La calligraphie : s’initier à un art ancestral…
Parmi les piliers de la culture japonaise, la calligraphie occupe depuis des siècles une place centrale. Après vous avoir déjà emmenés à la découverte de cet art, le Shodô fin 2015, notre rédactrice est donc partie en faire elle-même l’expérience du pinceau pour une immersion des plus concrètes… Et elle vous a déniché au passage un ouvrage pratique qui lui est consacré.
Témoignage : Le pinceau, la main, le corps…
J’ai toujours été fascinée par les calligraphies présentes dans les temples et dans les maisons japonaises : de grands traits noirs sur un kakemono dans le tokonoma, cette petite alcôve surélevée dans laquelle on expose calligraphies, estampes, plantes et objets précieux. Aussi, lorsque j’ai appris qu’une calligraphe japonaise exerçant près de chez moi donnait des cours particuliers, j’ai tout de suite voulu tenter l’expérience.
Accueillie par un thé vert, je me suis installée devant une table couverte de feutrine noire (pour absorber les excès d’encre). Feuilles de papier pour calligraphie, pinceau venu du Japon et encre noire dans une coupelle, tout était prêt. Nous avons d’abord regardé ensemble les différents traits de base, puis la forme du pinceau, ses différentes parties, et la façon dont il absorbe l’encre avant d’aborder la prise en main. J’ai donc appris à poser mes doigts autour du pinceau, non pas comme pour tenir un crayon mais en entourant le manche pour le bloquer, tout en levant le coude à l’horizontale : en calligraphie, c’est surtout le bras qui bouge.
J’ai ensuite commencé à tracer mes premiers traits sur la feuille devant moi. Celle-ci peut être maintenue par une barre lourde qui la bloque par le haut, tandis que la main qui n’écrit pas peut se concentrer sur le maintien du reste de la feuille. Lorsqu’il faut tracer des traits, il est surtout important de se concentrer sur le point de départ, en plaçant bien son pinceau (il faut que la pointe forme un angle de 45 degrés), et sur le point d’arrivée (en « marquant » l’arrêt). Entre les deux, le pinceau glisse, mais sans pour autant oublier la technique : il faut sentir que les poils sont « contents », qu’ils ne sont pas maltraités. Difficulté supplémentaire : les gestes « occidentaux » reprennent vite le dessus, il faut donc se concentrer pour ne pas tenir le pinceau comme l’on tiendrait un surligneur.
Les séances se succèdent, les traits deviennent plus naturels et il faut désormais apprendre à les enchaîner pour former des ensembles plus compliqués, comme la rizière et la lune. Lors des changements de direction, il faut « replacer » la tête du pinceau pour lui donner la bonne direction, ce qui donne une forme caractéristique aux « coins », et montre tout de suite si le calligraphe l’a effectué correctement ou non.
Avec pédagogie, en me tenant la main ou en me montrant sur sa propre feuille, mon maître m’explique encore et encore. Il faut aussi apprendre à laisser passer, c’est à dire à laisser « mourir » le trait en levant doucement le pinceau. Le trait s’affine en douceur. Un autre geste consiste à soulever le pinceau pour former une « pointe », le but étant de montrer au pinceau vers quel point il doit ensuite aller. Toujours voir le point suivant …
Parfois, pour montrer les points à retravailler, mon maître sort son encre orange, comme un instituteur le ferait au stylo rouge. Elle n’en oublie pas pour autant la bienveillance, car comme elle le dit, la perfection n’existe pas, et il y a autant de calligraphies que de calligraphes. Regarder la feuille à la lumière du jour lui permet également de voir si le pinceau a été posé correctement en fonction des zones plus sombres ou plus claires de chaque trait, et d’adapter ses conseils.
Au fil des séances, j’apprends qu’il est important de ne pas s’emporter ou s’énerver : au contraire, la calligraphie permet de se concentrer sur le geste, de ne pas se laisser envahir par toutes ces pensées qui ne cessent d’aller et venir. Avant chaque exercice, il est important de faire le vide, de visualiser le kanji sur la feuille blanche afin de voir comment on veut le positionner, la place qu’on veut lui donner sur la feuille afin qu’il occupe l’espace, mais également celle qu’il prendra presque naturellement. Au début, j’avais par exemple tendance à placer mon kanji dans coin en haut à gauche, habitude qui s’éloigne lorsque je me concentre et visualise mon kanji sur la page avant de le tracer.
La calligraphie est donc un véritable exercice de maîtrise de soi, entre respiration (expirer en traçant le trait permet de l’équilibrer) et méditation (les idées passent mais le calligraphe les laisse passer car il se concentre sur son pinceau, sur son trait, sur son kanji). Je ne peux donc que vous inviter à essayer, vous en retirerez beaucoup de bien !
Je vous invite également à regarder cette vidéo de JapoleoTV pour découvrir les mouvements du pinceau.
provider: youtube
url: https://youtu.be/vpc1taaSkEg
src: https://www.youtube-nocookie.com/embed/vpc1taaSkEg?feature=oembed&wmode=opaque
src mod: https://www.youtube-nocookie.com/embed/vpc1taaSkEg?wmode=opaque
src gen: https://www.youtube-nocookie.com/embed/vpc1taaSkEg
Un livre pour découvrir et s’initier
Les éditions Mango publient par ailleurs un ouvrage très complet sur la calligraphie japonaise. Son auteur, Yuuko Suzuki, est une calligraphe renommée qui a réalisé de nombreuses performance et enseigné cet art pendant plus de vingt ans.
Le livre commence par un rappel historique : des idéogrammes venus de Chine en passant par la transcription phonétique puis par les systèmes syllabiques des kana, l’histoire de l’écriture japonaise s’avère absolument passionnante !
Vient ensuite le fameux Chant de i-ro-ha, célèbre poème qui est composé avec la totalité des 47 kana (sauf le n). Ce poème apparaît pour la première fois en 1079 dans un document officiel, et ce texte sert traditionnellement à l’initiation à la calligraphie japonaise, il est donc présenté kana après kana dans un tableau sur plusieurs pages.
Puis le matériel est présenté : les quatre éléments, « les quatre trésors du lettré » sont le pinceau (forme du pinceau, longueur des poils et diamètre, composition des poils, « quatre vertus du pinceau »), l’encre (composition, vie de l’encre qui vieillit), la pierre à encre (avec les différentes qualités et variétés) et le papier (chinois, japonais). Pour les novices, des conseils sont fournis pour bien choisir son matériel. Il est également question des sceaux (chaque calligraphe a le sien, qui permet de signer en rouge ses créations).
Le livre se fait ensuite véritable guide pour calligraphe débutant : comment se positionner, comment tenir son pinceau, comment effectuer les mouvements de base. Des explications claires permettent d’apprendre à tracer chaque trait, de mêler kana et kanji, et même de s’essayer à la calligraphie enchaînée (plusieurs kana en un seul trait, comme un serpent qui court sur la feuille). Un chapitre est consacré à la calligraphie au grand pinceau, un autre à celle au petit pinceau. En fin d’ouvrage, le lecteur peut apprécier de très belles œuvres, classiques ou contemporaines.
Cet ouvrage ne remplacera pas le travail auprès d’un maître, mais il est une première initiation très bien conçue.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
La calligraphie japonaise est un art qui existe depuis des siècles et a évolué au fil du temps, au fil des maîtres qui lui ont consacré leur vie. Un art vivant, que les petits japonais découvrent et expérimentent dès l’école primaire.
Des créations artistiques émouvantes que le voyageur découvre avec bonheur et émotion. Une expérience à vivre de tout son être !