[Portrait] Jérôme ALQUIE : un illustrateur né de l’animation japonaise
Le 9 avril dernier avait lieu le vernissage de l’exposition parisienne de Jérôme ALQUIE à la JOAO Gallery, qui dure jusqu’au 28 mai prochain. Connu, entre autre, pour ses illustrations sur Dragon Ball, Saint Seiya ou encore Albator, Jérôme ALQUIE officie aujourd’hui en freelance pour le plus grand plaisir de ses clients.
Retour sur le parcours d’un dessinateur français dont le trait a suivi ceux de célères chara-designer.
Journal du Japon : Bonjour Jérôme. Tout d’abord, pourrais-tu te présenter en quelques mots à nos lecteurs ?
Jérôme ALQUIE : Bonjour. Je m’appelle Jérôme ALQUIE, je suis né en 1975. Je suis illustrateur dans le domaine de la japanimation en France (couvertures de DVD français de séries animées des 80’s), auteur de BD franco belge (Surnaturels aux Editions Delcourt), professeur de dessin et de BD en ateliers avec des enfants et ados… Je suis très inspiré par les dessins animés japonais, ayant grandi avec leur diffusion en France. Mon style graphique est très influencé par les animés des 80’s, et ce style graphique se retrouve aujourd’hui quand je dessine, même sur des œuvres qui n’ont pas de liens particuliers avec l’animation japonaise.
Depuis quand dessines-tu ?
Depuis tout petit, en fait. Dans le livre que je viens d’éditer qui retrace mes 17 dernières années d’illustrations, je finis le livre avec un clin d’œil au plus ancien dessin que ma mère ait conservé de moi, j’avais trois ans et demi et c’était un Goldorak. Je suppose que l’avenir était donc tracé dès cet âge là.
Et pourquoi cette influence de l’animation japonaise dans ton travail ?
D’aussi loin que je me souvienne, je regardais avec mon grand frère Goldorak, Ulysse 31, Capitaine Flam, Albator… Comme tous les enfants de 1975 je suppose ! (Rires)
Cependant, il n’y avait pas moyen de revoir les épisodes qui étaient diffusés et il fallait se contenter de 20 minutes par semaine puis attendre la semaine suivante, donc j’essayais de dessiner les personnages pour combler la frustration liée à l’attente… C’est ainsi que mon goût pour le dessin a commencé. Après, c’est toujours pareil, quand on est enfant et qu’on vous dit que ce que vous faites est bien, cela donne envie de continuer. Et comme j’avais grand plaisir à le faire, il est clair que j’ai continué des années et des années… Ma passion pour le dessin et les animés n’a fait que grandir avec le temps, pour atteindre son apogée avec le Club Dorothée et des animés comme DBZ et surtout Saint Seiya.
As-tu pris des cours de dessin pour arriver à un tel niveau ? Ton trait ressemble incroyablement à celui de certains auteurs !
Hélas, pas un seul cours. Je dis « hélas » mais c’est à la fois une mauvaise chose et une bonne chose. Le mauvais côté est que n’ayant pas eu de base graphique solide, il m’a fallu apprendre sur le tas et j’ai très certainement évolué beaucoup moins vite que ce que j’aurais aimé. La bonne c’est que du coup j’ai progressé avec la gnaque, l’envie de découvrir encore plus et sans prendre des directions que je ne voulais pas… Mes professeurs ont donc été – par l’écran de télé interposé – les grands noms de l’animation japonaise… et du coup il m’a été plus « naturel » de faire ressembler mes traits aux leurs. C’est la copie qui m’a appris beaucoup, je n’ai pas honte de le dire.
Tu as travaillé sur des licences ultra populaires comme Dragon Ball Z, Saint Seiya ou encore Albator. Comment en es-tu arrivé là ?
Je faisais mes propres jaquettes, sur mes K7 vidéos enregistrées pendant le Club Dorothée, de ces séries à succès. J’adorais ça. J’ai fait des dizaines de fan arts sur ces séries tant j’adorais ça. Et puis un jour un éditeur (Déclic Images – Manga Distribution) m’a donné ma chance pour faire des jaquettes pour la France entière. J’ai réfléchi longtemps, au moins un quart de seconde, avant de dire oui ! (Rires)
C’était magique de pouvoir illustrer les séries de mon enfance, celles qui m’avaient donné ma passion. J’ai commencé ce travail en 2001 avec DBZ et Saint Seiya. En 2005 j’avais réalisé, tout éditeurs confondus, plus de 400 jaquettes de DVD…
Es-tu en relation avec les auteurs et studios japonais lorsque tu réalises ce genre de travail ?
Pour les DVD, une validation était prévue dans les contrats. J’ai parfois eu des cahiers des charges très libres (où j’avais grosso modo carte blanche) et d’autres où la copie à l’identique était demandée (comme pour Rémi sans famille chez TMS). La plupart du temps je n’étais pas en relation directe avec les ayants droits, cette partie validation étant à la charge de l’éditeur. Mais je m’adaptais évidemment à leur desiderata, parfois contraignants. Après pour des projets plus personnels comme des projets BD d’adaptation par exemple, les démarches ont été plus directes avec les ayants droits.
Parlons un peu de ton exposition. Tu es exposé à Paris en ce moment même dans le 15e arrondissement. Qu’est-ce qu’un marseillais vient faire dans la capitale ? (Rires)
Et pour bouger un Marseillais supporter de l’OM comme moi en terres de l’ennemi juré le PSG, faut y aller !! (Rires)
Sérieusement, en parallèle de ce parcours « sous licences », je développe des collections personnelles d’illustrations, dont certaines ont la chance, en effet, d’être exposées dans la galerie JOAO GALLERY à Paris dans le célèbre village suisse. Cette collection a démarré en 2007 et se nomme Sweet Savage. D’où le titre de l’artbook qui réunit entre autres toutes ces illustrations. C’est une grande fierté de pouvoir monter dans la capitale et exposer ses propres œuvres.
Pourquoi cette année ? Est-ce qu’aujourd’hui représente un tournant dans ta carrière ?
C’est difficile à dire… Quand je regarde tout ce que j’ai fait, je suis heureux de chaque chemin que j’ai emprunté, même ceux qui ont été des échecs (car il y en a eu quelques uns, oui)… Car on apprend toujours. L’important est de se jeter à l’eau. J’étais assez stressé pour cette exposition car c’était nouveau et j’ignorais comment le vernissage allait se passer. Et l’accueil du public, venu très nombreux à ma rencontre, puis celui des comédiens de doublage qui m’ont fait l’amitié de partager cette journée avec moi (Philippe ARIOTTI en tête – voix de freezer dans DBZ), a été vraiment phénoménal… Je ne regrette pas une seule seconde de m’être lancé dans cette aventure !
Donc est-ce que cette année est particulière ? Oui ! Sans nul doute ! Il y en a eu d’autres ! En 95 j’ai rencontré mon idole Shingo ARAKI, en 97 j’ai fait mes premiers festivals en tant que fan artiste, en 2001 il y a eu le trailer de Saint Seiya Hades et le début de l’aventure des DVD. En 2007 ma collection Sweet Savage a démarré. En 2009, c’est les projets BD qui ont fleuri avec Surnaturels chez Delcourt et Lorghian et Sharylla chez Tekneo (BD numérique). Des cours pour les enfants ont jalonné mes journées depuis 2013. Et aujourd’hui j’ai cette exposition, et un nouveau projet sous licence qui a démarré en avril dont je ne peux pas encore parler pour le moment…
Donc pour te répondre je ne sais pas si c’est un tournant mais ce que je peux dire c’est que je me lève avec la certitude de faire les choses que j’aime. Mais rien n’arrive tout cuit dans le bec, j’ai dû travailler dur pour ça… et rien n’est jamais acquis pour toujours.
Comme tu le dis, pour l’occasion, tu t’es déplacé en compagnie de plusieurs comédiens de doublage de Dragon Ball Z : les voix de Freezer, Bulma et même Whis étaient présentes. Comment vous êtes-vous rencontrés et quelle est votre relation ?
J’ai rencontré Philippe ARIOTTI (photo ci-contre) sur un festival en fin d’année dernière. On a grandement sympathisé et il m’a fait rencontrer Jean Paul Da Costa qui tient la JOAO GALLERY : c’est ainsi que l’idée de faire une expo est née. Pour dynamiser la journée de vernissage, Philippe s’est chargé de réunir les comédiens de doublage de DBZ disponibles, et j’ai eu un plaisir incroyable à partager cet événement avec eux ! C’était magique et j’espère qu’ils gardent un excellent souvenir de cette journée eux aussi. Depuis, un lien fort s’est installé entre certains d’entre eux et moi et nous avons plaisir à nous retrouver sur les festivals de japanimation où nous sommes invités ensemble.
Nous connaissons ton parcours mais maintenant que ton artbook est sorti, qu’en est-il de l’avenir ? As-tu de nouveaux projets en cours de réalisation ?
Avoir fait cet artbook récapitulatif était important pour moi, à plus d’un titre… Souvent les gens me connaissent au travers d’une de mes activités (soit les dessins sous licence, soit les BD, etc.) et ignorent les autres activités. C’était l’envie de faire découvrir un peu toutes les facettes de ce que je fais qui m’a donné envie de faire ce livre.
Pour l’avenir, je démarre en effet un projet BD sous licence qui devrait durer un certain temps, jusqu’en 2018 a priori, un très beau et très gros projet dont je rêve depuis longtemps… Vous verrez cela bientôt ! Mais j’ai aussi d’autres projets BD qui m’attendent avec mon compère Arnaud DOLLEN avec qui j’ai fait Surnaturels. Et puis toujours des cours, des dédicaces, des expos sur les festivals, des rencontres dans des pôles culturels, etc… J’ai pas trop de quoi m’ennuyer à vrai dire !
Pour finir, si tu ne devais en retenir qu’un seul, quel serait le travail dont tu es le plus fier ?
J’aime profondément les séries de mon enfance… de manière passionnée et parfois démentielle, voire quasi incompréhensible pour mes proches. (Rires)
Travailler POUR elles me rend très heureux. J’adore les illustrations que j’ai pu faire sur Ulysse 31 par exemple, ou bien encore pour Albator… Mais faire des projets personnels est aussi une grande source de plaisir. Ma collection Sweet Savage est donc une de mes grandes fiertés ! (Rires)
Merci Jérôme et à bientôt sur les festivals !
Pour en savoir plus sur Jérôme ALQUIE et son travail, rendez-vous sur son site officiel ou suivez le via son compte Facebook.
Remerciements à Jérôme ALQUIE pour son temps et sa passion communicative.
Visuels ©Jérôme ALQUIE