[Interview] Popette : de l’évolution du cosplay
Alors qu’il existe depuis de nombreuses années, il aura fallu attendre une vingtaine d’années pour que les premiers livres sur le Cosplay sortent en France. L’Abécédaire du Cosplay, publié en juin dernier chez Glénat est signé par la cosplayeuse, graphiste et artiste multitâche Popette, et fait le point sur cette activité à travers ses mots clés, son fonctionnement, ses icônes, ses tendances… Sa venue à Japan Expo 2017 était donc l’occasion parfaite pour échanger avec elle sur le cosplay, ce passe-temps devenu profession pour certains, souvent connu de nom et où la France sait briller, mais encore mal compris et bloqué dans quelques clichés.
Le cosplay en 2017, on en est où ? Voici quelques éléments de réponses…
Popette : du costume à l’abécédaire…
Journal du Japon : Bonjour Popette, commençons par le commencement : comment en-est tu arrivée au cosplay ?
Popette : En 1999 je suis allé voir une de mes copines, une correspondante papier comme il y en avait à l’époque dans Animeland. Cette correspondante faisait du cosplay à BD Expo 99, je suis donc allée la voir… Et je suis tombée sur une meuf déguisée en She-ra.
Je me suis dit : « je veux faire pareil ! »
She-ra je la regardais beaucoup quand j’étais gamine, en Amérique du Sud quand je suis allée voir ma famille à l’époque, et j’étais complètement impressionnée par cette nana qui sauve sa planète, qui sauve son univers et qui se suffit à elle-même : elle n’a pas besoin d’un keum qui va lui sauver les miches.
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Et la première fabrication de cosplay, c’était quand ?
Ouh là ! Ça n’a pas été tout de suite, car mes copines et ma mère réalisaient mes costumes au départ. Pendant longtemps je n’étais pas du tout sûre de moi, je n’osais pas faire mes costumes moi-même et mes premiers essais de coutures datent de 2001. Mon vrai premier costume que j’ai réalisé seule remonte à 2005. C’était l’héroïne de Legend of Mana.
Je me suis aperçu que la confection n’était pas quelque chose d’insurmontable et que ça n’avait rien d’un drame. Cela dit j’ai longtemps moins aimé faire le costume que de le porter mais, aujourd’hui, j’ai l’impression que la tendance est en train de s’inverser. En fait j’ai beaucoup aimé faire du cosplay car j’aimais monter sur scène et aujourdhui que l’une de mes activités professionnelles est justement de monter sur scène (Popette est aussi artiste burlesque, NDLR), j’arrive à trouver autre chose dans le cosplay.
Et, enfin, comment et pourquoi passer de cosplayeuse à auteure sur le sujet ? Qu’est-ce que tu voulais mettre dans ce livre au départ ?
À la base j’avais envie d’écrire une histoire, un roman sur une cosplayeuse qui sauve le monde d’une invasion Alien grâce à la magie du cosplay.
Je me suis dit que ce n’était peut être pas la meilleure idée du monde et je suis demandée ce que je voulais mettre dans ce livre. J’ai commencé à lister des choses pour essayer de m’organiser et je me suis rendue compte, en en discutant un peu autour de moi, que ce format d’abécédaire était finalement pas mal. Au début j’étais très ambitieuse, je voulais faire une encyclopédie du cosplay (Rires), mais mon éditeur m’a fait un peu revenir sur la planète Terre en m’expliquant que je me rapprochais plus de l’abécédaire.
Cosplayeur : image et respect
En parcourant le livre, et surtout à lecture de l’introduction, on ressent pas mal d’attachement pour la communauté du cosplay et peut être une envie de la protéger, aussi ?
Alors je dirais qu’il ne faut pas trop se protéger pour autant. Aujourd’hui on souffre du fait qu’on n’a pas vraiment voulu parler du cosplay pendant des années aux journalistes, il y avait une certaine peur. Bien sûr il y a eu des déconvenues avec eux, et c’est normal d’être un peu sceptique à l’heure actuelle. Mais si on ne s’ouvre pas aux gens et que l’on n’a pas le courage de discuter avec eux, il ne va rien se passer de plus, forcément.
La protection à apporter serait d’apprendre au grand public et aux journalistes comment se comporter avec un cosplayeur, comment respecter la personne en costume… Comment ne pas transformer quelqu’un qui est un acteur de convention en un objet de fantasme uniquement, dont tu vas toucher le costume ou que tu vas prendre en photo contre son gré, etc. C’est là qu’est le vrai challenge actuellement : respecter les cosplayeurs pour ce qu’ils sont.
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Ce qui va dans le sens du mouvement Cosplay is not Consent, qui a débuté aux Etats-Unis, c’est ça ?
Exactement. Là bas, non seulement les dérives sont plus importantes mais, en plus, les américaines et notamment les cosplayeuses amércaines sont plus engagées dans le féminisme. Elles sont donc plus à même de se défendre d’une vision de la société un peu trop réductrice.
Justement, on avait demandé il y a deux ans à Yaya Han lors de sa venue à Japan Expo : comment doser le côté sexy dans un cosplay, comment choisir…
Ce que je couvre ou je découvre.
Exactement.
En fait tout dépend déjà de la convention dans laquelle tu es. Aux Etats-Unis ils ont des conventions 18+ (réservés aux adultes, NDLR). Ce n’est pas le cas en France, mais j’essaie de voir en fonction de ce critère.
Après à côté du cosplay je suis aussi artiste burlesque, donc j’ai un rapport au corps qui n’est pas forcément le même que tout le monde. Néanmoins, je ne me déshabille pas gratuitement quelque part, je ne vais pas montrer mes boobs comme ça en plein milieu d’une convention. De plus j’estime que la liberté de chacun s’arrête là où on ne gêne pas les autres, et pour moi il y a une différence entre pouvoir s’assumer et être sexy, et se pointer toute nue en convention et peut-être mettre les gens mal à l’aise.
Ceci étant dit, je n’ai absolument rien contre le cosplay très sexy, j’en croise certains sur Internet qui sont ultra-sexy sans que ça me dérange et je suis moi-même effeuilleuse burlesque donc ça ne me pose aucun souci.
Cosplay : évolutions et ouverture
D’une manière plus générale : entre tes premiers cosplays il y a un peu plus de 15 ans et le cosplay d’aujourd’hui…
Il y a un monde ! Une galaxie, un univers-même entre les deux !
À quel niveau ?
Comme cet univers s’est professionalisé, le niveau technique est rapidement devenu assez incroyable. Le cosplay n’est plus simplement un passe-temps mais aussi un marché et à partir du moment où des gens s’en sont rendus compte, ils ont commencé à créer des produits uniquement pour le cosplay et fatalement il y a eu des bonds en avant techniques, comme le Worbla (un thermoplastique c’est à dire un plastique malléable à chaud mais rigide à température ambiante, très utilisé par les cosplayeurs, NDLR).
C’est également plus reconnu par les organisateurs de conventions.
Je me souviens d’une édition du Salon du Livre de Paris où le Japon était invité d’honneur : il avait mis en place pour la première fois une tribune pour le cosplay. Ils ne savaient pas vraiment ce que c’était mais ils savaient qu’il fallait en mettre.
Sans savoir de quoi ils parlaient mais sachant qu’il fallait en parler… C’est exactement ça.
Ça l’est encore beaucoup ?
Oui. Durant les interviews que j’ai réalisé cette année sur Japan Expo j’ai eu une journaliste qui ne savait pas de quoi elle parlait, on lui a juste dit qu’il fallait en parler je pense…
Après, même s’il reste du défrichage à faire ça évolue vite et plutôt dans le bon sens. La preuve est, par exemple, que Japan Expo a commandé des shows de cosplay spécialement pour les 100 ans de l’anime.
Est-ce que tu penses que par exemple, on pourrait voir apparaître un magazine dédié au cosplay ?
Il y a eu Kogaru à une époque qui en parlait (un magazine sur le manga, publié de 2002 à 2006, NDLR). Mais un magazine dédié au cosplay non, je pense que nous ne sommes pas assez nombreux. Il y a un magazine en Allemagne (Cohaku, photo ci-dessous, NDLR) mais il est lui-même en anglais pour toucher suffisamment de monde.
Combien de cosplayeurs êtes-vous en France selon toi ?
Nous sommes entre 2500 et 2600, grand maximum et en poussant les murs, à faire partie de la communauté.
Et le cosplay français, vis à vis du cosplay mondial : on est comment ?
On est pas mauvais j’ai envie de te dire, nous sommes même précurseurs sur pas mal de choses…
Du type ?
La scène surtout, nous avons de très bons compétiteurs et nous avos remporté plein de prix comme l’ECG (European Cosplay Gathering, qui se déroule chaque année lors de Japan Expo NDLR). Bon après l’ECG on joue à domicile, et c’est quand même beaucoup plus simple pour transporter les décors, il faut savoir le reconnaître.
Ensuite concernant nos points forts, il faut rappeller que le cosplay en France s’est beaucoup développé en parallèle des compétitions, il y a donc une vraie tradition des concours, c’est ça qui fait que nous sommes bons en scène et bons en costumes, notre niveau global est donc assez bon et nous sommes de très bons compétiteurs.
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Et s’il y avait des choses à améliorer, des faiblesses, ce serait quoi ?
On n’est pas du tout dans la profesionnalisation, c’est pas du tout dans la culture française – de toute façon le culture de la réussite n’est pas une culture française…
« L’argent c’est le mal » ?
Ah complétement. Les primes pour les prix ne sont pas toujours très bien perçues, ça rentre dans les moeurs mais il y a encore du chemin à faire. La plupart du temps on les « autorise » à gagner de prix mais c’est tout.
Et comme tu parlais de cet esprit de compétition, comment décrire la communauté cosplay justement ?
Il faut distinguer le cosplay de concours et le cosplay hors concours, ce sont deux univers très distincts. Même si nous sommes connus à travers les compétitions, il y a beaucoup de cosplayeurs qui n’en font pas. Il y a ceux qui sont connus pour les compétitions, ceux parce qu’ils ont été vus dans les allées, ceux qui sont connus par leur photoshoot, mais ça c’est un peu partout pareil, ce n’est pas spécifique à la France.
Mais en France il faudrait que l’on soit plus ouvert à l’évolution.
Dans le cadre de la profesionnalisation que tu évoquais précédemment ?
Oui, mais pas seulement. Il y a beaucoup de choses nouvelles qui arrivent, y compris des nouveaux cosplayeurs, qui ne savent pas forcément comment ça marche. Mais en France on a parfois ce côté « vieux cons » et c’est vrai dans tous les secteurs : dans la politique, dans la presse, etc. Dans de nombreux secteurs il y a cette idée de « c’était mieux avant » pour tout en fait. Ce serait bien que l’on s’ouvre un peu aux choses extérieures et aux évolutions, à l’arrivée des nouveaux qui vont forcément poser des questions débiles parfois, mais qui peuvent aussi être meilleurs et apporter beaucoup de choses…
Je pense que c’est le truc qu’il manque encore un peu à la communauté française, accepter les différentes évolutions du cosplay.
Ce sera une excellente façon de finir, le message est passé !
Retrouvez plus d’informations sur le livre et un extrait sur le site de l’éditeur, et suivez Popette via les réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Instagram ou You Tube.
Remerciements à Popette pour son temps et à Fanny des éditions Glénat pour la mise en place de l’interview.
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