[Découverte J-Music] Recoride : (Synth-)Punk’s Not Dead !
Le saviez-vous ? : le film Retour Vers Le Futur 2 de Robert ZEMECKIS est tiré d’une histoire vraie. Cette histoire – modifiée pour le public américain de l’époque, qui n’était pas encore prêt pour ce que vous allez vivre en lisant cet article – c’est celle du groupe tokyoïte Recoride, venu tout droit des années 80 pour nous faire danser, nous autres habitants du futur, enfermés dans le cercle vicieux de la musique médiocre et décadente du XXIe siècle.
Rassurez-vous, pas besoin d’être un expert sur la question des paradoxes temporels pour lire cet article, il suffit de bien peu de choses : on ressort les plus beaux éléments de sa garde-robe des années 80, on monte le son et on y va.
Recoride est un trio de synth-punk formé en 2009 et composé de la chanteuse Tatta, du guitariste Hashiyū et de Sasaki-Kissa, principal compositeur du groupe, aux machines.
Dès sa création, le groupe est endorsé par la structure For Life Music Entertainment et, sous la tutelle du label Greed Music, sort son premier album, Zekkyō Midare Larry Land. Dès le premier single, Baseball Murder, tous les ingrédients de la machine Recoride sont réunis : synthétiseurs à faire pâlir K-2000, mélodies accrocheuses et esthétique 80’s. Si le son de ce premier album est pour le moins brut de décoffrage, Baseball Murder lance le trio qui multiplie alors les performances live dans des concerts emmenés par une énergie punk des plus frénétiques, le charisme irrévérencieux de la chanteuse Tatta contribuant à leur succès et permettant à Recoride de s’implanter petit à petit au sein de la scène tokyoïte. Il multiplie les premières parties et s’impose peu à peu comme l’un des représentants d’un renouveau de la new-wave japonaise.
Après trois ans de tournée des clubs, le trio revient avec un nouvel album intitulé MP3 No Danmatsuma qui transforme l’essai du premier opus. Recoride persiste et signe : l’avenir du rock’n’roll sera aux 80’s ou ne sera pas. Plus dansant et moins radical que l’album précédent, ce nouvel album nous transporte directement dans ces années 80 avec des morceaux qui évoquent les grandes heures de l’italo-disco, de Blondie ou encore de Duran Duran. Les synthés plus vintages que jamais et les mélodies que l’on se surprend à fredonner sans même les connaître font de ce MP3 No Danmatsuma une véritable machine à tubes, et ce n’est pas le single Hoshikuzu No MP3 qui prouvera le contraire. Porté par un clip qui vous fait voyager dans le temps simplement à l’aide d’une veste de survêtement et d’un caméscope, ce single emporte avec lui toute l’insouciance dansante que peuvent évoquer les années 80. En se délestant ainsi de l’aspect rageur de sa musique, le trio se donne les moyens de pouvoir explorer un spectre de styles musicaux plus large tout en restant fidèle à son univers. Ainsi, le groove délicieusement rétro de Last Moments Of MP3 succède à la pop new-wave de Rock Zombie avant de nous offrir un outrun d’anthologie avec Kuzu-Dance, qui parlera forcément à tous les fans de génériques de séries de l’époque. Difficile de rester non-exhaustif en évoquant cet album tant chaque chanson fait écho à un aspect différent de la musique des années 80. Pop, électro, rock, tout y passe et fait de ce MP3 No Danmatsuma une véritable carte postale de l’époque.
Après la sortie de MP3 No Danmatsuma, Recoride disparaît mystérieusement de la circulation, malgré un EP publié dans la foulée.
Sasaki-Kissa, le principal compositeur du groupe écrit abondamment pour d’autres artistes pendant cette période de creux dans la carrière du trio et signe notamment des chansons pour les idols indés Saoriiiii et Koto. Il compose d’ailleurs désormais l’intégralité des titres de cette dernière, et on reconnait aisément sa patte 80’s dans ses compositions.
Pour ce qui est de Recoride, à l’exception d’un single – Midori No Mystery – en 2014, on a pas vu le bout du nez du trio en près de trois ans.
En réponse à la demande insistante des fans, Recoride annonce en 2015 la sortie d’un troisième album intitulé Freshless, qui porte bien mal son nom tant le trio est loin d’être périmé. Le premier single – Kowarenai Paradise – donne le ton : toujours plus vite, toujours plus fort. Le son est rageur, les guitares de Hashiyū prennent le pas sur les synthétiseurs de façon vrombissante et la voix de Tatta se fait plus énergique que jamais, martelant les paroles avec un chant scandé des plus rythmés. Le clip de Kowarenai Paradise jette un regard amusé sur la carrière de Recoride. On y voit Tatta opposée à une photo de la jeune idol Koto, comme si elle cherchait à récupérer son groupe après les années passées par Sasaki-Kissa à composer pour d’autres. Le groupe s’amuse d’ailleurs de cette fausse rivalité et multiplie les concerts aux côtés de Koto et de Saoriiiii, les deux idols que Sasaki-Kissa a pris sous son aile.
Alors qu’on pensait que Recoride nous avait pondu la machine à tubes parfaite avec MP3 No Danmatsuma, le trio enfonce le clou avec Freshless. Si le son diffère de l’album précédent en ce qu’il ramène Recoride a un son rageur, décomplexé et complètement punk, il ne manque pas de nous proposer toute une collection de morceaux sur lesquels on ne peut s’empêcher de danser et de chanter à en perdre la voix. Le premier morceau éponyme lancé à 100 à l’heure ne prend pas de pincettes et a dû laisser plus d’un amateur de pogo sur la carreau. Recoride maîtrise l’art de l’accroche et nous le prouve entre autres avec les morceaux Sunday Ga Owaru Mae Ni, Zip & Crack, Angel Ga Endless et V.H.S., une véritable collection de tubes qui fait paradoxalement de ce Freshless l’album le plus rafraîchissant de l’année 2015. L’opus est très court, à peine une trentaine de minutes, mais est peut-être la meilleure représentation musicale de ce qui peut-être une claque dans la figure : c’est fort, ça va vite et ça laisse des traces.
Si les musiciens de Recoride sembler apprécier de nous faire patienter longuement entre chaque album, ils ne se gênent pas pour nous envoyer chaque nouvel opus directement en pleine poire, sans prévenir. Pour fêter ses six ans de carrière, le trio a sorti en édition limité un best-of pour le moins original intitulé 6 Nice With Best Friends, où les chansons du groupe sont reprises par leurs best friends. L’album contient ainsi des reprises de Recoride par plusieurs groupes qui peuplent la scène underground tokyoïte. On retrouve par exemple Koto, très proche du groupe, ou la chanteuse Sawa, qui jouit déjà d’une certaine réputation.
En espérant qu’il ne nous faudra pas encore trois ans pour découvrir ce que les trois fous furieux de Recoride nous préparent pour la suite, on retourne à notre époque avec un message pour réviser l’Histoire : « Punk’s not dead, it’s freshless ».
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