Cannes et le Japon : retour sur 4 Palmes d’or
Alors que la Palme d’or du Festival de Cannes 2016 sera décernée dans la journée, Journal du Japon retrace pour vous l’historique des films japonais primés sur la Croisette. En effet, force est de reconnaître la place prépondérante occupée par le cinéma nippon à Cannes : même avec une sélection nippone des plus maigres en 2016, le film Harmonium de Kōji FUKADA vient de remporter le Prix du Jury de la section Un Certain Regard et la coproduction franco-japonaise La Tortue Rouge, de Michael DUDOK DE WIT, a remporté le Prix Spécial. Deux prix avec trois candidats, un joli score.
De Teinosuke KINUGASA à Shōei IMAMURA, en passant par Akira KUROSAWA, on recense à ce jour 4 films japonais récompensés par le prix ultime du Festival, la Palme d’or. À défaut d’un nouveau lauréat en 2016, retour sur ces 4 chefs d’œuvre qui ont marqué l’histoire du cinéma japonais…
La Porte de l’enfer – Teinosuke KINUGASA, Palme d’or 1954
L’histoire prend place en 1159 dans un Japon déchiré par le conflit d’Heiji, entre les clans Taira et Minamoto. Kesa, servante au service de la famille impériale, est utilisée comme leurre afin de tromper les rebelles et ainsi protéger la princesse. C’est alors que Morito, samuraï chargé de sa protection, tombe amoureux de Kesa, pourtant déjà mariée…
Considéré comme l’un des grands précurseurs du 7e art nippon, KINUGASA est le premier réalisateur japonais à se voir décerner le titre suprême du festival de Cannes, à l’occasion de la 7e édition, en 1954. Si l’attribution de la Palme d’or (alors Grand Prix) à La Porte de l’enfer fut une décision controversée, l’esthétisme visuel de cette œuvre en fait un classique qui a su conquérir le jury. Couleurs étincelantes et évocatrices, décors variés et réalisation efficace ; autant de facteurs qui font de ce film un grand classique du répertoire japonais. Cette œuvre a ouvert à la voie à ses successeurs sur la scène Cannaise, et par extension, internationale.
L’édition DVD est disponible chez Films Sans Frontières.
Kagemusha, l’Ombre du guerrier – Akira KUROSAWA, Palme d’or 1980
1573 : alors que le Japon est le théâtre de nombreux conflits claniques, Shingen Takeda, à la tête du clan Takeda, est mortellement blessé par un tireur, au cours du siège du château de Noda. Conscient du danger menaçant les siens, Shingen ordonne à ses lieutenants de taire son décès 3 années durant. C’est un ancien voleur de bas étage qui est choisi pour le remplacer, à la tête de l’un des plus grands clans du Japon.
Ce n’est qu’à 70 ans et après quatre décennies de carrière que le maître Akira KUROSAWA verra son travail récompensé sur la Croisette. Le résultat : un classique incontournable rythmé par des scènes de combat spectaculaires et une trame de fond superbement travaillée. Le film soulève différentes problématiques dont la principale réside dans le caractère antimilitariste de l’œuvre, qui s’éloigne du simple genre guerrier afin de se rapprocher d’une réflexion sur le symbole, l’image, au sein d’un japon féodal régit par les guerres de clans. Le voleur, jusqu’à lors conspué et rejeté par la société, devient par simple assimilation physique (sa ressemblance avec Shingen) une figure respectée de tous, provoquant en lui un conflit intérieur : dans quelle mesure est-il réellement devenu le chef du clan Takeda ? Sa personnalité est-elle confondue avec celle de son personnage ? Qu’adviendra-t-il de lui une fois l’annonce de la mort de Shigen décidée ?
Pour l’anecdote, deux poids lourds du cinéma, Francis FORD COPPOLA et George LUCAS (accessoirement amateurs des travaux de KUROSAWA) ont apporté leur soutien financier à la version internationale du film.
Disponible en DVD/BR chez 20th Century Fox France.
La Ballade de Narayama – Shōei IMAMURA, Palme d’or 1983
Au cœur d’un petit village de la province de Shinshu, la vieille Orin est sur le point d’atteindre les 70 ans. Comme le veut la tradition « ubasute », elle s’apprête à accepter la mort, en se rendant au sommet de la montagne de Narayama.
Véritable réflexion sur la fatalité que représente la vieillesse, La Ballade de Narayama (adapté du livre Narayama de Fukazawa SHICHIRO) est le troisième film japonais récompensé par la Palme d’or, 3 ans seulement après Kagemusha.
Le chef d’œuvre IMAMURA figure comme une dénonciation de la société japonaise actuelle, que le réalisateur qualifie de « fiction » ; culture de la tradition, de la vie en communauté et de la communion avec la nature sont donc les maîtres mots de ce remake du film éponyme de Keisuke KINOSHITA. Le réalisateur confie en effet regretter le « japon d’avant-guerre » et dénonce une société d’aujourd’hui, à son sens, trop tournée vers la possession matérielle.
Comme toujours avec IMAMURA, force est de constater le parallèle effectué entre les hommes et les animaux, intelligemment mis en place par la juxtaposition de plans mettant en évidence la similarité de certains comportements humains et animaliers.
L’anguille – Shōei IMAMURA, Palme d’or 1997
Condamné pour l’assassinat de son épouse infidèle, Takuro Yamashita est libéré 8 ans après s’être rendu aux autorités. Il décide alors d’ouvrir son propre salon de coiffure, après avoir appris le métier au cours de son emprisonnement, mais peine cependant à se réinsérer. En effet, il se contente de communiquer avec son anguille, adoptée lors de son séjour en prison. Jusqu’à sa rencontre avec une jeune femme…
IMAMURA renoue avec le succès grâce à L’anguille (Unagi), 15 ans après sa première Palme d’or et une pause de 7 ans. Dans la continuité de son œuvre, il opère ici une critique de la société nippone contemporaine, tout en portant son attention sur les populations modestes de petits villages reculés. Réflexion anthropologique sur la place de l’homme et plus précisément des criminels dans la société, Unagi est l’un des derniers films de Shōei IMAMURA, seul réalisateur japonais à avoir remporté par deux fois la Palme d’or. Il s’attaque notamment à la notion de rédemption, en s’attardant sur les sentiments de Takuro : s’agit-il toujours du criminel sans pitié coupable du meurtre de sa femme, ou Takuro peut-il réintégrer la société et recouvrir sa dimension humaine ?
Disponible en DVD chez Films sans frontières.
Cinquième pays le plus récompensé à Cannes (avec 4 Palmes d’or, donc), le Japon est aujourd’hui ancré dans le paysage cinématographique mondial. Le pays du Soleil Levant fait office de précurseur pour le 7e art asiatique sur la scène internationale, grâce notamment à la richesse de sa culture, de son histoire et de ses coutumes, souvent retranscrites à merveille dans ses films.
Si aucun film japonais n’est nominé cette année dans la sélection officielle, nul doute que l’on retrouvera très prochainement un réalisateur nippon au sommet des marches !
2 réponses
[…] mais aussi à de superbes estampes, à un roman de Yasushi INOUE et surtout au film de Kurosawa (qui lui valut une palme d’or). Dans un contexte de guerre permanente au début du XVIe siècle, ce samouraï au sang froid […]
[…] Une histoire de famille de KORE–EDA Hirokazu, le jury du festival de Cannes 2018 a mis fin à 20 ans de disette pour le cinéma Japonais et a couronné par la même une génération entière de cinéastes dit « de festival » […]