[Live Report] KOHH : la trap japonaise débarque enfin en France !
Le 3 juillet 2016 était un jour à marquer d’une pierre blanche pour au moins trois raisons. Tout d’abord, parce que, comme tous les 3 juillet, c’était la Saint Thomas, apôtre préféré de tous les sceptiques et donc ancêtre de la méthode scientifique qui régit aujourd’hui notre monde rationnel. Ensuite, parce que c’est le jour où l’équipe de France de football a prouvé que face à l’adversité, elle pouvait battre l’équipe nationale d’une île comptant moins d’habitants que Toulouse intra-muros. Enfin, parce que KOHH, prodige de la scène trap tokyoïte, concluait sa tournée européenne à La Boule Noire, à Paris. Évidemment, nous y étions.
Fastlife
Nous avions déjà eu l’occasion de parler rapidement de KOHH dans notre article sur la trap japonaise. Mais revenons plus en détail sur son parcours. Yûki Chiba dans le civil naît il y a 26 ans, à Tokyo, dans une famille défavorisée, où la drogue est monnaie courante. Son père se suicide d’ailleurs alors qu’il est sous l’influence de la drogue. Sa mère est toujours addict aux méthamphétamines. Il grandit donc dans un milieu où la violence et la mort sont relativement courantes. Il se réfugie donc dans la musique, produisant et enregistrant ses premiers titres en autodidactes, avant de rejoindre l’écurie Gunsmith Production, label de rap indé, sous la houlette du producteur 318. Après quelques succès undergrounds à Tokyo – notamment avec la production du titre Young Forever de son petit frère, le bien nommé LIL KOHH, il commence à sortir des mixtapes.
Après quelques mixtapes, il sort son premier album en 2014, Monochrome. Les pistes sont déjà empreintes de rage et de désespoir, et il n’hésite pas à clamer haut et fort que la pauvreté ne lui fait pas peur – lui a grandi et vécu pauvre – ou encore qu’il ne compte pas vivre longtemps. Ces thèmes sont jusque-là quasiment absent du rap japonais.
Avec sa participation en 2015 au morceau It G Ma du rappeur coréen Keith Ape, il gagne une visibilité internationale, le clip l’accompagnant étant largement partagé dans le monde, notamment aux Etats-Unis. Dès lors, son succès ne fera que croître, jusqu’à cette année 2016 où KOHH effectue une première tournée aux Etats-Unis avant de faire un tour en Europe. Le concert du 3 juillet concluait cette tournée sur notre continent.
Pour finir ce portrait, notons que KOHH est extrêmement prolifique. Non seulement il sort une quantité invraissemblable de mixtapes et d’albums chaque année, mais il trouve également le temps de peindre – son autre passe-temps – et de participer à des défilés de mode – il défilait le 22 juin pour la maison Facetasm à l’occasion de la Fashion Week Hommes de Paris.
I wanna be a living legend
Le concert du 3 juillet n’était pas la première scène française de KOHH. Le 21 juin, à l’occasion de la fête de la musique, il s’était produit à La Machine du Moulin Rouge en compagnie de nombreux autres rappeurs internationaux (dont A$AP Rocky). Cependant, la date du 3 juillet était sa première tête d’affiche à Paris. Le public, plutôt hétéroclite, mêle habitués des concerts de rap, expatriés japonais en goguettes et hipsters locaux. Qu’on ne s’y trompe pas : le concert se joue à guichet fermé.
Après un warm-up convenu assuré par le DJ Asura qui a mixé quelques bonnes cartouches trap (pêle-mêle : Future, A$AP Mob, Joke, A$AP Ferg, Maino…), puis par une très courte première partie du rappeur américain Freshberry (15 minutes montre en main), KOHH monte sur scène. Pas de temps mort, tout s’enchaîne très vite.
Avec la voix grinçante de Kurt Cobain égrainant Rape Me en intro, le rappeur arrive, arborant un T-shirt Nirvana. Et c’est parti pour un enchaînement énergique de tous ses tubes. On commence avec le très approprié Die Young, réponse évidente au titre de Nirvana. Puis le public s’enflamme sur It G Ma, reprennant en choeur les paroles. Dirt Boys, Livin’ Legend, Paris, Hiroi Sekai… les tubes se suivent, le public est hystérique, ça mosh pit et ça bouge la tête partout. On notera que KOHH a choisi d’aligner d’abord les morceaux qui ont le plus circulé sur Youtube, et qui sont donc susceptibles d’avoir le mieux voyagé dans le monde. Stratégie habile pour électriser un public qui était venu d’abord pour voir et écouter ces morceaux en live et donc le conquérir immédiatement. Entre chaque morceau, KOHH interagit très efficacement avec son auditorat, plaisantant sur la rivalité France/Angleterre (il était à Londres la veille) ou encore expliquant qui il est et d’où il vient dans un anglais que bien d’autres artistes nippons pourraient prendre en exemple.
Le concert se conclut avec quelques morceaux tirés de son nouvel album, Dirt II : Bag of Bitches, Mind Trippin’ et Business & Art. Le T-shirt Nirvana fait tout de suite beaucoup plus de sens, les production de ces morceaux plus récents étant nettement plus rock qu’auparavant. L’artiste n’hésite pas à brouiller les pistes et à sortir des cadres qui ont fait sa réputation, se réinventant constamment.
Le concert est court (on sort à temps pour voir Giroud marquer le 5e but français), mais on repart le sourire aux lèvres, satisfait d’avoir pu voir le premier “vrai” concert de KOHH. Car, à n’en pas douter, le jeune homme peut d’ores et déjà être considéré comme un des principaux piliers du nouveau hip-hop japonais. Il est fort probable qu’il reviendra faire un tour par chez nous tôt ou tard. Donc si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas et prenez des billets : le jeu en vaut la chandelle.
Remerciements à Hoon Gold de Cult of Ya Limited.
2 réponses
[…] Allex : On avait quand même demandé à KOHH de venir jouer, mais il n’a pas voulu. Il ne souhaite pas être affilié à une programmation […]
[…] à succès. Nous avons déjà eu l’honneur de l’accueillir en France lors de sa tournée européenne l’été dernier. Pour ceux qui auraient manqué cet événement, JDJ vous offre […]