L’épopée Japonaise, épisode 6 : Sengoku, l’Apogée du Roi Démon
Suite à notre dernier épisode, nous avons laissé le Japon dans un état d’instabilité : le Shogunat des Ashikaga avait perdu tout pouvoir et le Japon se retrouve divisé entre les différents Daimyô suite à la guerre d’Ônin ayant fait rage à Kyôto. C’est ainsi que débute l’ère Sengoku.
Le clan Nobunaga
L’histoire du Japon durant la période Sengoku est fortement lié à un homme, Oda Nobunaga. Pourtant rien ne prédestinait celui-ci à avoir une telle influence sur le pays. Le domaine des Oda n’est en effet pas très grand et la position de Nobunaga est précaire, tout autant dans la région dans laquelle il se trouve qu’au sein de sa propre famille. De plus dans sa jeunesse il est même considéré comme un excentrique et un idiot, on le nommait l’ « imbécile d’Owari » au point que son tuteur, Hirate Masahide se serait fait seppuku à cause de la stupidité de Nobunaga, chose qui l’a profondément marqué et a fait construire le temple seishu-ji pour l’honorer.
Ses comportements ont grandement entaché sa réputation, générant des problèmes de succession à la mort de son père, ses vassaux ne pensant pas que Nobunaga, qui avait pourtant été désigné comme héritier, se montrerait capable de diriger le clan. Ainsi de 1552 à 1559 Nobunaga s’attache à l’unification de son clan et de la région d’Owari, éliminant de ce fait de nombreux opposants au sein de son clan, dont son frère Nobuyuki qui s’était attiré les faveurs de nombreux vassaux.
De l’imbécile au génie
La situation change radicalement en 1560. Imagawa Yashimoto, dirigeant des forces bien plus grandes que celles du clan Oda tente de s’emparer de Kyôto et du shogunat des Ashikaga, avec une armée d’environ 30 000 hommes. Il traverse le pays pour rejoindre la capitale et profite de l’occasion pour attaquer Nobunaga qui se trouve sur sa route. Ce dernier refuse de se soumettre malgré des forces dix fois plus réduites que celles de Yashimoto. Le début des combats ne tourne pas en faveur du clan Oda.
Toutefois il reçoit une prédiction favorable au temple et tente un assaut sur le camp des Imagawa, la chance lui sourit alors qu’une tempête se déclare qui permet à Nobunaga d’approcher de ses adversaires sans se faire repérer et de lancer une attaque éclair. Complètement surpris par cette attaque, Yashimoto tombe sous l’assaut de la cavalerie du clan Oda, et son armée privée de son chef bat alors en retraite, transformant le presque inconnu et stupide Nobunaga en un génie stratégique connu dans tout le Japon. Le clan Imagawa perd alors son influence sur les Matsudaira et une alliance se forge entre Oda Nobunaga et Matsudaira Motoyasu, lequel est aujourd’hui connu sous le nom de Tokugawa Ieyasu.
La prise de Kyôto
Fort de ce gain en notoriété et en alliés, Nobunaga se met en tête de devenir Shôgun à la place du Shôgun. iI s’en prend tout d’abord au clan Saitô en 1567, lequel est affaiblit depuis le décès, en 1561, du chef de son clan. Son fils lui a succédé mais Saito Tatsuoki est âgé de seulement 14 ans. Incapable de faire face à Nobunaga, il est exilé après la prise du château de Komakiyama. Le clan Oda trouve également de nouveaux alliés : en 1564 il marie sa sœur à un Daimyô de la région d’Omi, entre Kyôto et Owari, puis en 1568 il reçoit le soutien d’Ashikaga Yoshiaki qui demande son aide afin de reprendre le contrôle de la capitale, ce qui donne alors à Nobunaga la légitimité pour marcher sur Kyôto.
Il élimine alors le clan Miyoshi qui avait fait des Ashikaga leurs pantins. Toutefois Oda n’en reste pas là et souhaite utiliser Yoshiaki comme marionnette pour prendre le contrôle total du Japon. Ainsi, jusqu’en 1582 il se montre implacable face à ses adversaires et n’hésite pas à s’en prendre aux civils ou aux groupes religieux comme les moines du mont Hiei qu’il extermine non sans avoir au passage réduit en cendre l’Enryaku-ji. Les stratégies employées par Nobunaga lui valent la réputation de Roi-Démon, en faisant à la fois une personnalité révérée pour son unification du pays mais également craint de par ses pratiques.
L’arrivée des occidentaux
L’ère Sengoku marque aussi l’arrivée de plusieurs occidentaux venus apporter le christianisme et commercer avec le pays. Ce sera l’occasion pour les différents seigneurs de guerre de se fournir ou de fabriquer des armes à feu qui rejoignent vite l’arsenal des Samouraïs. Oda Nobunaga lui-même est très curieux vis-à-vis du christianisme et prends même sous son aile un ancien esclave africain venu avec l’un des missionnaires. Un certain nombre de Japonais se convertissent au catholicisme et Date Masamune, un puissant Daimyô du Tohoku va même jusqu’à envoyer une ambassade en Europe portant une lettre en latin pour le Pape. Une montée des relations entre l’Europe et le Japon qui prendra fin, brusquement, avec la mort de Nobunaga.
La chute du Roi Démon
En 1579 l’un des vassaux de Nobunaga, Akechi Mitsuhide, convainc Hatano Hidaharu de se rendre. Mitsuhide laisse sa propre mère en otage auprès du clan Hatano comme preuve de sa bonne volonté. Toutefois Nobunaga refuse de faire preuve de clémence et fait exécuter Hatano. Des suites de cette trahison, les Hatano font exécuter la mère de Mitsuhide. Tenant Nobunaga comme responsable de la mort de sa mère, il fait mine de lever une armée pour venir en renfort à Nobunaga, il encercle sa position et attaque le Shôgun. Pris au piège dans le Honnô-ji, et plutôt que d’être capturé, il préfère se suicider.
La succession
Suite au décès de Nobunaga et à l’extermination du clan Oda, l’un de ses vassaux, Toyotomo Hideyoshi prends sa place. Il élimine ses différents opposants dont Akechi qui est défait treize jours seulement après son attaque du Honnô-ji, lui valant le titre de « Shôgun de treize jours ». Il termine ensuite l’unification du pays en faisant plier les clans qui ne se sont pas encore ralliés au nouveau Shôgun en 1590.
C’est à cette époque qu’il commence à mettre sur place les premières mesures du nouveau Bakufu : le port d’arme devient réservé à la classe des guerriers et il réorganise l’espace et les provinces japonaises. Contrairement à son prédécesseur, il ne voit pas d’un très bon œil les chrétiens et interdit la pratique de cette religion. Le port de Nagasaki où se trouvait de nombreux chrétiens est confisqué et les missionnaires sont expulsés. Cette politique très agressive trouvera son apogée en 1597 avec la crucifixion de vingt-six chrétiens et durera encore plusieurs dizaines d’années avant que la religion soit totalement éradiquée du pays. En parallèle, il tente également d’envahir la Corée en 1592, tentative qui se solde par un échec face à la flotte Coréenne qui empêche tout ravitaillement des forces terrestres. Les plans d’une nouvelle tentative sont en préparation mais Hideyoshi meurt des suites d’une maladie en 1598, avant d’avoir pu tenter une nouvelle invasion de la Corée.
Le Bakufu des Tokugawa
L’échec cuisant de l’invasion de la péninsule Coréenne avait fortement affaiblie la position du clan Toyotomi. De plus le fils d’Hideyoshi n’est pas apte à régner et c’est à un conseil de cinq sages qu’il décide de donner le pouvoir en attendant que son fils soit en âge d’exercer le pouvoir. Toutefois ces cinq sages n’arrivent pas à s’entendre et très vite les conflits reprennent : c’est ainsi que vont s’opposer Ishida Mitsunari et Tokugawa Ieyasu à la bataille de Sekigahara en 1600 qui se conclura sur la victoire de Tokugawa et l’établissement d’un nouveau Bakufu à Edo, l’actuelle Tôkyô.
C’est ainsi que se conclut la période Sengoku, après des années de conflits incessants entre les différents clans. C’est grâce à Oda Nobunaga et ses successeurs que la guerre interne prends finalement fin. Ce n’est toutefois pas la descendance de Nobunaga mais les Tokugawa qui bâtiront le nouveau Bakufu à Edo, donnant le nom à cette nouvelle ère, l’époque Edo, aussi connu sous le nom de période Tokugawa.
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4 réponses
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[…] sur son incroyable parcours, n’hésitez pas à lire notre article qui lui est consacré « L’épopée Japonaise, épisode 6 : Sengoku, l’Apogée du Roi Démon » pour avoir un avant-goût du personnage.L’époque Sengoku est l’une des plus violentes […]
[…] été fasciné par plusieurs aspects de cette culture et de son histoire (plus particulièrement la période Sengoku). Aussi, l’idée d’avoir une collection de romans faisant écho aux nombreux mythes japonais se […]
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