JP Nishi : le mangaka qui dessine les Français est de retour !
JP Nishi aime la France. Depuis plusieurs années, il croque les petits riens de son quotidien de japonais en France avec humour et tendresse. Car s’il nous trouve bizarres, il est désormais marié avec une française et papa d’un petit garçon. L’occasion de livrer au lecteur un quotidien atypique avec amour et auto-dérision dans À nos amours qui vient de sortir aux éditions Kana.
Journal du Japon l’a rencontré lors de sa venue au Salon du livre de Paris.
À nos amours : ils se marièrent et eurent un beau bébé !
Ce nouveau manga met à nouveau en scène JP Nishi et commence par un constat : s’il a appris à dire plus facilement ce qu’il pensait grâce aux Français qu’il a fréquentés, il n’arrive toujours pas à avoir de relation durable avec une femme alors qu’il a passé la trentaine.
C’est alors qu’il rencontre Karen, une journaliste française installée au Japon. Rencontre professionnelle, restaurant de sushis … Karen l’effleure ! Il découvre alors une femme très différente des femmes japonaises : son appartement ressemble à un décor de cinéma tout en noir et blanc, elle réchauffe des barquettes de riz au micro-ondes. Mais surtout, elle a un comportement étrange : « Tu es super, tu es beau, tu es génial … Mon amour, l’homme de ma vie ». Bizarre …
Elle porte de hauts talons, s’habille en noir (l’auteur découvre les Cure, un groupe que Karen adorait ado, en cherchant sur internet), se passionne pour la technique (écrans, sons, elle est une experte alors qu’il a déjà du mal avec une seule télécommande !).
Cela donne des scènes cocasses pleines d’humour, d’amour et d’auto-dérision !
Puis arrive le bébé et le quotidien est bouleversé.
Changer les couches (où la différence entre France et Japon est flagrante : pas moyen de trouver une table à langer dans les cafés en France alors que c’est systématique au Japon), calmer les cris du bébé (sortir dehors, froisser du papier – un son qui apaise découvert chez le pédiatre, découvrir les bienfaits de la tétine), observer ce corps disproportionné (la tête tellement lourde qu’elle penche lorsque bébé est assis, les jambes sont plus fines en bas et les chevilles se tordent dans tous les sens lorsqu’il fait ses premiers pas), les comportements étranges (faire tomber tous les jouets depuis la chaise haute) et les premiers mots (le petit garçon sait bien choisir le mot le plus facile entre français et japonais, et il comprend mieux le français … que son papa !).
Les parents reconnaîtront beaucoup de scènes qu’ils ont eux-même vécus avec leur bébé, mais seront très surpris par la diversification alimentaire dans les crèches japonaises !
Un vrai plaisir de lecture, de bonnes tranches de rigolades et un regard drôle et émouvant sur une famille franco-japonaise dont on a hâte de découvrir la suite des aventures !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Jean-Paul Nishi, un papa mangaka entre France et Japon
Journal du Japon : Bonjour Jean Paul Nishi… Je suis un peu nerveuse car vous n’étiez pas tendre dans votre dernier manga avec les journalistes qui vous ont interrogé au salon du livre de Paris en 2012 …
JP Nishi : (Rires) Il ne faut pas !
Et vous, êtes-vous plus à l’aise qu’au salon de 2012 (Kenzaburo OE n’est pas là !) ?
Oui, c’est beaucoup plus simple cette fois. Lors du salon de 2012, j’étais dans une délégation d’une vingtaine d’auteurs japonais. J’étais plus un membre d’un groupe japonais qu’un mangaka à part entière. J’ai également changé d’éditeur (j’étais publié aux éditions Picquier à cette époque). Mon nouvel éditeur, Kana, a organisé beaucoup d’événements (conférences, dédicaces dans de nombreuses librairies, bibliothèques), nous avons une relation étroite pour monter tout cela.
De tous les petits travers des Français que vous croquez avec tendresse, quel est celui qui vous a agacé récemment ?
Hier lors de la conférence, j’ai évoqué un problème de porte, ça m’arrive souvent. Sinon la différence entre compagnies aériennes japonaises et françaises : nous sommes venus cette fois-ci avec une compagnie française et j’ai été choqué car les stewards et les hôtesses français qui parlaient entre eux au lieu d’accueillir avec attention les gens dans l’avion, ensuite alors que je voulais boire de l’eau, on m’a fortement incité à prendre un cognac. On se serait plus cru dans une colonie de vacances que dans un avion. Ce serait inconcevable avec une compagnie japonaise !
Et ce que vous aimez le plus en France ?
Les gens ! Leur spontanéité. Les dédicaces se font naturellement. Tout semble facile. C’est agréable d’échanger, de dessiner ses interlocuteurs. Ce serait inimaginable au Japon.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris par rapport votre dernière venue ?
Les mesures de sécurité qui sont très visibles avec l’état d’urgence : les soldats armés dans les gares, les plots en béton et les barrières en quinconce partout. Au Japon on n’a rien de tout cela, donc c’est vraiment un choc quand on arrive.
Les décors que vous dessinez (Paris, Marseille) sont très détaillés. Vous n’avez pas envie d’en faire le sujet d’un livre, comme un carnet de voyage ?
Je n’y pense pas pour le moment, mais je suis heureux que vous appréciez ces décors. Par contre, ce que je peux vous dire, c’est que je vais varier les décors de mes mangas dans les mois qui viennent (dans Mon Petit, la « suite » de À nos amours, à paraître chez Kana).
Jirô Taniguchi vient de mourir. Comme vous il était entre Japon et Europe. Qui était-il pour vous ?
Il était un véritable pont entre manga et BD occidentale, alors que moi par exemple, je me vois juste comme un mangaka. Je le respecte pour plusieurs raisons : d’abord en tant que lecteur bien sûr, mais aussi comme premier Japonais publié en France directement par contrat avec une maison d’édition française. J’avais contacté son assistant pour savoir comment il avait fait, et Jirô Taniguchi avait eu la gentillesse de m’accueillir trois fois. Ce que j’admire, c’est qu’il a réussi à travailler selon son idéal. Il a pris son temps, dessiné de façon très précise, privilégié le dessin au temps. La création était une priorité, pas les attentes des éditeurs pressés. C’est un modèle pour moi et sa disparition est une grande perte.
Revenons à À nos amours : vous y dessinez des personnes de l’intime. Est-ce plus difficile ?
Ce n’est pas vraiment plus difficile. Il faut juste faire plus attention au respect de la vie privée : la nôtre, mais aussi celle des autres (autres enfants à la crèche puis à l’école, autres parents, personnels de ces structures). C’est une fiction, pas un documentaire ou un journal intime dessiné. Les noms des personnages ne sont pas les vrais noms.
Je vais vous expliquer comment je travaille (il montre des croquis et des planches) : d’abord je prends des petites notes, je fais des petits dessins, comme des mémos pour garder une trace de ce que j’ai vu. Ensuite je trouve des liens entre ces différentes anecdotes. Puis je dessine des bulles avec le déroulement de chaque épisode. Enfin le synopsis et la création finale. Les épisodes sont thématiques mais peuvent regrouper plusieurs petits éléments que j’ai pu observer et que je soude ensemble.
Vous dessinez le quotidien de votre bébé, mais il y a un objet fondamental que les parents français ne trouveront pas dans votre manga : le DOUDOU !
JP Nishi et son épouse qui a apporté des éléments de compréhension sur le sujet : Les doudous n’existent pas au Japon. Les bébés dorment dans la même chambre voire dans le même lit que les parents et n’ont donc pas besoin de cet objet qui sert surtout à rassurer le tout petit en l’absence de ses parents la nuit. Et à la crèche, les doudous sont interdits.