Gaming Memories #10 : Viewtiful Joe
Bienvenue dans ce dixième rendez-vous consacré au jeu vidéo rétro qu’est Gaming Memories. Cette fois-ci, nous revenons sur un support dont nous n’avons pas encore parlé, la Nintendo GameCube. Juin 2003, Clover Studios – les couleurs flashy et les effets cinématographiques à foison vous accueillent avec… Viewtiful Joe ! C’est parti !
Red Hot Man
Viewtiful Joe est un jeu de la Team Viewtiful, une équipe interne à l’éditeur Capcom. Projet dirigé par Hideki KAMIYA (Bio Hazard, Ôkami, Bayonetta…) et produit par Atsushi INABA (Devil May Cry, Ace Attorney, God Hand…), il est prévu au depart pour être fini en un an et tenu par six personnes. Il fut finalement rejoint par plus de monde et son développement dura vingt-et-un mois. Le nom de Clover Studios n’existait pas encore.
En tant que fan de longue date de super-héros, le but d’INABA était de combiner aussi bien ceux des Tokusatsu japonais que de comics américains. Leur chara-design, assuré par Kumiko SUEKANE (qui avait déjà officié sur celui de la série Ace Attorney, mais aussi les manga Blood+ et Afterschool Charisma), est volontairement inspiré de séries des années 1960-1970 comme Ultraman ou Kamen Rider. Le tout dans un jeu qui devait proposer du challenge dans une ambiance graphique encore rare, le Cel-Shading.
Viewtiful Joe faisait partie des « Capcom Five », une série de cinq jeux voués à booster les ventes de la console, bien plus basses que prévues. Aux cotés de P.N.03, Bio Hazard 4, Killer7 et Dead Phoenix, il ne resta cependant pas une exclusivité car, tout comme BH4, il fut porté sur PlayStation 2 quelques temps après.
Le cinéma, c’est dangereux pour la santé (surtout quand on est dans le film)
Joe, jeune cinéphile amateur de films d’actions, ne manque jamais une seule aventure de son héros fétiche, Captain Blue (aucun rapport avec Captain Falcon de F-Zero… quoi que ?). En plein film, dans une salle presque déserte, Joe en compagnie de sa petite amie Silvia assiste à une scène improbable : Captain Blue, à bord de son gros robot, se fait battre par le vilain de service ! Et pire encore, celui-ci sort à moitié de l’écran, projetant Captain Blue hors de l’image, puis capture Silvia ! Captain Blue, désormais mort, apprend à Joe qu’il peut à son tour devenir un héros, et qu’il doit sauver le monde du cinéma (et récupérer Silvia au passage, bien sûr). Il finit ainsi par devenir… Viewtiful Joe !! Avec un scénario pareil, il y a de quoi faire un blockbuster.
Sous ses airs de jeu un peu « série Z », VJ est en fait un titre bourré d’action et surtout assez difficile, tel que le voulaient ses concepteurs.
Henshin a gogo, baby !
Viewtiful Joe est un beat-em’up à l’ancienne dans son déroulement. Au contraire de Golden Axe dont nous parlions le mois dernier, les déplacements se font ici en 2D, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’impression profondeur dans les mouvements. Tout se passe sur une ligne droite, même si cette dernière prend parfois un tournant (quelques séquences de plate-forme seront de la partie). Quoi qu’il en soit, cette progression purement 2D permet une fluidité totale dans les combats et l’utilisation des capacités de Joe. Celui-ci pourra se servir de ses poings et pieds, mais aussi sauter et frapper en l’air. Les coups s’enchaînent sans problème et il sera possible de les faire varier pendant les différents effets spéciaux utilisés. En maintenant la touche directionnelle haut, il effectuera également une esquive qui, si elle est bien placée (comme se baisser au bon moment), étourdira un ennemi quelques secondes.
Le jeu propose plusieurs types d’objectifs durant les niveaux. La majorité du temps, il s’agit d’éliminer tous les ennemis, mais d’autres vous feront user des capacités de Joe, pour déverrouiller une porte, ouvrir un chemin ou autre. Les pouvoirs (VFX) s’utilisent avec les gâchettes L et R ou le stick C de la manette et permettent, entre autres, de ralentir ou d’accélérer le temps. Si le ralenti offre d’effectuer des combos « stylés », il peut aussi permettre à Joe d’éviter un coup (et la perte d’un point de vie). L’autre, en revanche, mettra le feu aux planches et on pourra éliminer les vilains qui nous font face à toute vitesse. Ces pouvoirs se débloquent après quelques temps de jeu, au fil de la progression.
La jauge de VFX détermine le temps pendant lequel vous pouvez utiliser un pouvoir. Si la jauge est vide, Joe redevient humain jusqu’à ce qu’elle se re-remplisse (il peut quand même se battre mais n’aura forcément accès à aucune capacité Viewtiful). Elle s’agrandit au fil des items bonus que vous ramassez. Le jeu propose des « entractes », qui permettent de souffler quelques instants et dépenser les points gagnés pour acheter des bonus, nouvelles attaques ou même un « 2e clap », qui fait rester en jeu en cas de mort et le coup fatal annulée (mais il faudra le mériter pour l’avoir, ce n’est pas l’objet le moins cher, au contraire.)
Scene 3, take 1
Comme nous le disions au début de l’article, Viewtiful Joe est une production utilisant le procédé appelé « Cel-Shading », qui pourrait être grossièrement décrite comme « du dessin animé jouable ». Déjà utilisé sur d’autres jeux comme Jet Set Radio (SEGA, 2000) ou Fear Effect et sa suite (Eidos, 2000 et 2001), il servira également à Tales of Symphonia (Namco) la même année. Celui-ci permet des graphismes très plaisants qui donnaient l’impression d’être dans un dessin animé jouable. VJ est bourré de couleurs, et les personnages (bien que souvent débiles, lorsque l’on parle des boss), ont tous une apparence propre : ce sont de véritables vilains de dessin animé un peu vieillot. Cela donne aussi des décors très propres, bien que pas toujours très fouillés en arrière-plan, et qui ont leur identité.
Même si, forcément, l’action est un peu fouillis avec le « Mach Speed » (mais avec de très bons effets visuels), le jeu demeure très lisible et le fait qu’il soit en 2D rend les combats plus agréables. Ce choix de perspective plutôt que celle d’un jeu proposant une profondeur les rend plus directs. Il n’y a pas de possibilité de défense mais une esquive bien placée (même si elle ne fait pas tout) est tout aussi efficace. Tout ceci rend le jeu plus technique que prévu et, même s’il a l’air d’être assez bon enfant et un gros « délire » sorti de nulle part, Viewtiful Joe s’avère un jeu très difficile.
Les graphismes sont une chose déterminante pour l’immersion et l’amusement que peut susciter un jeu, mais sans sa bande-son, il peut perdre beaucoup d’intérêt. En cela, VJ est assez bon. Les BGM sont en dessous du reste en terme de volume, et accompagnent les scènes plus qu’autre chose, mais elles le font bien. On n’y prête pas forcément attention, en tous cas pas autant qu’aux voix des ennemis ou de Silvia qui ponctue la progression (quand un objectif commence, par exemple). Le jeu a été directement doublé en anglais, et de façon bien convaincante : souvent pleins de second degrés, les répliques sont pleines d’humour – jusqu’aux commentaires de la voix-off lorsque l’on met le jeu en pause. Ça, plus les applaudissements lorsque l’on fait une action spectaculaire donnent une ambiance unique et dynamique au soft.
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Viewtiful Saga
Viewtiful Joe est ce que l’on peut appeler un joli succès, surtout pour une petite production inattendue. Environ cent-mille copies ont été vendues durant sa première semaine de commercialisation. Le succès d’estime fut très grand, ce qui lui valut d’être réédité dans une version qui proposait une difficulté bien plus basse, la même année. Effectivement, celle-ci pouvait rebuter dans certains passages et il aurait été dommage de passer à coté du jeu à cause de cela.
Une version PlayStation 2 sortira l’année suivante ; si celle-ci a eu beaucoup moins de succès (moins de 10.000 unités lors de sa première semaine…), elle a le mérite d’exister. Une suite, si
mplement intitulée Viewtiful Joe 2, est sortie en novembre 2004 sur GC et PS2. Plus belle, mieux maîtrisée, cette suite permettait même d’incarner Silvia en tant que personnage officiel. Puis, le Red Hot Man revint à nouveau sur GC et PSP l’année suivante dans le spin-off Red Hot Rumble. Celui-ci quittait le domaine du BTU pur pour devenir une sorte de Smash Bros-like (la série Super Smash Bros/Melee/Brawl, etc). Puis, Joe revint une dernière fois sur NDS dans Double Trouble ! (Viewtiful Joe : Scratch ! au Japon), cette fois en novembre. Mais depuis, plus aucun nouveau jeu… Un anime a été diffusé sur TV Tokyo en 2004, et plusieurs séries de figurines ont suivi mais, même niveau produits dérivés, la série est restée discrète. Son apparition la plus récente se trouve dans Street Fighter V : Arcade Edition où il était possible de « cosplayer » le combattant Rashid en Joe.
Viewtiful Joe, bien qu’il ait plus eu un succès d’estime que commercial, reste un bon jeu, très agréable graphiquement ; malheureusement, avec la fermeture de Clover Studios, celui-ci n’aura peut-être jamais de nouvelle aventure. Cependant, on peut toujours retrouver la patte de KAMIYA dans des jeux comme Devil May Cry, ou encore Bayonetta. Des jeux à l’ambiance maitrisée, avec une pointe de mise en scène cinématographique. Et c’est déjà ça (surtout que ce sont également de très bons jeux) !
Captures d’écran prises par JDJ. Crédits des autres visuels : Tous droits réservés ©Capcom.