarrangement de la mise en scène ou au moins la présence d’une doublure pour éviter les moments de vide sur scène aurait aidé à eu meilleure compréhension du spectacle et sans doute à une meilleure immersion. Regrettable.
Autre point notable : The Musical Touken Ranbu est de ce qu’on appeler un spectacle de niche, encore plus vrai pour le public français, qui s’adresse majoritairement aux connaisseurs de la licence, et le néophyte pourra rencontrer quelques difficultés à s’y immerger. Il est chanté en japonais et, parmi les spectateurs, peu comprennent cette langue. Heureusement, un dispositif de 4 écrans permettait aux spectateurs de suivre l’intrigue avec des sous-titres. Hélas, ces derniers étaient parfois en retard par rapport à l’action et il manquait certaines phrases. Conséquence : ce qui dérangeait le plus était le fait de jongler entre les écrans et la scène sans comprendre le déroulé des événements.
Le spectacle parvint cependant à être abordable et compréhensible pour tous ceux n’ayant ni joué au jeu ni même regardé les différents animés, tout du moins si vous aviez quelque base, comme savoir que vous aviez devant vous des sabres ayant pris une apparence humaine. De plus, d’un point de vue culturel, certains codes pouvaient là aussi échapper aux néophytes quand au jeu des comédiens : le respect, les traditions ou encore la loyauté sont des aspects dont l’importance est parfois assez loin de la nôtre.
Dernier point au résultat mitigé : durant la seconde partie, il était autorisé d’allumer des bâtons lumineux (Ndlr : light stick) pour pouvoir encourager les chanteurs lors des chansons solos ou le chanteur que l’on préfère lors des chansons de groupe. Malheureusement, les personnes ne possédant pas de light stick pouvaient se sentir à l’écart du public de fans qui était bien en rythme avec la musique. Là encore, le néophyte ne pouvait pas vraiment profiter de tous les charmes du spectacle. On peut donc regretter un spectacle vraiment orienté pour les fans avec beaucoup d’embuches pour les autres. Pour qui parvenait à passer outre les incompréhensions, il était possible de s’immerger dans l’histoire et d’être divertis, en passant un bon moment devant le spectacle historique de cette comédie musicale.
Du point de vue de l’amateur ou du fan, puisque c’est à lui que le spectacle s’adresse en premier, on pourra conclure de manière nettement plus positive : cette comédie musicale reste un spectacle impressionnant où presque une trentaine de comédiens jouent, chantent et dansent. Chaque mouvement, chaque détail est en place il est agréable de s’immerger dans cet autre univers pendant quelques heures. The Muscial Touken Ranbu Atsukashiyama Ibun est donc une belle production et on comprend parfaitement son succès. De plus, elle donne envie d’en connaître davantage sur cet univers. Car comme cela est dit par Kashuu Kiyomitsu, un jour, lui aussi va devoir se confronter à son passé, comme, on peut l’imaginer, chacune des armes présentes au sein des Touken Danshi.
Bon article bien complet merci :).
J’aurais ajouté que le public était majoritairement japonais, venus directement du Japon (entouré de staff Japonais) ce qui, en effet, a un peu créé un fossé avec les rares personnes Européennes présentent dans la salle. Même s’ils ont fait un effort avec quelques mots de Français etc, on avait quand même l’impression que l’ensemble ne s’adressait pas trop à nous (on a eu un « omedeto » a la fin de la représentation de 20h rapport à la coupe du monde et c’est les Japonaises qui ont répondu dans la salle…bref il y avait comme un décalage ^^).