[Interview] Kenji OIWA à l’abordage de Paris Manga 21e édition !
Kenji OIWA faisait partie des sympathiques invités à ne pas rater lors de la dernière édition de Paris Manga, en février. Après Masahiko KOMINO et Shin’ichirô WATANABE c’est donc au tour du mangaka de se livrer à notre micro.
Connu pour des titres tels que Goth, le tout premier manga sur lequel il a été dessinateur (publié en France par Pika) ou encore Bienvenue à la NHK (chez Soleil Manga), Kenji OIWA à récemment travaillé sur un projet très différent où pirates, assassins et nouvelles technologies se confrontent. En effet, c’est avec Assassin’s Creed, licence vidéo-ludique bien connue mais aussi un manga des éditions Ki-oon, que le mangaka a fait son retour en France !
Ancien vendeur de librairie spécialisée aujourd’hui mangaka, laissons M. OIWA nous raconter une petite bride de son histoire et de ses œuvres aux profils plus que variés…
En route moussaillons, cap vers le sud !
Bonjour monsieur OIWA…
Comment êtes-vous devenu mangaka ?
Au début je voulais devenir illustrateur, mais c’est difficile d’en vivre. Alors je me suis dis pourquoi pas mangaka ? et j’ai donc décidé de me lancer et de me spécialiser dans ce format.
Parlez-nous de votre tout premier travail sur un manga : GOTH, le titre de OTSUICHI. Comment en êtes-vous arrivé à illustrer des mangas ?
C’est mon éditeur qui était un grand fan du travail de M. Otsuichi et qui me l’a présenté en me disant « regarde, ça peut être intéressant ». J’ai donc lu ses autres œuvres que j’ai trouvées très sombres, très tristes et très intéressantes. J’ai alors voulu collaborer avec lui et c’est ainsi qu’est né Goth.
NDLR : Goth raconte l’histoire d’Itsuki Kamiyama et Yoru Morino, deux camarades de classe. Kamiyama est un garçon sociable et apprécié de ses camarades tandis que Morino est une jeune fille secrète qui semble ne parler à personne. Alors que tout les oppose, ils vont se rendre compte qu’ils ont une passion commune: la mort. Ils éprouvent tous deux une attirance irrésistible pour les histoires morbides, ce qui les amènera à se rapprocher l’un de l’autre. À travers cinq chapitres, les lecteurs vont découvrir le caractère des deux adolescents ainsi que leur passé.
Ensuite vous avez dû exprimer les travers d’une société dans le titre NHK ni Yokoso. Comment avez-vous abordé ce travail avec ces sujets pas vraiment faciles, tels que les hikikomori, la pédophilie ou encore les sectes dans la société japonaise ?
Comme ce sont des sujets graves, sérieux et assez lourds, il n’y a rien de mieux que l’humour pour traiter ce genre de projet et les rendre plus légers.
NDLR : NHK ni Yôkoso se centre sur un jeune homme, Tatsuhiro Satō, qui sort péniblement de plusieurs années de réclusion auto-infligées : c’est un hikikomori. Il rencontre, après ces années d’isolation, une jeune fille (Misaki Nakahara) très mignonne qui, à sa grande surprise, ne le méprise pas pour son état. Bien au contraire, celle-ci s’intéresse à lui et lui offre son aide par l’intermédiaire d’un projet qu’elle aurait mis au point. Mais Tatsuhiro sent le piège de la NHK, la Nihon Hikikomori Kyōkai (compagnie japonaise des hikikomori), face cachée de la célèbre NHK, et se méfie.
Il découvre également que son voisin de palier – grand otaku – n’est autre qu’un ancien copain de classe, et celui-ci décide de réaliser un galge, un jeu vidéo érotique, avec lui. S’ensuit une plongée mal contrôlée dans le moé, les lolicon ou les suicides collectifs, avec pour seule bouée la présence de Misaki.
D’abord le meurtre avec Goth, ensuite les travers d’une société avec NHK ni yôkoso et maintenant Assassin’s Creed Awakening, ce sont des tournants à 180 degrés pour chacun de ces travaux. Les abordez-vous tous de la même manière ?
Pour le troisième, qui est un jeu vidéo basé sur la réalité d’une époque, il y a toute une recherche historique, documentaire et de contexte à faire. Il a fallu étudier plus que d’habitude, par rapport aux recherches classiques qu’a déjà à faire un mangaka en temps normal.
NDLR : cette adaptation du jeu Assassin’s Creed® IV Black FlagTM se déroule en 1715. Les Pirates règnent en maîtres sur les Caraïbes et viennent d’y fonder leur propre république où corruption, avarice et cruauté sont désormais monnaie courante. Capitaine sans foi ni loi engagé dans une quête perpétuelle de richesses, Edward Kenway écume sans relâche les mers. Considéré comme l’un des Pirates les plus redoutables de son temps, ce combattant féroce et aguerri va se retrouver malgré lui projeté au cœur du conflit millénaire qui oppose les Assassins aux Templiers…
Avez-vous joué au jeu vidéo afin de vous en inspirer ?
Oui, bien sûr. Mais je n’ai pas réussi à le finir, j’ai dû demander à quelqu’un de le finir à ma place. (Rires)
Cela correspondait-il à l’image que vous vous faisiez des pirates de l’époque ?
Je ne connaissais que très peu les pirates, je n’étais pas un expert. J’ai appris beaucoup de choses sur eux, leur univers, les structures, etc. C’était vraiment très instructif !
Est-ce que cette immersion vous a aidé à appréhender les chorégraphies des combats et autres mouvements propres aux assassins ?
Je me suis beaucoup inspiré du jeu vidéo. Les mouvements de l’assassin par exemple, les sauts… Ce sont vraiment des images que j’avais envie de dessiner, de retranscrire et dont je me suis inspiré.
Avez-vous eu l’opportunité d’échanger avec l’équipe d’Ubisoft pour votre travail sur Assassin’s Creed ?
Ubisoft nous donne la documentation, ensuite en fonction de ça, nous la retravaillons et la complétons, et ensuite je propose mon œuvre à Ubisoft qui valide.
Avez-vous été libre au niveau du graphisme ou avez-vous reçu certains impératifs des créateurs du jeu ?
Bien sûr je devais vraiment être fidèle à certains points, les costumes par exemple. Mais c’était très difficile et c’est l’un de mes regrets d’ailleurs, je n’ai pas pu répondre à chaque fois aux exigences d’Ubisoft dans ce domaine.
En général, dans un jeu vidéo, les décors jouent une place importante dans l’univers. Mais, dans un manga, c’est souvent une tâche effectuée par les assistants. Comment cela s’est-il passé dans le cas d’Assassin Creed Awakening ?
Effectivement c’était le travail des assistants, mais bien sûr j’étais là pour m’assurer que tout se déroulait bien. Puisque j’étais un peu le réalisateur, je donnais la documentation et les consignes afin que tout soit fait correctement.
Quelle est votre touche personnelle dans ce titre par rapport au jeu vidéo ?
Il faut savoir que nous avons fait appel à un scénariste pour le projet. Après discussion avec celui-ci, et pour s’adapter également au public japonais, nous avons eu l’idée de rajouter un personnage supplémentaire qui « ouvrirait » un nouveau point de vue.
Comment avez-vous vécu de travailler sur une licence étrangère ? En quoi le travail et l’approche étaient-ils différents d’un travail sur une licence japonaise ?
Comme je suis Japonais je ne suis pas forcément au point sur la culture occidentale et ça a donc été pour moi l’occasion de connaître une culture étrangère. Je prends l’exemple de la France : je me suis demandé comment vivaient les Français de l’époque, quelle était leur gastronomie, leur façon de s’habiller et les coutumes d’époque, etc. C’est le plaisir et à la fois la difficulté de découvrir une culture étrangère.
Une anecdote particulière à nous raconter sur votre travail sur Assassin’s Creed ?
Comme je l’ai dit tout à l’heure je n’arrivais pas à terminer le jeu, j’ai donc demandé à un assistant de le faire à ma place. C’était un assistant très compétent, mais comme je ne lui demandais que de faire des jeux vidéo il en a eu un peu marre et il est parti. C’est juste horrible : le pauvre est là pour faire du manga et on lui demande de faire du jeu vidéo! Du coup j’ai eu plus de travail! (Rires)
A l’époque de vos débuts, vous aviez déclaré n’avoir que 25 yens sur votre compte en banque. Votre compte banque se porte-t-il mieux depuis ?
(Rires) Je pensais que j’allais mourir avec mes pauvres 25 yens en poche ! Mais oui ça va mieux depuis, tout cela grâce à vous tous, j’arrive à manger en tout cas !
On vous souhaite que ça continue ainsi ! Merci monsieur OIWA.
Depuis décembre 2014 l’auteur travail sur un nouveau titre : Aka to Ao no Ehrenberg dans les pages du magazine Comic Gum des éditions Wani Books. Pour l’instant le projet avance doucement et le mangaka est également en train de travailler sur une autre oeuvre dont il ne peut pas vraiment parler mais…patience ! En attendant de pouvoir à nouveau lire de nouvelles aventures, vous pouvez le suivre sur son blog.
Pour finir, en bonus, nous vous laissons sur cette petite vidéo où, en plus de répondre à quelques questions, l’auteur nous livre un petit aperçu de son quotidien de mangaka, dans un reportage fait par nos confrères de Nolife dans l’émission toco toco !
Merci à Kenji OIWA d’avoir répondu à nos questions, à Andy OULEBSIR KIMURA son interprète, à son agent Emmanuel Bochew ainsi qu’à l’équipe de Paris manga pour avoir permis cette interview.
Crédit photo : Pascal VOGLIMACCI