Have A Nice Day! : Nouvelle romance underground
Alors qu’on la pense souvent stagnante, voire moribonde, la scène musicale japonaise a bien plus d’un atout dans sa manche et ne semble jamais à court de surprises. Dissimulée chez nous par l’écran de fumée des groupes de pop, pop-rock et autres nombreuses déclinaisons visuelles ou non, une véritable révolution s’opère au sein de la scène underground tokyoïte, qui prouve une fois de plus qu’elle semble – dans toute sa richesse et son excentricité – une des seules capables d’étonner encore.
Un des meilleurs exemple de la richesse de la scène underground tokyoïte est indéniablement le catalogue à la fois fourni et exigeant du label Virgin Babylon Records. Emmené par le talentueux musicien œuvrant sous le nom de World’s End Girlfriend, le label propose dans toute la mesure de son statut de label indépendant des albums qui figurent parmi les meilleurs de ces dernières années et un fourmillement d’artistes tous plus innovants les uns que les autres. On peut notamment citer l’électro torturée de Go-Qualia, la poésie de BOOL, les envolées chaotiques de Bronbaba et évidemment les innombrables albums de World’s End Girlfriend.
Dernière recrue en date du label, le groupe Have A Nice Day! s’est vu véritablement propulsé sur le devant de la scène en ce début d’année 2016. Avec un best-of, un nouvel album et une compilation de remixes sortis à tours de bras en à peine deux mois, le groupe s’est imposé comme un stakhanoviste de la scène tokyoïte en passant soudainement des clubs underground de la capitale à un grand-messe électrique au Shibuya O-WEST – la plus grande des petites salles de Tokyo – en compagnie de World’s End Girlfriend et de Seiko ŌMORI, les musiciens de Have A Nice Day! prouvant ainsi qu’ils sont bel et bien une des formations les plus prometteuses de ces prochaines années.
Difficile de dire où et quand est né le groupe Have A Nice Day! ; les informations sont aussi rares que le contenu fourni. Un temps nommé Suqreme, le groupe a produit entre 2013 et 2014 plusieurs albums pour le moins foutraques, oscillant entre fureur punk et synthétiseurs kitschs au possible. Ces quelques albums – dont il n’y a finalement que bien peu à retenir – constituent la première trace de l’existence de la formation.
En 2015, la sortie du split album Emerald avec le groupe d’idols Oyasumi Hologram ouvre le groupe à de nouveaux horizons et consacre le son qui fera leur succès. Habillant leurs envolées post-punk de synthétiseurs vrombissants, les chansons de Have A Nice Day! évoquent la fureur d’une virée nocturne à la fois effrénée et mélancolique. L’explosif morceau-titre de l’album – Emerald – côtoie le romantisme exacerbé et désabusé de Rock’n’Roll No Koibito avant de revenir à l’hymne Forever Young, dénominateur commun de la quasi-totalité des albums de Have A Nice Day! et empreint de toute la palette de sentiments qui font l’essence du groupe.
Car si la musique de Have A Nice Day! ne saurait être louée pour sa qualité ou son interprétation, le groupe privilégie une énergie rageuse et des envolées romantiques qui transportent dans des effusions empathiques extrêmes. Ainsi, les concerts de Have A Nice Day! ressemblent davantage à des mouvements de foule ou à des bagarres générales qu’à des performances musicales, les musiciens n’hésitant pas à prendre eux-même part au chahut. Point d’orgue de ces échauffourées, le morceau Forever Young scandé à bras rompus par le public est généralement interprété en compagnie de tous les groupes gravitant autour de la formation – à savoir notamment les idols d’Oyasumi Hologram et les agitateurs du collectif Nature Danger Gang – et se pose comme un véritable témoin de l’énergie qui anime le groupe, faisant de ces concerts un temple du chaos et de la fièvre nocturne.
Alors attaché à Omochi Records – aux côtés justement d’Oyasumi Hologram et de Nature Danger Gang – Have A Nice Day! s’est illustré en ce début d’année 2016 en venant grossir les rangs de Virgin Babylon Records. Si le label œuvre lui aussi dans les sphères souterraines de la scène underground japonaise, il jouit d’une certaine popularité non déméritée qui ouvre ainsi les portes du succès aux musiciens de Have A Nice Day!.
En guise d’introduction au sein de cette nouvelle structure, le groupe a l’intelligence de poser les bases en sortant un album best-of intitulé Anthem For Living Dead Floor. Des tubes Blood On The Mosh Pit et Rock’n’Roll No Koibito aux morceaux des débuts Are You Ready? (Suck My Dick) et Scum Park en passant bien évidemment par le désormais classique Forever Young, ce best-of fait le bilan de la carrière de Have A Nice Day!, prêt à voguer vers de nouveaux horizons.
Cette compilation n’étant qu’une mise en bouche de cette nouvelle étape de la carrière du groupe, ce dernier ne se fait pas attendre pour sortir un album inédit chez Virgin Babylon Records. Intitulé Dystopia Romance 2.0, ce nouvel opus – dont le titre ne pouvait mieux saisir l’essence de la formation – constitue un véritable condensé de ce que Have A Nice Day! a fait de mieux tout au long de sa carrière. Ouvrant sur l’introduction historique des concerts du groupe, l’album démarre sur les chapeaux de roues avec un single inédit intitulé Love Supreme. Avec ce morceau, Have A Nice Day! semble tenir son chef-d’œuvre. À la fois enlevé, mélancolique et romantique, Love Supreme est un émouvant hymne post-punk dopé aux synthétiseurs et servi par un refrain aussi simple qu’accrocheur. Le groupe retrouve ses thèmes de prédilection et nous propose un manifeste de la romance post-moderne, intimement liée à l’énergie qui anime les nuits tokyoïtes.
Évoluant constamment autour des mêmes thématiques, les chansons de Have A Nice Day! font perdurer le renouveau du romantisme initié dans le post-punk et la synth-pop des années 80, deux mouvements dont le groupe semble se réclamer. L’album Dystopia Romance 2.0 est exacerbé ; en une poignée de morceaux Have A Nice Day! dresse le portrait d’une jeunesse désenchantée se voulant éternelle et trouvant refuge dans des digressions nocturnes au rythme d’une musique à la fois folle et touchante. Chaque chanson ressemble à une aventure fiévreuse et furieuse, et la lente balade F/A/C/E clôturant l’album laisse l’auditeur avec une étrange gueule de bois et la mélancolie d’une nuit trop vite terminée.
La musique de Have A Nice Day! est intimement liée à l’environnement du groupe. Difficile d’imaginer comment cette musique furieuse et désenchantée aurait pu voir le jour hors d’une mégalopole, à l’instar de la capitale nippone. On retrouve à travers la musique de Have A Nice Day! l’infini champ des possibles et le cafardeux romantisme de la ville électrique. Il n’est d’ailleurs pas innocent que la compilation de remixes sortie dans la foulée de l’album Dystopia Romance 2.0 – sobrement intitulée Anthem For Living Dead Floor II – s’ouvre avec une élégiaque chanson dédiée à Tokyo, celle que l’on peut encore aujourd’hui appeler « ville d’amour et d’espoir ».
Désormais lancé, Have A Nice Day! ne semble pas parti pour s’arrêter de sitôt. Actuellement à l’affiche d’un documentaire intitulé Moshpit dédié aux trois groupes emblématiques d’Omochi Records – Nature Danger Gang, Oyasumi Hologram et Have A Nice Day! – le groupe semble prêt à conquérir de nouveaux horizons et ce grand concert au Shibuya O-WEST en mai 2016 marque le premier jour de la grande carrière à venir du groupe, faisant ainsi de celui-ci un des artistes à suivre pour l’avenir.
2 réponses
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[…] qui échappe généralement aux radars des médias internationaux. En 2016, nous avions dédié un article au groupe underground d’électro-rock Have A Nice Day! et nous y affirmions alors que « le groupe semblait prêt à conquérir de nouveaux horizons […] […]