Les mochis : rencontres entre le Japon et la France
À l’occasion de l’ouverture de la Maison du Mochi, Journal du Japon a recueilli les impressions de trois femmes gastronomes autour de cette petite boule de riz gluant : Mathilda Motte, fondatrice de cette maison, Chihiro Masui qui écrit avec gourmandise sur la cuisine d’Asie mais aussi de France et offre ses recettes à de nombreux lecteurs, et Ryoko Sekiguchi qui explore et explique les saveurs et l’art de manger à travers des ouvrages gastro-philosophiques comme l’Astringent, Fade, Manger fantôme.
Bonne lecture… et n’hésitez plus à vous laissez tenter par quelques bons mochis !
Mathilda Motte : sobrement raffiné
Journal du Japon : Dans votre livre Mochi mochis, vous évoquez votre rencontre avec cette « douceur » derrière le bandeau en tissu noir d’une petite boutique à Tokyo. Pouvez-vous nous raconter la suite ? Quel était le mochi derrière le rideau ?
Mathilda : C’était un daifuku, cette petite boule de riz douce comme de la peau de pêche. Il était fourré à l’anko, à la saveur à la fois douce et profonde qui résume bien, je trouve, le sucré à la japonaise : sobrement raffiné.
Après votre blog, votre livre, vous vous lancez dans la vente de mochis grâce à une boutique en ligne. Comment a germé cette idée ?
Comme vous le dites, après le blog et le livre, la création de la Maison du Mochi coule de sens. Mais la décision à proprement parler s’est prise lors d’un weekend à Saint-Malo, alors que nous étions avec mon homme en train de déguster une galette de sarrasin sucrée et parfumée au matcha, dans une crêperie franco-japonaise : depuis mon retour du Japon, je me demandais pourquoi personne en France ne s’était encore sérieusement intéressé au mochi, et ce soir-là, j’ai décidé de me lancer.
Pouvez-vous nous décrire quelques mochis qui sont en vente ?
La Maison du Mochi est spécialisée dans la vente de mochis daifukus, petite boule de riz au cœur onctueux. Nous proposons 12 parfums, les traditionnels japonais comme l’anko, le matcha, le yuzu, ou encore le sésame noir, mais aussi des parfums appartenant davantage au répertoire de la pâtisserie française : citron, chocolat, café, amande…
Comment créez-vous vos recettes ? Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Avant de créer une recette, j’expérimente beaucoup et je ne me pose pas de limite. Ensuite quand quelque chose me semble intéressant, j’affine jusqu’à atteindre la recette parfaite, avec le goût juste et la texture adéquate.
Les français trouvent parfois les wagashis « fades » ou avec trop de « azuki ». Pensez-vous qu’il soit possible de les amener vers ces goûts japonais plus subtils, délicats ?
Oui, je pense que, comme pour beaucoup de mets, il s’agit beaucoup d’une éducation du palais. Les conditions de dégustation sont également essentielles pour apprécier un mochi : c’est pourquoi dans chaque envoi, nous joignons un guide de dégustation qui explique comment déguster un mochi, et avec quelle boisson l’associer. Car dès le départ, le mochi daifuku a été créé pour accompagner le thé, c’est en quelque sorte une pâtisserie de compagnie. En dehors du thé, en fonction des parfums, on peut associer nos mochis à un expresso, un chocolat chaud ou même des fines bulles.
Avez-vous un mochi préféré ? Pouvez-vous nous en parler ?
Je n’ai pas vraiment de préféré, cela dépend très fortement du temps et de la saison. En ce moment, je suis par exemple très sésame noir et café, tandis que l’été je suis accro à la bergamote et au citron. Ce dernier m’a particulièrement donné du fil à retordre car je voulais qu’on ait un goût de tarte au citron, avec une belle pointe d’acidulé…
Chihiro Masui : des lapins sur la lune
Avant tout, Chihiro souhaite apporter une petite précision lexicale mais qui a son importance pour comprendre que le mot « mochi » a un sens bien précis au Japon : « Je préfère parler de « gyûhi » et non de « mochi » car pour nous japonais, le mochi est fait uniquement de riz gluant nature « tapé et pétri » et est plutôt un mets salé bien qu’il puisse être sucré. La pâte faite à partir de farine de riz gluant, comme la pâte du daifuku-mochi est le gyûhi. Pour nous Japonais, l’emploi du mot mochi pour désigner une douceur nécessite un autre mot devant, comme « daifuku-mochi » ou « sakura-mochi », le mot mochi étant ici employé pour illustrer la texture – molle, gluante et « extensible » – un peu similaire au mochi. Mochi dit tout seul pour nous ne désigne pas le daifuku.«
Journal du Japon : Quel est votre premier souvenir de mochi ?
Chihiro : Le mochi de l’ozôni du Nouvel An chez mes grands-parents bien sûr ! Pour moi (comme pour tous les japonais je pense), le mochi n’est pas le gâteau mais la pâte de riz gluant nature que confectionnent les lapins sur la lune …
Parmi les dango et innombrables daifuku qu’il est possible de déguster au Japon, avez-vous un préféré ?
Le daifuku normal, d’anko écrasé ou lisse, peu importe. J’ai horreur des daifuku qui contiennent une fraise, invention récente qui pour moi ne va pas du tout avec la texture du gyûhi. Sinon mon préféré de tous est le mitarashi dango. J’aime beaucoup l’ohagi aussi.
La pâtisserie française est très différente de l’univers des wagashi japonais. Le mochi peut-il se faire une place dans l’univers sucré français, créer une nouvelle passerelle ?
Cela dépend de ce que vous entendez par passerelle, mais si c’est dans le sens « le gyûhi pourrait-il appartenir un jour à l’univers de la pâtisserie française – à l’extrême être vendu à la pâtisserie du coin » je dirais non. De la même façon que malgré une plus longue histoire et la proximité géographique, les gâteaux de la Méditerranée du Sud ne font pas partie de l’univers de la pâtisserie française.
Y a-t-il un fruit ou un arôme que vous aimeriez voir associé à la pâte de riz gluant ?
Je trouve que le gyûhi ne se prête pas aux fruits à cause du caractère aqueux de ceux-ci. Probablement que des fruits plus secs comme les dattes, les jujubes marcheraient avec le gyûhi. Peut-être la mangue ? Mais dans tous les cas il faudrait un « liant » comme le lait de coco pour la mangue et le riz gluant de l’Asie du Sud-Est. Et du sucre, car de la même façon que dans la pâtisserie française on met souvent de la confiture dans une tarte de fruits, par exemple car la pâte est peu ou pas sucrée, il faut que la « farce » soit bien sucrée pour équilibrer la fadeur de la pâte. Comme il n’y a même pas de sel dans le gyûhi, c’est vraiment fadeur + fadeur = fade !
Ryoko Sekiguchi : la vapeur du mochi tout chaud
Journal du Japon : Quel est votre premier souvenir de mochi ?
Ryoko : Le mochi tout chaud qui venait d’être réalisé, chez mes arrière-grands-parents, un jour de janvier où il faisait très froid. La vapeur de mochi, la vapeur de l’haleine des gens, dans le jardin entouré des arbres nus.
Parmi les innombrables recettes, quelle est votre préférée ?
Le Fu Manjû sans hésiter !
Vous avez écrit un livre sur le fade, qualificatif trop souvent utilisé par les français pour parler de la cuisine japonaise. Le mochi peut-il être qualifié de fade ? (les becs sucrés sont souvent perturbés par le goût plus feutré des wagashi)
PAS DU TOUT ! Le goût du riz est ce qui est le plus maternant je pense.
Mathilda Motte lance un site de vente en ligne de mochi à la française. Est-ce qu’un fruit, un arôme vous viennent à l’esprit (au palais) pour ces petites boules de riz gluant ?
Peut-être les herbes aromatiques ? Je ne sais pas, je n’ai jamais goûté, mais peut-être au basilic, comme ce mochi au yomogi (armoise japonaise).
Merci à Mathilda, Chihiro et Ryoko pour leur disponibilité et leurs réponses gourmandes ! Et vous, quel est votre mochi favori ? Quels souvenirs associez-vous à cette gourmandise ?
2 réponses
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[…] Motte, la reine des mochis que nous vous avons présenté dans cet article et qui a déjà écrit un livre sur ces délicieuses petites boules sucrées (voir cet autre […]