A la découverte du Kendo : suivons la voie du sabre !
Au Japon, les arts martiaux font partie intégrante de la culture et le Kenjutsu ou l’art du sabre de samouraï compte parmi les plus anciens ! Intéressons à sa forme moderne, moins meurtrière, qu’est le Kendo. Cet art martial qui requiert puissance, mental et concentration connait un développement croissant à travers le monde. Focus sur ce sport, son histoire et sa pratique… que nous avons testé pour vous !
Préambule : mon premier cours de Kendo…
Novice en Kendo, c’est avec curiosité et une certaine excitation que je me suis rendu au Dojo Niten de Lisbonne pour participer à mon premier cours. Voici mes impressions !
Après un rapide passage au vestiaire, me voilà dans le dojo pour ce premier cours de Kendo. Le Sensei se présente, l’élève le plus expérimenté m’assiste en m’expliquant brièvement les salutations de rigueur, tandis que je découvre les autres pratiquants. Nous sommes 5 au total et je fais figure de débutant. Est-ce pour autant qu’on va m’épargner ? Rien n’est moins sûr !
On me prépare gentiment un bogu (l’armure traditionnelle) qui servira plus tard, mais pour commencer, on salue la bannière de l’école puis le Sensei, avant de procéder à quelques étirements de rigueur. L’ambiance est assez solennelle et on sent une grande concentration dans la salle. C’est souvent ce qui frappe le plus dans la pratique des arts martiaux japonais.
Ensuite, place à l’apprentissage des premiers coups du Kendo. On me fournit un shinaï (le sabre de bambou), et c’est parti ! On m’enseigne d’abord les trois coups classiques du Kendo : une frappe à la tête (men), une frappe au poignet (kote) et une frappe tranchante au flanc (do). Chaque coup est accompagné d’un mouvement de pied en avant et d’un cri puissant qui désigne la partie que l’on frappe et que l’on émet en s’élançant vers son adversaire. La sensation de se jeter sur son adversaire en hurlant, comme un tigre me dit le Sensei, offre un sentiment de puissance très agréable.
L’étape suivante consiste en la répétition de kata, des enchaînements de coups bien définis, cette fois-ci à l’aide d’un bokken. Ce sont des gestes que connaissent les amateurs de film de Samouraï et c’est assez jouissif de pouvoir les exécuter en vrai. On répète ces mouvements un certain nombre de fois et la fatigue commence à se faire sentir. Mais le repos attendra. Il est maintenant l’heure de mettre en pratique tous ces mouvements en combat !
On m’aide à enfiler mon bogu et me voilà Kendoka, prêt à affronter les autres ! L’armure est robuste et on peut porter les coups sans retenue, sans trop de risques. Le bruit de ces coups contre les protections et les cris des pratiquants résonnent dans la salle et les affrontements s’enchaînent.
Un premier constat : c’est bien plus difficile que je ne l’imaginais ! Il faut s’habituer à la vision avec le casque grillagé tout en tentant de ne pas se faire frapper. La différence de niveau se fait très vite ressentir et porter ne serait-ce qu’un coup valide relève plus de la chance que d’autre chose. On change plusieurs fois de partenaires pendant le quart d’heure que durent ces combats et lorsque le Sensei demande à tous de s’arrêter, je respire à nouveau.
Fin de la pratique, salutations finales à genoux puis rangement méticuleux du bogu, le cours me semble terminé mais il reste une agréable surprise…
Le Sensei nous fait nous asseoir face à un tableau sur lequel sont inscrits différents kanji ainsi que leur signification en romaji. Et pendant une dizaine de minutes, il nous fait un petit cours d’histoire japonaise, en s’appuyant sur des textes du Hagakure dont nous parlerons plus bas. Allier éducation de l’âme et pratique physique, c’est aussi ça c’est l’esprit du Kendo.
Éreintant, mais également excitant et terriblement prenant, ce premier cours de Kendo m’a beaucoup plu. Si vous avez la chance d’avoir un club de Kendo ou de Kenjutsu à proximité de chez vous, n’hésitez pas à aller pousser la porte du Dojo, vous ne le regretterez pas.
Mais, avant cela, apprenez-en un peu plus sur le Kendo, ses origines et ses valeurs. En route pour notre dossier !
Les origines du Kendo
Dans la culture nippone traditionnelle, un samouraï devait se soumettre à un code disciplinaire strict (le fameux Bushido, 武士道, la voie du guerrier) et maîtriser 18 formes de combats afin de parfaire sa formation. Parmi elle, le Kenjustsu, une forme d’escrime au sabre.
Le Kenjustsu est une des formes les plus anciennes du budo. Ce dernier terme englobe tous les arts martiaux japonais et peut être traduit comme la voie de la guerre. Néanmoins, si le Kenjutsu est à l’origine une forme de combat destinée à se défendre et à tuer sur les champs de batailles, elle va peu à peu perdre cette finalité car le Japon entre dans une période de paix prolongée (période Edo, 1600-1868). Mais ce n’est pas pour autant que son enseignement s’arrête ; la discipline fait partie intégrante de l’enseignement des samouraï et elle va devenir une forme de combat au sabre non plus destinée à tuer… mais plutôt à se contrôler.
À la même période, on passe d’une pratique au sabre réel ou au bokken (sabre de bois) à une pratique avec des sabres en bambou (les shinaï) pour pouvoir pratiquer des assauts réels sans risque de blessure.
En 1876, le port du sabre est interdit par décret impérial, alors que la classe guerrière des bushi disparait. Est-ce que, pour autant, cela sonne le glas du Kenjutsu et des arts martiaux japonais ? Et bien non ! Leur enseignement se poursuit dans la première fédération japonaise d’Art Martiaux qui voit le jour en 1895 à Kyoto. Dès lors, le Kenjutsu va évoluer pour devenir le Kendo.
Mets ta tenue, guerrier !
En 1952, la Fédération Japonaise de Kendo est créé. Aujourd’hui, elle compte environ 1,2 millions de membres, appelés Kendoka, mais c’est un chiffre en stagnation voire en déclin au Japon, alors que la pratique du Kendo se diffuse dans le monde. En France, on recense quasiment 5000 pratiquants de Kendo, ce qui fait de notre pays le leader en Europe.
Le Kendo est désormais un art martial mais également un sport de compétition, dont le championnat mondial se tient tous les 3 ans. La 16e édition a eu lieu en 2015 à Tokyo avec plus de 56 pays représentés. Sans surprise, les Japonais règnent sur la discipline !
Pour ceux qui désire tenter l’aventure, commençons quelques bases, dont la panoplie du parfait kendoka. Car Le Kendo, c’est d’abord une tenue atypique. Le kendo-gu ou le bogu désigne l’armure du Kendoka. Elle se compose de 4 éléments principaux :
- Le Men (面) : le masque grillagé qui protège le visage, la tête, le cou et les épaules du Kendoka.
- Le Kote (甲手) : il s’agit de gants protégeant les poignets et une partie des avant-bras.
- Le Tare (胴): la partie de l’armure qui protège le bas du ventre et le haut des cuisses.
- Le Do (垂) : une protection du ventre et des côtes, qui remonte jusqu’à la poitrine.
Ensuite, la tenue traditionnelle se compose d’une veste (le Kendo-gi) et un pantalon-jupe (le Hakama), le plus souvent de couleur bleue indigo. Enfin, un Kendoka n’est rien sans son Shinaï. Il s’agit d’un sabre en bambou qui permet de porter des attaques réelles sans causer de dommages.
Contrairement à des nombreux autres arts martiaux ou la ceinture désigne le niveau du pratiquant, aucun signe de grade n’apparaît au Kendo. Les hiérarchies du Kendo se mesurent en Kyu (de 10e kyu à 1er Kyu) puis en Dan (de 1er Dan à 8e Dan).
Une fois équipé, place à l’action avec l’essence même du Kendo : le combat.
L’art du corps, de l’esprit et du sabre
Le Kendo est un art martial qui repose sur une notion fondamentale : le Ki Ken Tai no Itchi. Cette notion correspond à l’alliance parfaite de la volonté et de la détermination (le Ki), du placement correct du sabre lors de l’attaque (le Ken) et d’une posture corporelle sans faille (le Tai). C’est sur ce principe de base que seront décernés les points (ippon) lors des compétitions, ce qui rend le travail des 3 arbitres très minutieux.
En compétition, le vainqueur est le premier à marquer 2 points lors d’un affrontement en 3 points. Les deux adversaires se font face, en tenant leur shinaï à deux mains, sur une surface de 9 à 11 mètres de côté appelée Shiaijo.
Pour obtenir un point, il faut frapper son adversaire en respectant la notion de Ki Ken Tai no itchi et le principe de Zanshin. Comme évoqué précédemment, le Ki-ken-tai-ichi consiste à porter un coup qui ne sera valable que si :
- vous le portez avec détermination.
- la partie du shinaï avec laquelle vous frappez est correctement orientée et que vous frappez une partie autorisée de votre opposant.
- votre posture est correcte. Votre pied droit doit s’avancer et frapper le sol au moment où vous portez votre coup.
La notion de Zanshin peut être interprétée comme une vigilance constante, et un retour à une posture de combat sans faille après une attaque.
Si vous touchez votre adversaire de l’une des 4 manières autorisées, en respectant les codes du Ki-ken-tai-ichi et du Zanshin, vous marquez un point. Les frappes autorisées au Kendo sont au nombre de trois pour la taille (tête, poignet, flanc) et une frappe à la gorge donnée avec la pointe du shinaï. Les gardes possibles face à ces coups sont variées, de la simple garde moyenne (chudan no kamae) à la garde haute (jidan no kamae) en passant par des gardes basses plus rares et plus anciennes.
Bonus : Littérature, Cinéma, Manga, les représentations du Kendo dans les arts
En tant qu’art martial japonais traditionnel, le Kendo est bien sûr présent dans la culture populaire. Ceux qui souhaitent se plonger dans la découverte du Kendo à travers les mangas, le cinéma ou la littérature trouveront ici quelques références majeures.
Dans les mangas et les animes d’abord, qui se prêtent bien aux sports de combats et aux arts martiaux en général (avec Hajime no Ippo ou Ashito no Joe pour la boxe, Shamo (coq de combat) pour le Karate, Hinomaru Sumo pour le Sumo, etc.), on trouve quelques titres dédiés au Kendo.
Le plus célèbre est Bamboo Blade de Masahiro TOTSUKA et Aguri AGARASHI dans lequel on suit les aventures d’un professeur de lycée, qui dirige également le club de Kendo. Fun et dynamique, c’est une série qui se suit avec plaisir ! On peut citer également Kurogane de Haruto IKEZAWA, dans lequel Hiroto intègre un club de Kendo pour devenir un héros !
Au cinéma, on peut trouver des scènes de Kendo dans certains films, mais plus fréquemment, ce sera le sabre qui sera à l’honneur dans des chanbara, le terme qui désigne le film de sabre japonais.
Commençons par Ken (Le Sabre) de Kenji MISUMI. Un film de 1964, en noir et blanc, qui retrace la rivalité entre le très rigide Kokubu et Kagawa, au sein d’une école de Kendo contemporaine. La rigueur quasi militaire du dojo est parfaitement mise en scène dans ce film et le personnage de Kokubu, avec ses méthodes ancestrales, permet de mettre en avant les changements de la société nippone de cette époque.
Ensuite, on peut citer Zatoichi, un personnage célèbre, héros de nombreux films et séries télés. C’est un masseur aveugle qui maîtrise l’art du sabre, et dont les aventures animent les écrans nippons depuis 1962. Plusieurs fois, durant ses nombreuses péripéties, on le verra pratiquer l’art du Kenjutsu.
Dans Après la pluie (1991, un film de Takashi KOIZUMI, l’assistant d’Akira KUROSAWA), on suit un Ronin et sa femme sur les routes japonaises. Un très beau film qui permet d’assister à quelques jolies scènes de sabres.
Enfin, The sword of doom (le sabre du mal, 1966) de Kihachi OKAMOTO est pour de nombreux amateurs de film de sabre une des plus belles réalisations du genre. Intense, dramatique et violent, on suit Ryunosuke, un samouraï amoral, dans une succession de combats très joliment chorégraphiés. Une merveille pour ceux qui aiment les films de samouraï !
https://www.youtube.com/watch?v=6zXPsRiRPEw
La littérature n’est pas en reste puisqu’il existe de nombreux ouvrages traitants du Kenjutsu / du Kendo et de ses vertus morales. Sur ce thème, deux livres fondateurs sont à conseiller : Le traité des cinq roues (Go rin no sho) de Miyamoto MUSAHI et le Hagakure.
Quiconque s’intéresse à la pratique des arts martiaux peut considérer le traité des cinq roues (également appelé Le livre de cinq anneaux) comme sa bible. Ecrit par celui qui reste dans la légende comme le plus grand manieur de sabre de l’histoire japonaise, Miyamoto MUSAHI (1584-1645), il s’agit d’un traité sur le maniement du sabre, les principes des arts martiaux et les idéaux qu’un guerrier se doit d’acquérir.
Le Hagakure est plus proche d’un guide pratique et spirituel qui détaille la voie que le guerrier doit suivre. C’est une succession de pensées, d’enseignements, et de hauts faits historiques recueillis par un jeune scribe au début du 18e siècle auprès d’un ancien samouraï.
Cette maxime tirée du Hagakure illustre bien ce que sont les principes martiaux japonais : Un vrai Samouraï consacre tout son temps au perfectionnement de lui-même. C’est pourquoi, l’entraînement est un processus sans fin.
Le Kendo, comme les autres arts martiaux japonais peut permettre à chacun de se découvrir. Alliant l’entrainement physique avec une exploration mentale continue, un pratiquant devrait pouvoir apprendre à mieux se connaitre en étant assidu à un tel art. Certains le choisissent comme sport, d’autres comme un véritable art de vivre qu’ils appliquent au quotidien, tandis que les derniers tentent de devenir des Samouraï modernes !
Trouvez la voie du guerrier qui vous correspond et retenez bien : un vrai Samouraï ne doit ni pavoiser ni perdre confiance. Il doit être celui qui va de l’avant, sinon il ne réussira pas et sera totalement inutile.
Merci à Leonardo ARETAKIS et João GORGULHO pour leur accueil et leur patience à l’institut Niten de Kendo / Kenjutsu de Lisbonne.