[Interview] Hitori RENDA, dessinateur de King’s Game et créateur d’Awaken
Lors de Japan Expo 2016, nous avons eu le plaisir d’interviewer le dessinateur de King’s Game et créateur d’Awaken. Retour sur une rencontre pétillante et chaleureuse, avec le maître du suspense !
Présentation de l’auteur par l’éditeur
Hitori RENDA est rien de moins que le dessinateur de la première saison du manga-phénomène King’s Game. Son trait dynamique et la touche réaliste de ses illustrations couleur ont fait sa renommée. Par la suite, il se fait une place dans le Jump Kai de Shueisha, avec Watashi wa Rikyû, série sur le thème de la cérémonie du thé.
Armé de ces expériences en tant que dessinateur, il se lance dans sa première série en solo avec Awaken. Rythme endiablé, personnages mystérieux et charismatiques : Hitori RENDA met à profit toute l’expérience accumulée sur ses titres précédents pour créer une intrigue au suspense insoutenable !
Originaire de la préfecture d’Osaka, Hitori RENDA est un mangaka adepte de jeu vidéo, au point de vouloir créer une pièce spécialement dédiée à ses consoles. Il a beau être connu pour ses séries sanglantes, c’est pourtant un tendre qui adore les chats. Il est aussi modeste, et avoue être toujours tendu à chaque rendu de chapitre, au point d’en avoir mal au ventre !La pression fait son effet : Awaken est une nouvelle preuve de son talent pour nous entraîner dans le tréfonds des ténèbres de l’être humain. Le virus Awaken ne vous lâchera pas !
Awaken, un thriller mené tambour battant !
Un mal étrange frappe le Japon : un parasite inconnu transforme les personnes infectées en monstres difformes assoiffés de sang ! Homme à tête de girafe, fille serpent… tout est possible. La rumeur veut que le gouvernement cherche à cacher la réalité du danger à tout prix, quitte à faire appel à une brigade privée réunissant scientifiques de génie et professionnels du combat.
Kanata, lycéen peu motivé par les études, était loin de penser qu’il se retrouverait lié à ces incidents tragiques. Mais ses aptitudes hors du commun le placent au centre de toutes les attentions : il est capable de dépasser les capacités visuelles humaines et de voir ce que nul ne peut détecter ! C’est un Awaken, un Éveillé, et qu’il le veuille ou non, le voilà impliqué dans une lutte effrénée contre un ennemi invisible…
Extrait : http://www.ki-oon.com/preview/awaken/index.html
Rencontre avec Hitori RENDA
Bonjour et enchantée ! Tout d’abord, je voudrais vous demander : comment avez-vous voulu devenir mangaka ?
Au début, mon grand frère m’obligeait à dessiner. (rires)
Mais ça m’a permis de devenir meilleur en dessin et d’être gratifié en tant que dessinateur. Mais ça, c’était quand j’étais petit. Au fur et à mesure de la vie finalement, je me suis dirigé vers une carrière de salaryman normal. Mais au fond de moi j’avais toujours cette envie de devenir un mangaka.
Donc en fait c’est venu de manière naturelle.
Ah, votre frère dessinait aussi ?
Mon grand frère aimait beaucoup dessiner, construire des choses… C’était quelqu’un de très créatif et avec beaucoup d’imagination pour les jeux, et il m’entraînait dans ses délires !
Et comment en êtes-vous arrivé à devenir dessinateur sur King’s Game ?
C’est l’éditeur Futabasha, en charge de l’édition de King’s Game, qui m’a proposé de devenir dessinateur sur ce projet. À l’époque, j’étais moi-même en train de développer mon propre projet avec ma propre histoire. Mais c’est à ce moment-là qu’ils m’ont dit : « on a ce roman, qui est un roman pour téléphones portables, est-ce que vous seriez intéressé pour en faire la version manga ? » C’est donc arrivé un peu par hasard ! (sourire)
En tant que dessinateur, pour faire un bon survival, est-ce qu’il y a des points importants sur lesquels il faut faire plus d’efforts ?
Pour moi ce qui est important, ce sont les expressions faciales. Comme vous le savez, dans le manga il y a beaucoup de codes pour les expressions du visage. Mais j’essaie d’imaginer moi-même ma propre façon de dessiner, avec réalisme, que ce soit pour les expressions de terreur, d’horreur… À l’intérieur de moi, j’ai plusieurs « tiroirs » avec différentes façons de montrer les émotions.
King’s Game était votre première œuvre il y a six ans. Qu’est-ce que ce travail vous a appris ?
En fait ça m’a permis de développer mon talent de dessinateur. Quoi qu’il arrivait, il fallait que je dessine les cases, heure par heure, jour après jour. Et c’est cette envie de devenir meilleur qui m’a permis d’arriver jusqu’où je suis aujourd’hui.
Dans King’s Game comme dans Awaken, la mort et le sang sont des composantes majeures de l’univers, alors que votre œuvre inédite en France, Watashi wa Rikyû, est plus un récit tranche-de-vie avec des sentiments, et basé sur la cérémonie du thé.
Où va votre préférence, entre le dessin horrifique ou celui de choses plus douces ?
(rires) Je préfère le suspense !
Ah oui ! (Rires)
Mais ça ne veut pas dire que je choisis la facilité en fait. Dès que je sens que j’ai une faiblesse sur certains points, je me force à dessiner justement ce que je pense être le plus compliqué pour moi, pour ne laisser aucune part négligée dans ma panoplie de dessinateur.
Donc on pourrait parfaitement vous retrouver sur une série historique ou de science-fiction… ?
Je ne me ferme aucune porte. D’autant plus que, plutôt que de dessiner ce que j’aime, j’essaie plutôt de dessiner ce qui pourrait intéresser le lecteur. C’est surtout dans cette optique que je me fixe mes objectifs. Il y a plein de choses que je n’ai pas encore essayé et que je connais pas, donc je cherche la nouveauté pour voir quelles sont mes capacités.
Par exemple venir en France, ça faisait partie des nouveautés pour moi !
On vous sent vraiment très proche de vos lecteurs dans la façon dont vous dessinez et dans l’intention que vous y mettez !
Oui, sûrement !
Hitori RENDA réalise un dessin pour remercier son éditeur français
D’ailleurs, quelles sont vos sources d’inspiration en général ? Est-ce que vous avez des mangakas ou modèles qui vous ont toujours inspiré ou fait rêver ?
En fait, j’essaie de ne pas trop regarder les autres œuvres, et de toute façon je n’en ai pas vraiment le temps ! Mes moments d’inspiration, c’est quand je suis à moitié endormi et à moitié réveillé. Ça vient plutôt de mes rêves. Il y a pas mal de choses qui apparaissent alors, elles n’ont pas beaucoup de sens, mais c’est ça qui m’inspire, et que j’essaie de retranscrire ensuite dans l’histoire.
Awaken est votre première œuvre solo. Comment est né ce tout premier scénario ? Vous êtes-vous inspiré de vos précédentes collaborations, comme avec le scénariste de King’s Game, pour travailler à la progression de votre récit ? Comment construisez-vous votre histoire ?
Bien sûr, pour King’s Game, le roman était la première source d’inspiration, mais comme ça arrive souvent au Japon, tout n’était pas préparé à l’avance, et il y a eu pas mal de moments où on était un peu la tête dans le guidon. (rires)
Et finalement, ce sont ces moments-là qui permettent de lancer de nouvelles idées. C’est comme une suite de petits miracles finalement, qui fait que l’œuvre avance, bien qu’au départ on n’ait pas pensé à tout.
Et dans Awaken, d’où vous est venue cette idée d’un humain à tête d’animal ? Et d’abord, pourquoi diable une girafe ? (rires)
Ah ça… (rires)
Ce n’est pourtant pas l’animal le plus effrayant… et pourtant dans le manga il fait peur !
Maintenant en tout cas, moi j’ai peur des girafes ! (rires)
Je ne sais pas ce que vous en pensez mais moi je trouve que les girafes sont super intéressantes parce qu’elles sont très très fortes : elles sont capables de vaincre des lions ou de se battre contre des éléphants. Mais en même temps, effectivement, elles ont une image gentille et mignonne. Et avec leurs postures, elles ne peuvent même pas plier les jambes quand elles veulent boire de l’eau ou se recroqueviller sur elles-mêmes quand elles dorment. Pour tout ça, je trouve les girafes fascinantes. Qu’est-ce que vous en pensez ? (rires)
Je suis bien d’accord ! Je ne les imaginais pas décapiter des humains mais bon (rires).
En fait, dans le monde, il y a beaucoup de fans des girafes ! Mais ils ne le disent pas. (rires)
Ah, je vais me pencher sur la question alors. (rires)
Pour en revenir à votre histoire, où des parasites prennent des humains comme hôtes, y aura-t-il un message par la suite dans le manga, avec une opposition manichéenne entre les deux espèces ?
Non, pas du tout ! (rires)
En fait, moi-même au départ je ne savais pas vraiment où ça allait se diriger au final. C’est un pari risqué, mais je construis l’histoire au fur et à mesure. Parfois il y a des pistes qui sont sans issue. Mais je pense que c’est ça qui rend l’œuvre intéressante, cette façon de construire au fur et à mesure. Et je fais en sorte que même si j’ai déjà une idée claire de la direction à tenir, j’aie toujours moyen de changer de direction pour mon manga.
Une dernière question : maintenant que vous travaillez en solo, que diriez-vous à vos collègues qui dessinent encore en suivant un scénariste et voudraient suivre votre exemple : « c’est génial vas-y », ou « tu es fou, c’est l’enfer qui t’attend ! » ?
Ah ! (rires)
Je pense que c’est quand même intéressant de travailler seul, sur son scénario et sur son dessin. Ça dépend de la personnalité de chacun bien sûr. C’est vrai qu’en tant qu’auteur, on a tout de suite envie de créer exactement l’œuvre qui nous correspond, parce que finalement on met beaucoup de soi-même à l’intérieur de cette œuvre, même de façon inconsciente : ce qu’on aime, ce qu’on déteste… même au niveau des goûts sexuels, ça ressort un petit peu. Donc des fois j’ai un peu honte, mais au final c’est ça qui rend la création intéressante !
Merci beaucoup !
Pour suivre l’auteur sur twitter : https://twitter.com/renda_desu
Merci à Victoire DE MONTALIVET des éditions Ki-oon et à Paul OZOUF pour la préparation de cette rencontre, ainsi qu’à Mio ONO et à Kim BEDENNE pour la traduction.
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