CD Shop Awards 2016 : les disquaires japonais élisent l’album de l’année

Les très institutionnels Japan Gold Disc Awards ont livré leur verdict il y a quelques jours, couronnant Arashi artiste de l’année pour la quatrième fois comme album de l’année, ainsi que les AKB48 au titre de single de l’année pour la sixième fois consécutive. Ça vous en touche une sans faire bouger l’autre, ou pire, vous donne envie de vous pendre avec le cordon du chargeur de votre smartphone ? Et bien rassurez-vous : la cérémonie dont il est question dans cet article est autrement plus intéressante. Et sa sélection devrait vous permettre de découvrir ou redécouvrir quelques pépites qui pourraient même vous redonner un peu de foi en la capacité du marché musical nippon à se renouveler, enfin !

8th CD Shop Awards 2016

Créés il y a 8 ans, les CD Shop Awards sont décernés à la suite d’un vote des disquaires nippons. Leur objectif : braquer les projecteurs sur les artistes qui ont marqué ces professionnels au cours de l’année passée, indépendamment de toute agitation médiatique. Les anciens lauréats ne sont autres que Sōtaisei Riron, THE BAWDIES, andymori, Momoiro Clover Z, MAN WITH A MISSION, MAXIMUM THE HORMONE ou encore BABYMETAL : autant de formations qui font aujourd’hui une belle carrière, et qui ont d’ailleurs pour la majorité déjà côtoyé le public français !

Le grand vainqueur de l’édition 2016 ne sera révélé que le 9 mars prochain, et nous ne manquerons pas de l’annoncer sur nos pages [EDIT du 09/03 : reportez-vous en bas de cet article pour le découvrir !]. D’ici là, nous avons décidé de vous présenter les 8 albums finalistes :

Suiyoubi no Campanella – Zipang

Actif depuis 2013, le trio Suiyoubi no Campanella a vu sa carrière exploser en 2015 avec, entre autres, plusieurs collaborations publicitaires. Essentiellement incarné par sa chanteuse KOM_I, ce projet est un véritable OVNI naviguant sur une vague électro aux accents tantôt pop, tantôt club-house, tandis que l’interprétation, scandée avec flegme et sensualité, emprunte régulièrement au rap et au hip-hop. La tendance semble d’ailleurs s’installer dans l’archipel, en témoigne l’ascension d’autres artistes comme daoko. Reste que Suiyoubi no Campanella a pris une sacrée longueur d’avance grâce à des compositions incroyablement inventives, des arrangements d’une très grande richesse et un univers visuel particulièrement intéressant. A ce titre Zipang est un album franchement bluffant qui ne vous laissera très probablement pas indifférent. L’avenir du groupe pourrait passer par l’Hexagone : le label français indépendant Specific Recordings a d’ailleurs sorti l’hiver dernier une édition vinyle limitée d’une compilation baptisée Jugem’ je t’aime, créée spécialement pour le marché français.

Acid Black Cherry – L

Pour le coup, on ne présente plus le projet solo de yasu, le chanteur de Janne Da Arc dont le groupe est en pause depuis une dizaine d’années (bien qu’officiellement pas séparé). Comme à son habitude, l’artiste livre pour ce quatrième opus original un nouveau concept album : cette fois, il est question de la biographie d’une jeune femme baptisée L et de ses histoires d’amour douloureuses, contées dans un livret d’une centaine de pages illustrées musicalement par les morceaux du CD. Le jury met en avant le talent et la sensibilité du chanteur, ainsi que la cohérence de toutes les composantes de son projet et la qualité des compositions qui dévoilent un yasu plus joueur qu’il n’y paraît. Le fait est que sans renier une seconde son univers, l’artiste a su livrer un disque qui explore avec une richesse indéniable de nombreuses facettes de la musique rock avec une touche de pop bienvenue, sans jamais tomber dans la caricature. La prouesse reste rare venant de musiciens ayant gravité dans la mouvance Visual Kei…

Sakurako OHARA – Happy

Happy est le premier album de l’actrice et chanteuse Sakurako OHARA, un disque qui a un peu surpris tout le monde en s’emparant de la deuxième place du top Oricon à sa sortie en mars 2015. Ancienne membre du groupe MUSH&co créé pour les besoins d’un film dont elle tenait le rôle principal, Sakurako bénéficie aujourd’hui des faveurs de l’un des producteurs les plus en vue de l’archipel : Seiji KAMEDA, membre de TURTLES JAPAN, collaborateur régulier de Shiina Ringo et compositeur d’un nombre incalculable de tubes pour des artistes comme Do As Infinity, Angela AKI, Motohiro HATA, Spitz, Ken HIRAI et beaucoup d’autres. On ne sera donc pas surpris de découvrir ici un album Jpop 100% pur jus, mais qui redonne une certaine fraîcheur au genre avec qui plus est des chansons très variées servies par une voix typique mais plutôt charmante.

cero – Obscure Ride

C’est un groupe totalement inclassable qui est distingué ici, avec là aussi une carrière qui s’est accélérée l’an passée. Obscure Ride, troisième opus de cero, s’est adjugé la huitième place au top Oricon à sa sortie, et le trio s’est vu récompenser du SPACE SHOWER MUSIC AWARDS du meilleur groupe alternatif fin février 2016. Évoluant dans un registre qui mêle dream pop, funk et hip-hop, cero sort du lot notamment par l’éclectisme de ses membres, tous multi-instrumentistes, et ses compos très complexes. Si son univers pointu ne sera pas au goût de tous, le groupe a désormais gagné ses galons qualitatifs sur la scène indépendante nippone.

Kenshi YONEZU – Bremen

S’il ne faut écouter qu’un seul album parmi les huit finalistes de ces CD Shop Awards, c’est celui-là ! Kenshi YONEZU a un parcours pour le moins atypique : il s’est en effet fait connaître par ses créations à succès pour Hatsune Miku sur Vocaloïd, avant de se lancer sous son vrai nom en 2012 avec l’album Diorama, déjà très bien accueilli par la critique. Bremen est son troisième opus et confirme le génie de cet artiste récompensé l’an dernier du prix d’excellence aux cinquante-septième Nihon Record Taishô. Non content d’écrire, composer, arranger et mixer l’intégralité de ses disques lui-même, l’artiste met un sacré coup de pied dans la fourmilière et dépoussière avec génie le genre Jpop grâce à des arrangements très modernes, un mélange d’influences variées assumé et un mixage ciselé, loin des standards encore très lisses de certains labels major. La bonne nouvelle c’est que le public suit : Bremen a en effet immédiatement pris la tête des ventes à sa sortie, offrant à Kenshi YONEZU l’opportunité de se lancer dans une tournée au succès couru d’avance.

back number – Chandelier

Bien qu’actif depuis plus d’une décennie, back number n’a réellement commencé à percer qu’il y a 2 ans environ. Le trio est aujourd’hui un incontournable de la scène pop-rock nippone, à ranger dans la droite lignée de Spitz, Mr.Children, Kobukuro, REMIOROMEN ou encore BUMP OF CHICKEN. Le groupe explore comme beaucoup toute la palette du genre avec évidemment les paroles souvent poignantes qui vont avec, mais se distingue par un sens mélodique plus efficace que la moyenne ainsi que la voix et l’interprétation exceptionnelles de son chanteur Iyori SHIMIZU. Porté par les succès successifs des singles HEROIN et surtout le récent Christmas Song (thème du drama 5-ji kara 9-ji made avec Yamapi), l’album Chandelier s’est adjugé la tête du top Oricon a sa sortie et cumule déjà 300.000 exemplaires vendus.

Gen HOSHINO – YELLOW DANCER

Gen HOSHINO est peut-être le chanteur masculin le plus populaire du moment, en témoigne notamment son prix de BEST MALE ARTIST aux SPACE SHOWER AWARDS. Le leader du groupe SAKEROCK (qui s’est séparé l’an dernier) mène depuis déjà plus de 5 ans une carrière solo au succès croissant, et si son opus précédent Stranger avait déjà fait beaucoup parler de lui, YELLOW DANCER est indéniablement l’album de la consécration. Revendiquant clairement son statut de chanteur Jpop, l’artiste est toutefois TRÈS loin des clichés tant il mélange les genres avec virtuosité, passant allègrement de la pop au funk ou la soul, du rock au folk, tout en laissant sur chacun de ses titres une empreinte reconnaissable entre mille. Également acteur, Gen est un véritable personnage qui livre régulièrement des clips très originaux, souvent dotés d’une petite chorégraphie bien sentie. A découvrir de toute urgence pour qui ne le connaîtrait pas encore !

WANIMA – Are You Coming ?

Nommé BEST BREAKTHROUGH ARTIST aux derniers SPACE SHOWER MUSIC AWARDS, le groupe de rock WANIMA, lui, ne fait pas dans le mélange des genres. Il s’agit au contraire d’une pure formation punk, mais qui fait sacrément bien le job : compositions efficaces au rythme relevé, mélodies entêtantes, voix claire et maîtrisée, interprétation enjouée… Tous les ingrédients sont réunis pour faire de WANIMA une nouvelle référence sur cette scène qui peine à trouver un second souffle depuis la mort d’ELLEGARDEN. Il est encore un peu tôt pour dire que la succession est enfin assurée, mais le potentiel est là !

Et puis tant que nous sommes sur la scène punk, terminons avec une mention spéciale d’un groupe qui figurait dans la première sélection mais n’a pas atteint le stade de la finale :

Kyûso Nekokami – Jinsei wa mada mada tsuzuku

Cette fois, nous ne sommes pas vraiment face à des débutants : cet album est en effet le troisième de Kyûso Nekokami, un quintet punk-rock qui a fait ses débuts en 2009 et a signé en major avec Victor Entertainment courant 2014 suite au succès inattendu de son EP We are Indies Band !! l’année précédente. Débarqué tout droit en quatrième position du top Oricon, Jinsei wa mada mada tsuzuku (La vie continue encore et encore) poursuit sur la lancée des précédents travaux du groupe, dans un registre très fun où les rythmiques uptempo appuyées typiques de la musique punk côtoient des synthés pop voire parfois carrément kitsch. Le résultat est certes déjanté, mais tout de même bien plus travaillé qu’il n’y paraît avec des mélodies bien senties, des compos déstructurées aux arrangements léchés et un univers visuel très riche. Nul doute qu’un showcase à Japan Expo ferait un véritable carton (on dit ça, on ne dit rien) !  

Vous le constaterez sans doute comme nous : la sélection de ces huitième CD Shop Awards est particulièrement encourageante, faisant la part belle à des artistes et groupes dotés d’une véritable identité, qui n’hésitent pas, pour beaucoup, à mélanger les genres et bousculer les codes. Les critiques nippones commencent à parler de « nouvelle scène Jpop » et il est plaisant de remarquer que le public japonais semble plébisciter cette vague d’artistes inventifs qui compte aussi parmi ses têtes de gondole des groupes comme Sekai no Owari, Gesu no Kiwami Otome et Indigo la End. Quant au pronostic sur le vainqueur de cette nouvelle édition, il est toujours hasardeux de s’y risquer, mais la logique devrait favoriser back number, Suiyoubi no Campanella ou Gen HOSHINO, à moins qu’une heureuse surprise ne vienne couronner Kenshi YONEZU. Et vous, quel est votre favori ? N’hésitez pas à nous donner votre avis, en commentaire ci-dessous, ou sur les réseaux sociaux !
[EDIT du 09/03/2016] Et le grand gagnant est donc… le chanteur Gen HOSHINO, avec son album YELLOW DANCER !

Kevin Petrement

Après 18 ans consacrés à jouer les PPDA de la Jpop de jour comme de nuit (je vous rassure j'ai commencé très jeune !), je profite désormais d'une petite pré-retraite tout en continuant à partager mes coups de coeurs et coups de sang sur le marché musical nippon. Tout ça entre un petit chou au praliné (ou une tarte au citron) et un avion à destination de je ne sais quel sublime paysage dans un coin paumé !

2 réponses

  1. 11 mars 2016

    […] – CD Shop Awards 2016 : les disquaires japonais élisent l’album de l’année […]

  2. 18 mars 2017

    […] vous en parlions déjà l’an dernier : les CD Shop Awards sont probablement la cérémonie de récompenses musicales la plus intéressante du Japon. Ces […]

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