Portrait de passionnée : Joranne dessine les objets et les dieux du Japon
Si vous êtes amoureux du Japon et à la recherche d’informations, vous êtes peut-être tombé sur le blog de Joranne, Joranne Bagoule, une véritable mine d’informations culturelles pour comprendre la vie quotidienne des japonais, mais aussi leurs dieux, leurs fêtes, leurs rituels. Journal du Japon vous présente aujourd’hui une blogueuse qui présente, avec ses dessins tout en rondeur, les objets et les dieux japonais. Une artiste qui déborde d’enthousiasme et d’énergie.
Joranne dessine pour expliquer les objets, les coutumes, les dieux japonais
Journal du Japon : Peux-tu te présenter rapidement pour nos lecteurs ? (parcours artistique + comment est née ta passion pour le Japon)
Joranne : Donc je suis Joranne, je suis graphiste mais aussi blogueuse BD sur mon temps libre. J’ai commencé en faisant deux ans dans une école de dessins, où je dessinais des pots de fleurs et des gens tout nus. Mais on m’a dit que le dessin ce n’était pas pour moi et qu’il était pas trop tard pour me reconvertir. J’ai donc commencé à travailler dans le graphisme pour garder un côté créatif. En 2007 je crée mon blog BD car malgré tout j’aime vraiment dessiner. En 2013, je me « spécialise » sur le Japon quand je rentre de mon second voyage là-bas.
Au départ j’étais plutôt passionnée par la Chine, mais j’avais déjà cette grosse passion pour la BD et les dessins animés. Je suis tombée assez tard dans les mangas et les animes (j’étais déjà dans mes études supérieures). C’était un nouveau monde qui s’ouvrait à moi avec beaucoup de choses à découvrir et d’artistes formidables bourrés de talent. On ne va pas se mentir, les mangas sont tout de même un formidable outil de promotion de la culture japonaise, et c’est ainsi que je m’y suis de plus en plus intéressée et j’ai voulu en savoir plus. Surtout que je retrouvais beaucoup de mythes et de légendes en commun avec la Chine.
Tu t’intéresses aux objets japonais, comment t’es venue cette passion ? Par un objet en particulier ?
Il y a pleins d’objets qui sont vraiment propres au Japon. Au début, je les voyais au détour d’une scène dans un manga ou un anime, ils étaient en arrière plan, c’était des objets communs ou du quotidien. Puis quand je suis partie pour la première fois, j’en ai rapporté beaucoup (des ema, des furin, un katoributa …). J’aimais leur côté esthétique ou kawaï, c’était un petit bout du Japon que je rapportais.
Après, j’ai appris que certains avaient une signification plus ou moins profonde. Comme j’aime beaucoup la mythologie et les légendes (pas forcément du Japon), je trouvais ça de plus en plus passionnant. Le fait que ces petits objets qui ont parfois l’air de rien, faits en papier ou en bois, pouvaient avoir une si grande signification, ça a un côté un peu magique.
Je viens en plus d’une famille où on a du mal à jeter les choses et où on accorde (parfois beaucoup trop) de l’importance aux objets, aux souvenirs qu’ils véhiculent avec eux.
Le premier objet dont j’ai parlé était l’ema, parce que c’était un objet que l’on voit/croise beaucoup au Japon. Un jour j’ai fait une rapide recherche dessus pour moi-même. Et j’ai été fascinée par toute la signification de cette simple planchette de bois avec un joli dessin dessus. J’ai décidé d’en parler sur mon blog et c’est comme ça que tout a commencé…
Comment travailles-tu sur un sujet ? Il y a beaucoup d’informations, de photographies, ça doit être un gros travail.
Pour le choix de l’objet, c’est un peu au petit bonheur, soudain je vais avoir envie de parler de cet objet-là en particulier.
Une fois l’objet choisi, je commence mes recherches. D’abord sur les sites en français, puis en anglais et au final en japonais. J’essaye au maximum d’avoir le plus de sources possibles, je ne me limite pas à un seul site. Si je ne retrouve pas l’info sur un minimum de 5 sites japonais, j’estime que l’info n’est pas valable. Je fait aussi des recherches parallèles. Si par exemple l’objet est lié à un lieu, une personne, un dieu ou une pratique, je vais aussi faire des recherches dessus.
Comme je ne parle pas et ne lis pas le japonais, je fais ça via google trad. Je suis même devenue championne de lecture de page google-traduite. Mais si j’ai un doute, je demande confirmation à quelqu’un qui lit le japonais. J’ai un petit groupe de personnes adorables qui acceptent de m’aider, et je fais des roulements histoire de ne pas toujours embêter les mêmes.
Ça me demande au moins 1 mois, parfois plus.
Quand j’ai ma liste finie des points dont je vais parler, je dessine la note au brouillon, histoire de placer les éléments, d’écrire le texte, de voir quel sujet je vais traiter en premier. Je fais aussi un gros dossier avec toutes mes photos qui concernent l’objet.
Puis je mets tout au propre. Parfois de nouvelles recherches s’ajoutent à cette partie-là, des recherches de costumes par exemple. Et quand tout est dessiné, je me fais relire, déjà pour corriger les fautes, mais aussi pour savoir si c’est compréhensible. En BD on dit que si votre lecteur ne comprend pas ce que vous avez voulu dire, le problème vient de votre dessin, pas du lecteur. Il m’est déjà arrivé de devoir réécrire du texte ou redessiner des notes parce que c’était trop nébuleux.
Je mets ensuite le tout en page, avec les photos que j’ai choisie et que j’ai retouchées pour qu’elles soient plus attractives.
En général le jour où je finis la mise en page de la note sur le blog, je suis très irritable car ça fait un moment que je suis dessus. J’ai fait trente vérifications et je voudrais en finir hahaha !
Tu sembles plus sensible au shintoïsme qu’au bouddhisme, pourquoi ?
J’ai toujours préféré les religions polythéistes. Ça faisait plus d’histoires, plus de légendes. Les dieux aussi semblent plus proches, « plus humains » : ils se chamaillent, se jouent des tours, font des fêtes. Je trouve donc le shintoïsme beaucoup plus gai et joyeux que le bouddhisme au Japon, les sanctuaires sont souvent plus colorés. C’est aussi une religion plutôt souple, il n’y a pas vraiment de textes sacrés et chacun est libre de vivre sa religion comme il l’entend.
Le fait aussi qu’il n’y ait pas vraiment de distinction entre le bien et le mal me plaît. On dit pour donner la définition d’un kami (un dieu) que c’est quelque chose qui inspire la stupeur ou le respect. Donc un kami n’a pas besoin d’être quelque chose de supérieur et j’aime cette idée.
Tu as ton blog et ton livret des petites choses du Japon, as-tu d’autres projets ?
J’aimerais beaucoup sortir un vrai beau livre avec mes notes sur les objets du Japon. Après, sur le blog, j’ai commencé une série d’articles plus touristiques et préparation voyage, ce n’est pas très original mais ça me permet de rester active entre deux longues notes objet, même si pour ces notes aussi j’ai du mal à faire court.
J’aimerais bien aussi faire plus de petites infographies explicatives et pourquoi pas les regrouper dans un petit livret elles aussi.
Et maintenant un petit portrait japonais : si tu étais … (à chaque fois un « truc » japonais)
Un chemin pavé au milieu des bois
– un objet
un inu-hariko
– un plat
un Tamago Kake Gohan, un bol de riz blanc avec un jaune d’œuf et un peu de sauce soja.
– une boisson
du CC Lemon
– un sanctuaire
le Nanbujinja Nekomata, un tout tout petit sanctuaire perdu dans des bois au fin fond de la province de Niigata. Un des rares sanctuaires à avoir des chats comme koma-inu.
– un personnage de manga
Sleepy Ash de Servamp
– un personnage d’anime
Fuu de Samurai Champloo
– un yokai
un Kyōrinrin, c’est un yokai dragon qui se forme à partir des rouleaux qui ont été oubliés au fin fond des bibliothèques.
– un animal
– et soyons fous : un dieu !
J’aime bien Uzume car c’est la déesse de la joie.
Journal du Japon remercie Joranne pour sa gentillesse et sa disponibilité.
N’hésitez pas à aller découvrir son blog !
Petites choses du Japon : un carnet pour des objets typiquement japonais !
Si vous êtes curieux et que vous souhaitez comprendre l’histoire et l’usage des objets japonais, le petit carnet conçu par Joranne vous permettra de vous plonger dans cet univers. Instructif et très drôle, il vous fait découvrir neuf objets :
– les maneki neko (célèbres chats porte-bonheur)
– les Shisa (gardiennes des maisons à Okinawa)
– les furin (cloches qui tintent sous le vent l’été)
– le kotatsu (table chauffante indispensable l’hiver !)
– le katoributa (cochon qui porte des spirales anti-moustiques)
– les Ema (plaques de bois que l’on accroche pour faire un vœu aux dieux)
– les Omikuji (divinations écrites sur des bandes de papier)
– les Komainu (statues mélange entre lion et gros chien)
– le Torii (portail d’entrée de l’enceinte sacrée d’un sanctuaire shintoïste)
Chaque objet a le droit à une longue note dessinée, sur plusieurs pages, avec des éléments historiques très documentés, des explications sur l’usage et l’évolution au fil du temps, sur les différentes formes, couleurs, apparences qu’il peut prendre. Les dessins se mêlent à de nombreuses photographies que Joranne a prises lors de ses voyages. C’est donc un mélange unique de BD et de documentaire photographique.
La note met en scène des personnages pour des échanges drôles, des blagues, des remarques naïves. Cela donne un résultat très dynamique et très agréable à lire ! Une façon d’apprendre en s’amusant qui réjouira les enfants, les ados, les adultes … un partage très malin avant de partir au Japon et de voir ces objets « en vrai ».
Vous pouvez vous procurer ce carnet sur la boutique en ligne de Joranne.
Bonne lecture, sur son blog ou avec son livret, et peut-être bientôt dans un beau livre, c’est tout ce qu’on souhaite à Joranne !