[Expo] Nagi : l’art de vivre à la japonaise au service du quotidien…
Si vous cherchez à vous immerger dans la culture et les objets du quotidien des japonais, c’est en ce moment-même à Paris qu’il faut être, plus précisément à la galerie La planète rouge. Il s’y trouve en effet une exposition-vente éphémère ayant lieue du 9 au 17 septembre, mettant en avant trois artisans de l’esprit tranquille à la japonaise, l’esprit « nagi », mise en place par Air de Malice. Venez donc découvrir le travail de SARAXJIJI, Tekura et hibi, grâce à notre interview ci-dessous, aussi surprenante qu’intrigante !
C’est au détour d’une avenue parisienne, dans une petite rue avoisinante que l’on découvre la galerie « La planète rouge« , où s’est installée l’exposition-vente Nagi – Eaux calmes. Le lieu, aussi discret qu’intimiste est vraiment là pour vous laisser profiter pleinement du travail des différents artistes. Chacun possède un coin dédié, et l’artiste en question, souvent présent, est là pour vous accompagner dans votre découverte. Le lieu lui-même respire le calme et la tranquillité : pas besoin de se précipiter, pas besoin d’aller contre le courant, il suffit simplement de déambuler au gré de ses envies.
Cette exposition éphémère est vraiment là pour titiller la curiosité du passant et du curieux qui souhaiterait découvrir des produits artisanaux particulièrement typique, agréable à l’œil et accueillant. C’est indéniable : vous entrez dans cette galerie, vous ressentez véritablement l’état d’esprit qu’on cherche à vous partager : une force tranquille, tout simplement.
Les trois artisans ont pris quelques instants pour nous en dire plus sur leur travail et leur philosophie…
Mais l’esprit nagi : qu’est-ce donc ?
Journal du Japon : Bonjour. Tout d’abord merci de nous accorder un peu de votre temps. Pour commencer, pourriez-vous nous éclairer un peu sur ce qu’est l’esprit nagi ?
SARAXJIJI : Et bien, au cours de la journée, notre état d’esprit change. Il est donc essentiel de ne pas s’opposer à ces changements et même d’essayer de s’y adapter. Les caresses d’un chat, l’odeur du café… tous ces petits objets ou ces sensations qui nous entourent au quotidien nous aident à nous sentir bien : à garder un esprit calme, à enrichir notre vie. C’est ça l’état d’esprit nagi à mes yeux. Comme disait le philosophe français Alain à propos du bonheur, chacun est libre de faire ses choix juste par le fait de penser.
Tekura : Je dirai que ce serait quelque chose de très important, qui a un sens pour nous tout simplement. Une chose qu’il faudrait garder précieusement.
hibi : Le plus important pour nous, ce n’est pas d’instaurer une tendance mais bien de créer un nouveau style de vie. C’est en cela qu’on se rapproche, je pense, de l’esprit nagi, et du concept « Long Life Design ».
Trois artistes, trois regards différents, et pourtant le même esprit
SARAXJIJI
Un artiste se cache derrière cette marque qui, très jeune, a su ce qu’elle voulait faire de ses mains. C’est la première fois qu’elle vient à Paris pour s’exposer et faire découvrir son art et son talent, sa particularité étant de créer tout simplement des vêtements pour la vie de tous les jours.
Journal du Japon : Bonjour Hiromi NODA, racontez-nous un peu votre parcours jusqu’à SARAXJIJI…
Hiromi Noda : Lorsque j’étais à l’école primaire, j’étais abonnée à des magazines de mode. Et j’avais également une cousine couturière. Par la suite, j’ai commencé à m’intéresser et à chercher les nouvelles tendances de la mode ou à trouver des vêtements dans lesquels je me sentais vraiment moi-même. Après l’université, j’ai d’abord travaillé dans des domaines comme l’architecture ou la décoration d’intérieur. Mais c’est en 2000, à la naissance de ma fille que j’ai décidé de me consacrer à nouveau à cette passion que j’avais pour la couture depuis longtemps. J’ai donc créé la marque SARAXJIJI et installé mon petit atelier dans la ville japonaise de Kumamoto, sur l’île de Kyushu. Mais n’étant pas issue du monde de la mode, je peux facilement m’affranchir des contraintes de ce milieu et jouir d’une grande liberté dans mon travail. Je souhaite véritablement apporter un regard neuf sur la confection de vêtements qui me servent à transmettre des messages.
Comment est née l’idée de réaliser des vêtements afin de véhiculer certaines valeurs justement… et quelles sont-elles ?
En fait, j’ai toujours voulu créer des vêtements du quotidien car ils sont pour nous comme des compagnons « utiles », qui nous suivent au jour le jour, tout au long de notre vie. Il faut donc pouvoir se sentir bien en les portant, être simplement soi-même et détendu. La qualité de la matière, ensuite, est bien sûr très importante, et la coupe doit être simple, mais très réfléchie, pour apporter une petite touche d’originalité. Tout cela doit apporter de la couleur à notre vie quotidienne. Il faut donc que le vêtement et la personne qui le porte aillent bien ensemble.
Et pourquoi ces vêtements pour le quotidien essentiellement ?
On sait tous qu’il est important d’être à l’aise dans des vêtements prévus pour des occasions particulières par exemple, ou pour des jours précis. Mais je pense qu’il faut apporter la même importance aux autres jours dits « normaux » car les vêtements quotidiens sont indispensables à notre vie. Je souhaitais donc faire des vêtements dans lesquels nous nous sentions bien tous les jours quel qu’ils soient, qui s’usent à nos côtés, et qui nous procurent du plaisir tous les jours … En somme qui nous permettent de conserver cet esprit « nagi » partagé par l’exposition.
Justement, des vêtements pour le quotidien ce n’est pas ce qui manque aujourd’hui, qu’est-ce qui vous différencie de la masse selon-vous ?
Disons le simplement : je ne souhaite pas toucher tout le monde avec mes vêtements, car chaque personne est différente. Je les réalise donc suivant mon idéal et je n’en fabrique pas plus que nécessaire. Si mes créations plaisent, j’en suis ravie. Et même s’il n’y a qu’une poignée de personnes qui les apprécient seulement, cela me suffit également.
Pour terminer, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur vos influences pour faire vos réalisations ?
Je puise mon inspiration dans la contemplation de vues ou de lieux. Il faut que je sois dans un endroit où je me sente bien, même s’il n’est pas très connu. Cela peut être un parc, une forêt, une montagne, la mer, ou même un endroit « vide ». Ensuite j’imagine une personne debout au milieu de cet espace. L’inspiration peut aussi venir en regardant un tableau, ses couleurs et sa texture, en observant les personnes sur une ancienne photo ou à la terrasse d’un café, en échangeant un regard avec quelqu’un dans une foule, ou encore en écoutant de la musique. L’utilisation d’objets du quotidien est aussi source d’inspiration, à travers notamment les sensations que leurs créateurs transmettent.
TEKURA
Il s’agit cette fois d’un « select shop » qui recherche un certain art de vivre et qui propose ainsi à son public des objets artisanaux japonais (poteries, objets en bois, en paille ou en verre, vêtements…) mais que l’on prendrait plaisir à utiliser chaque jour. Chaque création présentée est ainsi fabriquée à la main par un artisan japonais grâce à des matériaux naturels. TEKURA cherche ainsi à faire découvrir la sensibilité japonaise et la beauté qui pourrait exister dans la vie quotidienne et la nature.
Journal du Japon : Depuis quand existez-vous, et pourriez-vous nous en dire un peu plus sur votre parcours ?
TEKURA : L’histoire de la boutique de Tekura commence en avril 2013, au rez-de-chaussée d’une petite maison d’un quartier résidentiel de la ville de Shizuoka. Tekura vient de « te », les mains, et « kurashi », la vie quotidienne. Même si cela fait maintenant trois ans et demi que nous existons, c’est la première fois que nous nous rendons à l’extérieur du Japon. Nous avons créé Tekura pas seulement pour présenter des objets, mais aussi pour transmettre le message qu’une vie entourée d’objets artisanaux était plus agréable et belle à vivre.
Pourquoi vendre et exposer les objets du quotidien ?
On vend des objets du quotidien parce qu’ils sont la source de petits bonheurs qui enrichissent notre vie quotidienne, rendant ainsi chacun de ses instants comme un moment précieux.
Comment sélectionnez-vous les artisans avec lesquels vous travaillez, ou pour lesquels vous faites une place dans votre boutique ?
Nous allons voir les artisans à travers tout le Japon pour discuter avec eux et écouter leurs histoires. Ces dernières apportent une certaine valeur ajoutée aux objets et leur donnent un véritable cachet. Nous décidons alors de les vendre dans notre boutique. Nous sélectionnons les objets artisanaux que nous utilisons vraiment dans notre vie de tous les jours, en nous attachant plus particulièrement à ceux que nous trouvons simplement beaux et qui nous procurent des émotions quand nous les utilisons.
Pourquoi pensez-vous que les européens peuvent être sensibles à l’esprit nagi mais surtout à l’artisanat japonais ?
Les poteries et les objets fabriqués par les artisans japonais peuvent procurer une certaine tranquillité d’esprit. Cette tranquillité est selon nous accessible à toutes les personnes du monde entier, et pas uniquement aux Japonais, à condition qu’elles laissent ces objets tenir une place dans leur vie. Chaque objet est ainsi créé par l’artisan en pensant à la personne qui s’en servira quotidiennement et lui donnera vie.
hibi
hibi c’est une petite entreprise regroupant deux productions artisanales japonaises en provenance du sud du Japon : l’encens de l’île d’Awaji et les allumettes de Harima. Chacun possède son propre savoir-faire et le met à disposition de l’autre, ce qui offre ainsi une nouvelle utilisation de ce que l’on connait en terme d’encens, et permet aux sociétés de perdurer tout en conservant l’aspect traditionnel japonais.
Comment s’est créé le partenariat entre ces deux productions artisanales ?
hibi : Pour protéger la tradition de la fabrication des allumettes, la société Kobe Match a cherché de nouveaux développements possibles, notamment dans le domaine du Lifestyle. On a regardé du côté des objets qui pouvaient avoir un lien avec les allumettes, comme les bougies ou l’encens. Puis un jour on a eu une idée : si on pouvait mettre de l’encens au bout d’une allumette, allumer celle-ci permettrait d’allumer l’encens. Et cela serait une véritable innovation. On s’est alors rapproché d’une société spécialisée dans la création d’encens, et après trois ans et demi d’étude, hibi est devenu une réalité.
(NDLR : Pour plus d’informations, jetez un œil à cet article sur Kobe Match)
L’encens existe dans de nombreux pays d’Asie, qu’y a-t-il de spécifique à l’encens japonais et au vôtre en particulier ?
Quand on veut changer de rythme ou d’état d’esprit, avec hibi c’est très facile, quelque soit le lieu. Il suffit de gratter une allumette et on peut ainsi profiter de 10 minutes de son parfum préféré et naturel. Voilà la spécificité de hibi, qui s’inscrit dans un nouveau type de lifestyle tout en restant japonais. C’est notre particularité.
En parlant d’originalité, comment imaginez-vous de nouvelles senteurs et comment les mettez-vous en avant ?
Les senteurs choisies font en fait toutes références à des images du Japon. Par exemple, une maison de campagne, une auberge traditionnelle, Kyoto (avec le bois de santal et la cannelle), la forêt, etc. Pour le design de l’emballage ensuite, on utilise plutôt des motifs d’objets typiques du pays, comme des origami, des éventails, ou de lieux symboliques comme des temples, des sanctuaires…
Pour finir, pouvez-vous nous expliquer un peu votre manière de travailler ?
Plus qu’un travail, ce serait plutôt un but. Il s’articulerait autour de trois axes :
- Transmettre aux générations futures les traditions de la fabrication des allumettes et de l’encens, sous une nouvelle forme (ici l’allumette)
- Redonner de la fierté aux personnes qui contribuent à la fabrication artisanale de l’encens et des allumettes (ici par le partenariat de ces deux entreprises)
- Créer un nouveau standard pour l’encens (le principe des 10 minutes chrono)
Air de Malice, une agence de communication proche du Japon
Pour finir, nous sommes allés la rencontre de l’organisateur de l’événement, Air de Malice, des habitués des événements nippons. Jean-Sébastien Jeannin, responsable et co-créateur d’Air de Malice, vient donc conclure avec nous ce tour d’horizon…
Journal du Japon : Depuis quand existez-vous et travaillez-vous avec des japonais ?
Nous existons depuis deux ans maintenant, et nous sommes trois personnes à gérer cette agence : une japonaise et deux français. Chacun de nous travaille avec le Japon et les Japonais depuis très longtemps à présent, disons depuis près de 15 ans pour certains, notamment dans les domaines de la culture et des loisirs.
En créant Air de Malice, nous avons voulu mettre à profit nos expériences respectives sur des projets qui nous tenaient à cœur, comme « nagi » dans le cas présent. Une de nos principales démarches est de présenter en France la culture actuelle et contemporaine du Japon : le « lifestyle » à la japonaise, à travers des objets du quotidien que nous essayons de mettre en situation.
Pourquoi mettre en place cette exposition-vente ?
Keiko, notre intervenante japonaise du groupe, connait Hiromi Noda (SARAXJIJI) depuis plusieurs années maintenant, et est même une de ses fidèles clientes. Elle a toujours pensé que les vêtements créés par Hiromi pouvaient intéresser les français. C’est à ce moment-là, il y a deux ans donc, que l’idée d’une boutique éphémère SARAXJIJI à Paris nous est apparue. Il a fallu convaincre Hiromi, qui doutait un peu de la réaction des Français quant à son concept et son travail, puis trouver le meilleur moment propice dans le planning chargé de la créatrice.
Entre temps, l’occasion s’est présentée d’ajouter deux autres marques à ce projet : Tekura et hibi, qui ont eux aussi des concepts en phase avec celui de SARAXJIJI. On a donc pris le relais pour le côté opérationnel et la coordination en France, notamment pour trouver un lieu. Pour le reste, on s’est aussi occupé d’assurer les relations avec la presse tout en aidant à la mise en place de l’exposition. Bien entendu, nous y sommes également présents pour accompagner les trois marques japonaises dans leur rencontre avec cette nouvelle clientèle française.
À présent pourriez-vous nous dire d’où provient l’état d’esprit « nagi » que vous mettez en avant et pourquoi ce choix ?
Au Japon, on parle traditionnellement d’un certain état d’esprit présent dans la vie quotidienne. Garder un état d’esprit calme est par exemple considéré comme très important, notamment pour avoir de bonnes relations avec les autres. Il était alors tout à fait naturel pour nous, Air de Malice, qui souhaitons présenter l’actuel « lifestyle » à la japonaise, de mettre en avant cet état d’esprit « nagi », toujours très ancré dans le quotidien des japonais.
Dans ce cas comment avez-vous choisi ces artisans qui, à vos yeux, représentent cet état d’esprit ?
Nous adorons travailler avec des artistes et des artisans qui sont passionnés par leur art, et qui partagent de vrais messages avec leurs créations. En montrant leur travail, nous dévoilons des comportements qui traduisent ce côté nagi que nous recherchons. Au fil de nos voyages à travers le Japon, nous avons eu ainsi plusieurs fois l’occasion de rencontrer de telles personnes, qui elles-mêmes nous ont présentés d’autres artistes ou artisans de leur entourage qui partagent leurs goûts. Et c’est donc de cette façon que nous avons fait notre choix parmi ces derniers.
Merci beaucoup à vous, on vous souhaite le meilleur pour la suite et de vous voir offrir au public français d’autres événements de ce genre !
Pour plus d’informations, vous pouvez vous renseigner directement sur la page facebook de Air de Malice ou sur leur site internet et sur les sites des différents artisans : SARAXJIJI, Tekura et hibi. Vous pouvez aussi consulter le compte instagram de l’événement.
Remerciements à SARAXJIJI, Tekura et hibi pour leur temps et leurs réponses, ainsi qu’à Air de Malice et notre interprète du jour pour la mise en place de ces rencontres !