[Itw Mangaka] A la découverte de la Dark Fantasy de Irono
Dans la même veine que Black Butler ou Pandora Hearts, un nouveau manga dark fantasy a débarqué en librairie ! Et The Grim Reaper and an argent cavalier n’a rien à envier à ses grands frères, avec son coup de crayon assuré, ses héros pleins de panache, et son univers fantastique bien campé, sombre et mystérieux à la fois.
Retour sur trois premiers tomes très accrocheurs, ainsi que sur la venue de la mangaka, IRONO, à Japan Expo, au travers de sa conférence et d’une interview très instructive !
Un manga aux twists surprenants
Il était une fois un frère et une sœur qui étaient de grands sorciers… Le grand frère découvre le moyen d’accéder à l’immortalité : dévorer des âmes. Il devient alors le Seigneur de la mort, à chaque fois un peu plus assoiffé d’âmes humaines, et il lance sur le monde les Larvas, des humains métamorphosés chargés de récolter des âmes pour lui. Sa petite sœur Lemuria, se rebelle et fonde un ordre de chevaliers chargé de traquer et éliminer les Larvas…
Deux cents ans se sont écoulés… Le jeune Cyan décide de devenir lui aussi un chevalier pour sauver l’âme de la descendante de Lemuria. Mais pour cela, il se lance dans une quête qui pourrait bien lui coûter la vie…
L’incipit du premier opus de la série part sur des bases claires et solides, permettant de présenter l’univers, les personnages, et d’amener le premier drame qui va lancer leur quête. Le côté un peu attendu de cet évènement va cependant être rapidement contrebalancé par des rebondissements forts et même plutôt osés, qui rendent la lecture de ce tome très prenante. Cela fait du bien de sentir que l’auteure maîtrise son scénario, et n’hésite pas à jouer avec les attentes et les émotions de ses lecteurs !
Les héros, Cyan et Reinette, sont déjà attachants, spécialement en raison de la promesse qui les lie, et on a hâte de savoir s’ils parviendront à accomplir leurs rêves et leurs destinées.
« Deviens mon bouclier, deviens mon épée… Moi aussi, je serai ton bouclier et ton épée. »
Taillés pour la patte Square Enix, les graphismes de IRONO sont léchés, limpides et modernes. L’édition de Kana nous permet d’ailleurs d’en profiter au maximum, avec une belle qualité d’impression, une page en couleur, ainsi qu’une jaquette réversible sur le premier tirage (d’ailleurs proposé au prix de lancement de 5,95€).
Le second volume ne dément par ailleurs pas le bon feeling de cette série, en développant ses héros au travers d’un prisme de nouveaux protagonistes et de nouvelles intrigues pleines de suspense et de mystère. La narration n’est pas dépourvue de certaines répétitions, mais la clarté du découpage des planches, le dynamisme de l’action, et le rythme palpitant du récit continuent de nous emporter à la lecture.
Quant au troisième tome, il vient tout juste de sortir en librairies, et s’avère tout aussi captivant que les précédents : un bon cru, on vous dit !
La mangaka en dédicaces et en conférence à Japan Expo 2017
Grâce à de nombreuses séances de dédicaces, il était facile de rencontrer l’auteure pour faire signer votre exemplaire du tome 1 de Grim Reaper (ou obtenir un joli paraphe sur le shikishi offert par Kana), dans un beau décor réalisé par l’éditeur franco-belge pour l’occasion.
La mangaka en dédicaces, © Kana
Au début de sa conférence, IRONO a réalisé un live-drawing de Cyan, personnage principal de la série, l’occasion d’admirer son coup de crayon. Suite à cela, elle a répondu à quelques questions posées par l’éditrice Christel Hoolans et traduites par Yuki.
On a ainsi appris que la mangaka lisait surtout du shôjô, avant de découvrir le shônen grâce à Inuyasha en CM2. Férue de dessin, elle a pu étudier cette discipline à l’université de Kyôto, ainsi qu’en autodidacte, et a eu la chance d’être soutenue dans son projet par ses parents. Sans avoir jamais été assistante de mangaka, comme cela se fait souvent, IRONO a directement participé et gagné son premier concours de jeunes talents. Elle avait envoyé par mail aux maisons d’édition quelques essais non concluants de projets shôjô, mais c’est finalement dans un magazine shônen de Square Enix qu’est donc née sa première série.
La mangaka nous a ensuite expliqué avoir un peu plus de difficultés sur le scénario, tandis qu’elle prenait plus de plaisir à dessiner, le dessin servant, lui, à porter l’histoire.
Par ailleurs, comme on s’en doutait au vu de son avatar, IRONO a avoué adorer l’Histoire, et plus particulièrement la période médiévale, ainsi que celle de l’Égypte antique.
Elle a enfin confié qu’en matière de fantasy, ses références seraient plus proches d’une saga le Seigneur des Anneaux.
Stand de la mangaka à Japan Expo 2017
Concernant sa série, Grim Reaper, IRONO a expliqué ne pas pratiquer l’auto-censure, même si elle veillait à ne pas trop dessiner de violence crue, le lectorat du magazine étant plutôt en âge d’être au collège. C’était par ailleurs amusant d’apprendre qu’à la base, elle avait envisagé de rendre son héros, Cyan, amnésique, mais que son éditeur l’en avait dissuadée, avançant que le lectorat aurait sans doute du mal à avoir de l’empathie pour le personnage. La conversation avec Christel Hoolans s’est ensuite portée sur le dynamisme de la mise en scène du manga, et la mangaka a confirmé avoir à cœur d’adapter les positions et gestes des protagonistes selon la situation, afin qu’en un coup d’œil le lecteur sache exactement qui fait quoi. Du côté de la psychologie des personnages, elle a expliqué qu’ils étaient totalement inventés. Afin d’équilibrer la galerie, IRONO a cependant eu envie qu’après l’arrivée de Cyan et de Jade, qui sont deux personnes plutôt posées et cools, un personnage joyeux apparaisse.
Enfin, lors de l’évocation de ses inspirations, l’auteure a expliqué piocher pour moitié dans de la documentation réelle (la Rome antique avec la fête des morts de Lemuria, le conte de Grimm La Mort, marraine), et pour moitié dans son imagination, afin d’enrichir les idées de base, même si certains éléments pouvaient ensuite se développer suivant des points historiques avérés.
La conférence s’est enfin close sur l’inévitable anecdote de l’arrivée de la mangaka en France, qui nous a raconté que ce qui l’avait le plus surpris depuis son arrivée la veille, c’était que des Français pourtant inconnus puissent lui adresser si familièrement la parole, par exemple à l’hôtel où les gens se disent bonjour quand ils se croisent dans le couloir ou l’ascenseur. Apparemment, au Japon, c’est en effet très rare qu’un inconnu vous adresse la parole !
Rencontre avec la mangaka
Quel a été votre parcours en tant que mangaka jusqu’à votre rencontre avec Kana ?
IRONO : En fait, j’ai fait des études dans l’université Seika de Kyôto, qui a une section manga. C’est là que j’ai appris à dessiner et à raconter des histoires sous la forme d’un manga. Puis j’ai réalisé un travail de fin d’études que j’ai envoyé à Square Enix dans le cadre d’un concours de jeunes talents. C’est là que j’ai obtenu un prix et qu’on m’a attribuée un éditeur. J’ai d’abord sorti une histoire courte qui a été publiée dans un magazine, puis on m’a proposé d’en faire une série de courte durée. Une fois lancée, la série a été prolongée grâce au succès auprès des lecteurs, et c’est donc comme ça qu’est né Grim Reaper.
D’où vient votre pseudo, Irono ?
En fait cela vient de mon vrai nom, Ayano. A partir du premier idéogramme de mon nom, « aya », qui peut aussi se lire « iro », mon pseudo est devenu « Irono ».
Avez-vous été surprise qu’un éditeur vienne vous chercher à l’autre bout du monde ?
Évidemment, je ne m’attendais pas du tout à ce que ma série soit choisie pour être publiée en France. Quand j’ai appris la nouvelle, je suis vraiment tombée de ma chaise, je n’y croyais pas. Mais après, j’ai été très impatiente de voir la version française.
Comme l’histoire se déroule dans un univers inspiré du moyen-âge européen, le fait que mes personnages soient en train de parler en français, pour moi j’ai l’impression que ça renforce vraiment ce côté médiéval européen, et ça me fait plaisir de voir ça.
Qu’est-ce qui vous a amenée à la dark fantasy, et pourquoi avoir choisi ce genre-là ?
Le choix de la dark fantasy venait de l’éditeur, qui m’a proposée cette idée avec laquelle j’ai été d’accord, car j’aime bien la fantasy, depuis toujours. C’est une idée qui me plaisait bien, et c’est pour ça que j’en suis arrivée à dessiner ce manga de dark fantasy.
Aviez-vous déjà quelques références dans ce genre, pas forcément en mangas ?
Par exemple, j’aime beaucoup Le Seigneur des Anneaux, Harry Potter ou encore Gretchen, qui est un peu moins connu en France.
Comment vous est venue l’idée de Grim Reaper, quand on vous a commandé un manga de dark fantasy ?
Pour moi, quand on m’a parlé de dark fantasy, ce qui m’est venu en premier ce sont les contes de Grimm. J’ai donc fait des recherches parmi ces contes pour trouver quelque chose qui m’inspirerait. Je suis alors tombée sur La Mort Marraine, et je me suis dit que ce serait sympa s’il y avait une suite à ce conte. A partir de cette idée-là, j’ai développé une histoire, et c’est comme ça qu’est né le manga.
Avez-vous été aussi inspirée par le mythe des vampires pour créer les Larvas ?
Effectivement, vous avez bien deviné, à la base je voulais faire une histoire de vampires. Sauf qu’à la même période, un autre auteur avait la même idée, et son projet avait déjà été approuvé. Donc on m’a dit d’imaginer autre chose, pour ne pas faire de doublons. Mais je voulais vraiment dessiner quelque chose dans ce genre-là. J’ai donc créé un nouveau monstre, inspiré des vampires, tout en étant autre chose. C’est comme ça que j’en suis arrivée aux Larvas, dévoreurs d’âme. Il y a d’ailleurs une réminiscence puisqu’on les voit mordre dans le cou leurs victimes, donc l’analogie est facilement faite.
Il y a aussi un certain côté zombie chez les Larvas ?
A partir du moment où j’ai dû créer un nouveau monstre, que je voulais personnellement comme ayant cette filiation avec les vampires, j’ai fait des recherches car je ne voyais pas très bien la différence entre la fantasy et la dark fantasy. Ce que j’ai remarqué, c’est que dans la dark fantasy il y avait souvent des êtres, des créatures immortelles. Il y avait aussi souvent une histoire de mort et de résurrection quelque part, et parmi les êtres de ce genre-là, il y avait aussi les zombies. J’y ai donc également puisé mon inspiration.
Je trouve la relation entre Cyan et Reinette intéressante car elle va dans les deux sens, sur le fait d’être à la fois le bouclier et l’épée de l’autre. Ça change aussi des habitudes où le garçon sauve toujours la fille, où le garçon inspire tout le temps les autres ! Là on a une fille qui inspire aussi. Est-ce une volonté particulière de mettre en scène une héroïne forte à ce moment-là ? Va-t-on retrouver ce genre de choses par la suite ?
À la base, je n’aime pas les personnages féminins, qui ont tout le temps besoin d’être défendus, protégés. Ce n’est pas le genre de personnages qui me plaît, et donc forcément, je fais moins apparaître ce genre de personnages féminins. C’est important pour moi que les filles s’affirment aussi, qu’elles affirment leur volonté, qu’elles sachent être proactives et se défendre toute seules aussi. Personnellement je trouve que ce genre de personnages humains est plus intéressant. Et donc je pense qu’à l’avenir aussi, je continuerai à faire apparaître ce genre de personnages féminins.
Comment décririez-vous le duo formé par Jade et Cyan pour les personnes qui ne le connaîtrait pas encore ?
Ce n’est pas grave si je dévoile des éléments de la suite de l’histoire ?
On fera le tri si ça spoile trop ! (rires)
(rires)
Je dirais que Jade est le mentor, et Cyan l’apprenti, parce qu’à plein de niveaux, !!! A lire si vous avez terminé le tome 1 !!!
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Cyan est plus jeune que Jade, de beaucoup en fait, parce qu’après on apprend qu’il est très très âgé. Il est aussi Larva depuis plus longtemps que Cyan. Il est aussi combattant depuis plus longtemps que Cyan, donc il y a plein d’éléments qui font que c’est un peu un mentor pour Cyan.
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Le sixième et dernier tome de la série sortira au Japon à la fin du mois. Comme le manga avait été commandé comme une série courte à la base, est-ce votre choix qu’il ne fasse que six tomes, là où d’autres titres de dark fantasy sont souvent bien plus longs ?
A la base, cela devait être une série courte pour commencer, et le rédacteur en chef m’avait dit que si les réactions étaient bonnes, cela deviendrait une série longue, et donc à partir de la réflexion sur le scénario, j’avais déjà très vaguement imaginé la suite de cette série courte. Donc au final, cela a été prolongé, mais je n’avais pas imaginé si loin que ça en réalité. Je trouve donc que cette longueur de six tomes correspond très bien. J’ai pu raconter ce que j’avais imaginé à la base.
Pensez-vous dessiner un spin-off, ou à d’autres histoires parallèles ?
Non, non (rires).
Travaillez-vous déjà sur d’autres projets ?
Je n’ai pas d’idées précises, rien n’est certain, mais comme j’aime beaucoup dessiner de la fantasy (à la base c’était la raison pour laquelle j’avais envoyé mon projet chez Square-Enix, je me disais que ce serait possible de dessiner dans ce style chez cet éditeur), je pense que ma prochaine série sera aussi une série de fantasy.
On a vu à la fin du premier tome, dans le bonus, que vous aimiez bien l’Égypte. Retrouvera-t-on des éléments issus de cette passion dans votre prochaine série ? Ou bien cela transparaîtra-t-il au sein même du scénario de Grim Reaper ?
En fait, oui (rires). Dans la suite de Grim Reaper déjà, il y a un moment qui n’est pas franchement égyptien, mais il y a un petit quelque chose qui se passe vers la fin de l’histoire, qui, si on y réfléchit, est peut-être inspiré de l’Égypte ancienne.
Étant parvenue à intégrer ce genre d’éléments dans une œuvre médiévale fantasque, je me dis qu’à l’avenir aussi, on retrouvera certainement aussi des choses inspirées de l’ancienne Égypte dans une de mes futures séries.
Qu’est-ce que vous avez envie de dire au public français ?
Je suis un peu anxieuse, car vu que c’est une œuvre inspirée de l’Europe médiévale, je suis un peu stressée par le fait que ce sont des Européens qui vont lire ma série. J’espère qu’ils seront indulgents car c’est un univers imaginé par une Japonaise, qui n’avait jamais mis les pieds en Europe jusqu’à maintenant. (rires)
Je pense qu’au-delà du réalisme d’un manga, on juge surtout sa qualité. Et là-dessus, vu le monde qu’il y avait à la conférence et aux dédicaces hier, je pense que votre manga plaît bien (en tout, à moi ça a plu) ! (rires)
(rires) Je suis vraiment très contente d’avoir pu rencontrer le public ici à Japan Expo, merci !
Merci à vous !
Interview réalisée conjointement avec Elodie de Melty et Antonin Lancomme de Manga Kids.
Merci à la mangaka, aux éditions Kana, et à notre interprète, Yuki Takanami.
Lire un extrait :