Shintô : sur la Voie du Culte
Dans ce cycle sur le Shintō, après l’épisode 1 sur les Kami et l’épisode 2 sur la demeure de ces esprits, nous allons aborder aujourd’hui, dans ce troisième épisode, le culte shintoïste et ses nombreuses ramifications. En effet, de par son histoire et ses influences multiples (bouddhisme, confucianisme et taoïsme venus de Chine) et son hétérogénéité en partie expliquée par le fait que la religion indigène nipponne ne possède pas de livres sacrés comme la Bible, la Torah ou le Coran qui donnent un cadre religieux respectivement au christianisme, au judaïsme et à l’Islam, le Shintō est pluriel. Même s’il existe des sources écrites anciennes comme le Kojiki ou « Chroniques des Faits Anciens » et le Nihon Shoki ou « Annales du Japon », ces textes mythologiques ne sont pas considérés comme sacrés. Sous le terme générique de Shintō, il faut donc distinguer 4 aspects principaux que nous détaillerons un par un pour en donner les spécificités : le Kōshitsu Shintō, shintō de la maison impériale ; le Kokka Shintō ou shintō d’Etat ; le Kyōha Shintō ou shintō des sectes ou écoles ; et le Minkan Shintō ou shintō populaire.
Le Kōshitsu Shintō, shintō de la maison impériale
L’Empereur est le descendant en ligne directe du kami le plus important dans le panthéon shintō et le symbole de la nation à savoir, Amaterasu, déesse solaire qui a chargé son « Sublime Petit-Fils », le Prince Ninigi, de régner sur la « Plaine luxuriante de roseaux des frais épis de riz » c’est-à-dire le Japon, en lui remettant les Trois Trésors Sacrés du Japon, à savoir les trois insignes impériaux : l’épée, le miroir et le bijou. D’ailleurs, le drapeau nippon appelée Hinomaru signifie « drapeau au disque solaire ». Une particularité de la dynastie sur le trône du Chrysanthème depuis 2 600 ans est de ne pas avoir de nom de famille contrairement aux grandes dynasties européennes comme les Tudor, Bourbon ou Habsbourg. Le Tennō, le « Céleste » souverain ou l’empereur en langage commun, est le grand prêtre, responsable du bien-être spirituel et matériel de tout son peuple. Nous en profitons pour vous diriger vers notre dossier mythologique de 5 articles dédié au Kojiki, « Chroniques des faits anciens ».
Le Palais impérial, construit à l’emplacement de l’ancien château d’Edo, ancien nom de Tōkyō, qui fut la résidence des shōgun Tokugawa, est un complexe qui garde son passé de château fort avec ses vestiges de fortifications et surtout ses douves isolant la famille impériale du reste de la ville. Seuls les jardins de l’Est sont ouverts au public. L’intérieur du Kōkyo n’est ouvert que deux jours dans l’année : le jour anniversaire de l’empereur, actuellement le 23 décembre, et le 2 janvier pour le jour de l’An. A noter dès à présent qu’à partir du 1er mai 2019, la date anniversaire de l’empereur changera puisque Naruhito, le fils de l’actuel empereur Akihito, né le 23/02/1960, succèdera à son père.
L’enceinte du palais impérial compte différents sanctuaires afin que l’Empereur y célèbre chaque année une vingtaine de cérémonies. Le Tennō dispose ainsi de trois sanctuaires du nom de 宮中三殿 Kyūchū sanden comprenant le shin-den, le kashiko-dokoro et le korei-den.
- Shin-den ou culte des 8 musubi-kami
Dès le début de la dynastie impériale, un culte était donné aux 8 musubi-kami : Iku-musubi ou l’esprit de vie ; Tamatsume-musubi ou l’esprit de réalisation ; Taru-musubi ou l’esprit de plénitude ; Takami-musubi ou « Haut Créateur » ; Kami-musubi « Créateur divin » ; Kotoshironushi, un des fils de Ōkuninushi ; Miketsu-kami (ou Fudō) et Ōmiyanome, kami associé au culte de la déesse Inari et qui selon le Nijūni shaki, est un suijin, c’est-à-dire un kami associé à l’eau, élément important pour l’agriculture et la culture du riz. Deux autres kami interviennent avec elle dans ce domaine : Ukanomitama no mikoto, kami des céréales et Sarutahiko no mikami, jinushigami c’est-à-dire un protecteur des terres. A partir de 1901, l’empereur Meiji décida de ne plus honorer seulement les 8 musubi-kami mais d’étendre le culte dans le Shin-den à l’ensemble des kami, à savoir les 80 myriades de kami. Musubi est un concept shintō qui signifie « unir, combiner, attacher ou lier l’un à l’autre ». Étymologiquement, musu se traduit par créer, engendrer ou générer, quant au suffixe bi, il s’agit de la déformation phonétique du mot hi dont les sens peuvent être soleil, feu ou esprit. Les trois kami primordiaux avant le couple démiurge Izanagi et Izanami qui créèrent le « Pays des Huit Grandes Îles » à savoir le Japon, portent dans dans leur nom musubi. Nés du néant, ils permirent la création de la terre et de la vie. Musubi, est donc le concept de création et de croissance de la vie, de l’esprit hérité de ces kami primordiaux.
- Kashiko-dokoro dans le sanctuaire du Miroir
Le kashiko-dokoro ou reliquaire « qui inspire une crainte révérencielle » est placé dans le plus important des 3 sanctuaires, l’Ummei-den ou sanctuaire du Miroir. Dans le Kashiro-dokoro se trouve une copie du Miroir divin (Yata no Kagami) remis par Amaterasu à Ninigi : l’original est actuellement dans le sanctuaire intérieur du grand sanctuaire d’Ise, Naikū.
- Kōrei-den, sanctuaire des ancêtres impériaux
Il s’agit du Panthéon sacré où demeurent les esprits (mitama) des ancêtres impériaux et des défunts de la famille impériale. Ce culte impérial rendu à Amaterasu, à tous les kami et aux précédents empereurs et défunts de la famille impériale a pour but de maintenir l’harmonie entre les kami et le Tennō pour obtenir le bonheur de toute la nation japonaise. Sous l’ère Meiji, le shintō devint religion d’État jusqu’à la défaite en 1945. Et depuis la nouvelle Constitution du Japon écrite sous l’occupation américaine après la Seconde Guerre mondiale, pour respecter le principe de séparation de l’État et de l’Église, les cérémonies n’ont plus leur caractère officiel et national et restent dans la sphère privée de la famille impériale.
Le Kokka Shintō ou shintō d’Etat
Le shintō d’État est l’idéologie du gouvernement japonais à partir de l’ère Meiji (1868-1912) utilisant la religion indigène à des fins nationalistes afin d’unifier et de centraliser la nation autour de son Tennō. La Restauration de Meiji met un terme au shogunat Tokugawa avec l’abdication de Yoshinobu TOKUGAWA, dernier shōgun en 1867, et à 700 ans de shogunat, Minamoto no Yoritomo ayant obtenu le titre de Seiitaishōgun en 1192, et à sa politique d’isolement volontaire (sakoku).
En effet, l’ouverture du pays au commerce international est officialisée, certains diront forcée par les « bateaux noirs » américains montrant les faiblesses de l’armée nipponne et du bakufu, dans l’optique de réaliser la modernisation du pays en copiant les technologies et industries modernes occidentales et éviter par là-même à tout prix une colonisation par les Européens, Britanniques, Portugais, Français et Néerlandais se partageant de nombreux territoires asiatiques. Pour réunir le peuple japonais, l’empereur et son gouvernement entreprennent des mesures afin d’harmoniser les pratiques shintō autour d’une structure pyramidale qui classe les sanctuaires (Kindai Shakaku Seidō) avec à son sommet le sanctuaire d’Ise. L’État met en place un système de sanctuaires impériaux et nationaux (Kankoku Heisha) à partir de fonds publics. En 1871, les sanctuaires deviennent la propriété de l’État qui leur verse des subventions. Le gouvernement met fin au caractère héréditaire de la prêtrise afin de réduire l’influence de ces grandes familles qui s’accaparent les revenus des sanctuaires sous forme de rentes faisant pratiquement des jinja leurs propriétés privées. Les sanctuaires reviennent ainsi aux mains de la nation dépossédée par ces clans. Cela permet en outre de nommer de nouveaux prêtres formés et prêchant surtout les « grands enseignements » (taikyō), propagande visant à endoctriner la population pour qu’elle voue un culte à l’empereur et une obéissance totale et aveugle à la Maison impériale.
Souhaitant un « retour aux sources nationales », le mélange du shintō et du bouddhisme devient illégal : on parle du shinbutsu bunri en opposition avec le syncrétisme shinto-bouddhique shinbutsu shūgō. Une division claire est faite dorénavant entre les kami et les butsu (bouddhas). Les sanctuaires shinto et temples bouddhistes sont séparés : les statues bouddhiques ne sont plus autorisées dans les sanctuaires ; les moines bouddhistes ne peuvent plus officier dans les temples et les sanctuaires et sont dans l’obligation de choisir entre l’un ou l’autre. La noblesse a dorénavant l’interdiction d’entrer dans le clergé bouddhique. Derrière cette politique se cache plusieurs objectifs :
- Affaiblir le bouddhisme qui a un grand pouvoir économique et une forte influence sur la population
- Augmenter l’influence du shintō et surtout son culte de l’empereur
- Créer une fierté nationale autour de sa religion indigène et non d’une religion étrangère
Le bouddhisme subit une persécution : destruction de plusieurs temples ; conversions en sanctuaires shintō de temples bouddhistes ; destruction de statues et d’œuvres d’art bouddhiques, de sūtra ou de textes et livres sacrés qui étaient présents dans des sanctuaires.
Le Kyōha Shintō ou shintō des sectes ou écoles
Le shintō des sectes ou écoles est un phénomène assez récent que l’on observe depuis le 18ème siècle. Contrairement au shintō des sanctuaires (Jinja Shintō, terme employé après la défaite japonaise pour remplacer le shintō d’État), le Kyōha Shintō présente des différences dont voici les principales :
- Une doctrine ou une affirmation religieuse qui peut trouver sa source dans un texte littéraire précis ou une Écriture sacrée.
- Un fondateur qui a proclamé ces enseignements (doctrines) et qui convainc d’autres personnes à le suivre et à diffuser les croyances de la secte.
- Une organisation religieuse dont le but est de regrouper tous les adhérents/fidèles à cette doctrine et de la propager.
Le Japon compte plus d’une centaine de sectes ou écoles : ce nombre augmente constamment avec la création de nouveaux groupes (Shinkō Shūkyō). Ce succès des sectes s’explique par le fait que les religions déjà installées, surtout le bouddhisme et le shintō des sanctuaires pour plus de 70% de la population japonaise, échappent à des aspirations d’une partie du peuple qui est en demande de guérisons miraculeuses ou d’ésotérisme. Les religions traditionnelles sont jugées compliquées par le peuple et peu à l’écoute de leurs besoins. A l’origine de ces sectes, on trouve le plus souvent des personnes du peuple facilitant ainsi leur diffusion à travers les couches de la société.
Ces dernières peuvent être classées en 5 catégories :
les sectes qui prônent un « shintō pur »
les courants shintō à fortes influences confucianistes
les écoles shintō teintées de bouddhisme
les sectes mélangeant shintō, bouddhisme et confucianisme
les autres insistant surtout sur la personnalité du fondateur
- Parmi les sectes de « shintō pur », les plus importantes sont celles du Fukko Shintō, Shinri Kyō et Izumo ō Yashiro Kyō. Pour le Fukko Shintō ou « Shintō de la Restauration (ou de la Réforme) », la secte se base sur une étude poussée d’anciens textes japonais dans le but de rétablir le shintō tel qu’il était pratiqué par les Japonais avant l’introduction du bouddhisme dans le pays. Parmi ses illustres représentants, citons HIRATA Atsutane, MOTOORI Norinaga, KADA Azumamaro et KAMO Mabuchi. Le Shinri Kyō, « Religion de la raison divine » a, quant à elle, été fondée à la suite d’une révélation par SANO Tsunehiko, connu sous le nom de Kannagibe, qui revendiquait pour ancêtres Nigi Haha Hi no Mikoto et même Amaterasu. Cette secte prêche le culte de tous les kami. Elle souligne l’importance du respect à témoigner à toutes ces divinités insulaires et de l’amour du pays ainsi que de toutes les traditions nationales telles que la calligraphie, la cérémonie du thé, l’ikebana ou arrangement floral… Elle compterait plus d’un million d’adhérents.
- Concernant les sectes reliées au confucianisme, citons par exemple celles-ci : Mitogaku, Shintō Shūsei Ha, Rito Shinchi Shintō et Taisei Kyō. La secte du Mitogaku a son centre à Mito. TOKUGAWA Mitsukuni (1628-1700), plus connu sous le nom de Gikō, réalisa de vastes études historiques et insista sur le respect dû à la Cour impériale et aux kami. Si pour lui le Shintō devait avoir le rôle essentiel, le confucianisme devait aussi jouer un rôle important. Les principaux représentants de la secte sont TOKUGAWA Naryaki (1800-1860), surnommé Rekkō, qui fonda comme école de clan, le Kōdōkan. TOKUGAWA Mitsukuni et Naryaki ont été kamifiés et se trouvent au Tokiwa-jinja. Le Mitogaku s’appuie surtout sur le Kogoshūi, rapport historique du clan Inbe, composé par Inbe no Hironari en 807 sur les événements historiques concernant les ancêtres du clan, la mythologie japonaise et l’histoire japonaise de l’Empereur Jinmu à l’Empereur Tenmu (631-686) notamment, et les divers Fudoki, rapports commandés par l’impératrice Gemmei en 713 qui rapportent les coutumes, l’histoire, les traditions orales et les notes géographiques de chacune des provinces du Japon. Ils contiennent des documents agricoles, géographiques, historiques et mythologiques ainsi que des éléments du folklore japonais. Le Shintō Shūsei Ha a été fondé en 1873 par NITTA Kuniteru (1829-1902) et enseigne que l’être humain reçoit son corps de ses parents et son esprit des trois premiers kami du Kojiki. Cette secte regrouperait environ 50 000 adhérents. HAYASHI Razan (1583-1657) est le fondateur du Rito Shinchi Shintō et était avant tout un confucianiste. Pour lui, le shintō est Ōdo, « la Voie royale » qui traverse le Ciel, la Terre et l’humanité. Le cœur est le kami et celui-ci est identique à Ri qui désigne dans la philosophie chinoise la raison et la vérité.
- Le groupe des sectes et écoles mélangeant shintō et bouddhisme est le plus important en nombre. Appartiennent notamment à cette catégorie le Hokke Shintō, le Shingon Shintō, les diverses sectes du Shugendō et le Tendai Shintō. Dans le Shingon Shintō dont la fondation remonte au moine bouddhiste Kūkai (773-835), les kami sont des bouddhas ou bodhisattvas. Par exemple, Amaterasu, déesse shintō du soleil n’est autre que le bouddha Mahā Vairocana en sanskrit ou Dainichi Nyorai dans sa traduction japonaise, c’est-à-dire « Grand Soleil », bouddha central des écoles bouddhistes tantriques (bouddhisme tibétain ou secte japonaise Shingon). Concernant le Tendai Shintō, il emprunte les doctrines du bouddhisme Tendai et a été fondé par Saichō (767-822). La divinité Sannō qui réside sur le mont Hiei est identique à Amaterasu et est le chef de tous les kami. Sakyamuni est lui le chef de tous les Bouddhas. Quant au Hokke Shintō, il est beaucoup plus bouddhiste que shintō. La secte a été fondée par le célèbre moine Nichiren (1222-1282) qui avait étudié la religion dans un monastère au mont Hiei. Pour lui, les « 30 kami du shintō » ne sont en réalité que des Avatars ou incarnations du Bouddha, des protecteurs du sūtra du Lotus. Quant au Shugendō : l’archipel nippon comptant de nombreux monts, les habitants des villages au pied des montagnes ont depuis longtemps adopté des croyances octroyant à celles-ci un caractère divin. L’accès à ces montagnes sacrées est interdit aux humains ordinaires et seuls des ascètes, ermites pratiquant intensivement la méditation ont le privilège de pénétrer cet espace sacré faisant ainsi le lien entre le peuple et ces divinités des montagnes. Au 8e siècle, à ces pratiques ancestrales de l’ascèse, des adeptes du bouddhisme ésotérique y ajoutent des rites et concepts de ce courant du bouddhisme tibétain. Le mystique En no Gyōja fait figure de fondateur du Shugendō. Les pratiquants de cette Voie, les yamabushi, « ceux qui se prosternent dans les montagnes », au début sont encore des ermites solitaires, puis se regroupent progressivement autour de ces monts : Ōmine-san, les trois monts Dewa (Dewa sanzan), Hiko-san, Ishizuchi-san, Haku-san, Tate-san, Fuji-san, les monts Nikkō (Nikkō-rensan) et le Daisen. Contrairement au bouddhisme où les personnes cherchent le secours du Bouddha, dans le Shugendō, les croyants sont actifs et cherchent par eux-mêmes la voie. Ces groupes se rattachent au bouddhisme Tendai pour la branche Honzan et à l’École Shingon pour la branche Tōzan. La « Voie de l’Essai par la Formation » est une belle illustration du syncrétisme shintō-bouddhiste en priant différents kami dans des sanctuaires shintō ou des temples bouddhistes dans les montagnes sacrées.
- Les sectes Shintō Senpō Kyō, Tenshidō Kyōdan et Tensha Tsuchimikado Shintō Hombu sont des exemples de mélange de shintō et de taoïsme. Dans le Tensha Tsuchimikado Shintō Hombu, un culte est voué à Ame no Minaka Nushi no Kami sous son nom taoïste de Taizan Fukun. Par son pouvoir, la nation japonaise pourrait trouver la paix et la conduite des humains peut être rectifiée. Pour mieux appréhender le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme, nous vous conseillons de lire Les Trois Sagesses Chinoises : Taoïsme, Confucianisme, Bouddhisme de Cyrille J.-D Javary.
- Les 3 principales sectes à combiner shintō, bouddhisme et confucianisme sont le Yoshida Shintō, le Shingaku et le Suiga Shintō. Dans le Yoshida Shintō, si les kami existent à l’extérieur de l’homme, ils sont aussi dans son cœur. L’adoration du Kami passe par la pureté et la discipline. Son nom lui vient de son fondateur, YOSHIDA Kanetomo (1435-1511). La secte porte aussi le nom de Shintō Yui Itsu, « seul et unique shintō », du nom d’un des principaux ouvrages du fondateur. Le nom du Shingaku provient de son enseignement, qui comme celui du Yoshida Shintō, insiste sur l’éducation morale du « cœur » (Shin ou Kokoro en japonais). Sur une base de shintō, les adeptes réservent spécialement un culte à Amaterasu et aux Ujigami, les kami claniques. Bouddhisme Zen, néo-confucianisme ainsi que taoïsme enseignent au peuple la morale de la vie quotidienne : loyauté, piété, honnêteté, modestie… Quant au Suiga (ou Suika) Shintō, il s’agit d’un école fondée par YAMAZAKI Ansai (1618-1682), synthèse des diverses théories shintō du début de l’époque Edo avec un peu de bouddhisme de l’école Yoshida et de néo-confucianisme.
Le Minkan Shintō ou shintō populaire
Le Shintō populaire (Minkan Shintō) ou Shintō folklorique (Minzoku Shintō), le terme moins fréquemment utlisé, n’est ni le shintō des sanctuaires (Jinja Shintō) ni le shintō des sectes (Kyōha Shintō) mais l’ensemble du savoir et des pratiques hérités du Japon antique. On y retrouve : le culte des ancêtres lors de la fête des morts,O-bon, les rites fêtant les 7, 5 et 3 ans des enfants, shichi-go-san, ou la cérémonie du passage à l’âge adulte, seijin shiki, les fêtes locales appelées matsuri, les croyances en des divinités multiples comme des kami humains pouvant être des ancêtres et des divinités tutélaires, des esprits des montagnes, de la pluie, de l’eau…, des yōkai (fantômes, monstres et divers objets animés), un goût pour l’ésotérisme et la divination.
Mélange de bouddhisme et de shintō, la nature des kami et la vie après la mort sont abordés. A la mort, après une longue purification, le défunt est vénéré et intègre le culte des ancêtres. Mais il arrive que des âmes laissent une rancœur trop forte: un culte particulier est alors dédié à ces goryō, « esprits colériques » afin d’apaiser leur désir de vengeance (tatari). Lors du premier article sur les kami, nous avions abordé les différentes parties de l’âme (tama), nigitama l’« âme paisible » et aratama l’« âme courroucée ». Les manifestations de ces dernières, les « âmes courroucées » peuvent être désignées comme étant des mono no ke, « forces mystérieuses d’esprits vengeurs », « bouddhas sans lien » (muen botoke) ou « fantômes » (yūrei) revenant hanter le monde des vivants. Dans la culture populaire d’aujourd’hui, citons deux exemples particulièrement parlant de ces esprits vengeurs. Dans le manga Bleach, les Hollows sont des âmes humaines ou animales qui, pour diverses raisons, ne sont pas parties à la Soul Society après leur mort et se sont laissées consumer par leur haine ou leurs peurs (hollow signifiant « creux » ou « vide »). Le but des Shinigami est de « tuer » ou plutôt purifier ces créatures ou esprits corrompus aux pouvoirs surnaturels qui s’en prennent aux humains. Dans le film de MIYAZAKI Hayao, Princesse Mononoke, le chef des sangliers, le Kami Sanglier se transforme en esprit vengeur pour protéger sa forêt de la déforestation. Il s’agit d’une critique du réalisateur qui nous est adressée pour nous mettre en garde contre la surconsommation amenant à détruire des écosystèmes provoquant le courroux des habitants des lieux (les kami) responsables de calamités et désastres.
Cet article sur le culte shintō touche à sa fin et, malgrè sa longueur, nous espérons que sa lecture vous aura intéressés. Vous avez ainsi pu constater que le Shintō est vaste et englobe plusieurs réalités : en lien avec la maison impériale, les sanctuaires ou l’État, les sectes ou écoles mais aussi le folklore. Le culte aux kami peut être « pur » comme l’avait décrété le gouvernement de Meiji en évacuant le bouddhisme, mais il est surtout et le plus souvent un agrégat de croyances, préceptes et pratiques formé à partir de ou avec le bouddhisme et le confucianisme. Les deux prochains articles s’intéresseront au Shintō dans l’Aikido et le Sumō.
3 réponses
[…] de la restauration Meiji que le bouddhisme est férocement combattu, pour ne laisser place qu’au Shintô d’Etat. Une situation qui ne prendra fin qu’après la défaite lors de la Seconde Guerre mondiale et la […]
[…] d’État, l’archipel est en forte réaction contre le bouddhisme [confère notre article « Shintō : sur la Voie du Culte »]. Il va en même temps visiter toutes les officines de céramistes, contemporains pour le coup. Il […]
[…] shinto-bouddhiste tinté de confucianisme et taoïsme [Plus de détails sur notre article « Shintô : sur la Voie du Culte »]. Nous sortons donc des sentiers battus : le héros peut mourir à la fin ; les enfants ne sont pas […]