Le Garçon et La Bête : La Grande Aventure de Mamoru HOSODA
Après avoir fait le tour des festivals les mois précédents, le 4e film de Mamoru HOSODA sort en grande pompe chez nous en ce début d’année 2016, témoignant ainsi d’un réel engouement pour ce cinéaste qui a su trouver une place de choix et constitue maintenant l’autre grand nom de l’animation japonaise grand public au côté de Hayao MIYAZAKI.
Les sentiers de la gloire
De jeune espoir de l’animation japonaise courtisé par le studio Ghibli – il devait réaliser Le Château Ambulant – lorsqu’il endossait la réalisation des premiers films Digimon chez TOEI, Mamoru HOSODA est devenu un auteur à part entière. En 3 longs métrages produits au sein du studio Madhouse, il a su se créer un style propre et réaliser des œuvres à la fois sincères et enthousiasmantes, commerciales et personnelles. Au point qu’un nouveau film de sa part suscite maintenant une réelle attente du public autant au Japon que chez nous. Après un Les Enfants Loups, Ame et Yuki magnifique mais fortement marqué du sceau de la mélancolie, c’est avec Le Garçon et la Bête que le réalisateur nous revient. Un film qui semble être le chaînon manquant entre un précédent opus chargé en sentiments et le bouillonnant et jubilatoire Summer Wars, sorti chez nous en 2010. S’il s’agit toujours d’un récit initiatique au long cours, comme dans Ame et Yuki, HOSODA n’en oublie pas pour autant cette fois la grande aventure, l’humour, le dynamisme ; tout simplement, le plaisir.
Chacun cherche son Miyagi : une histoire d’apprentissage réciproque
Comme dans tous les films du réalisateur, un élément fantastique constitue le postulat de base de l’intrigue. Ici, c’est l’idée qu’il existe un monde parallèle peuplé d’animaux anthropomorphes dont l’entrée se situe dans une petite ruelle de Shibuya. Ren, un jeune garçon qui vient de perdre sa mère et dont la famille refuse de le confier à son père, exclu de sa vie depuis le divorce, va s’y enfuir et y rencontrer Kumatetsu, un ours bourru, lui aussi orphelin, combattant hors pair mais totalement asocial. Kumatetsu va prendre Ren, rebaptisé Kyuta, pour disciple dans l’art du combat. Or, l’entrée de Kyuta dans le monde des animaux n’est pas s’en provoquer des remous. En effet, les humains n’y sont pas les bienvenus, car ils sont prompts à se laisser dévorer par leurs émotions négatives (qui prennent corps sous forme d’ombres vivantes) et Kyuta, en proie à une profonde détresse et en plein rejet du monde des adultes, court plus que quiconque le risque de se laisser submerger de la sorte. Au contact l’un de l’autre, les deux inadaptés Kyuta et Kumatetsu vont se forcer à grandir, apprendre à communiquer et à se faire confiance mais aussi à contrôler leur colère et leurs sentiments négatifs. S’apprivoisant mutuellement, ils vont finir par former une famille de substitution.
De l’Art d’élever les Enfants : le cinéma comme reflet de ses expériences personnelles
Une chose qui frappe le spectateur lorsque qu’il examine dans la chronologie les films de Mamoru HOSODA, c’est à quel point Ame et Yuki, Les Enfants Loups semble constituer une parenthèse mélancolique dans une filmographie qui, si elle n’exclue pas les questions graves et importantes comme le deuil ou la responsabilité, sait les y installer sans perdre de vue le souci de divertir.
C’est que la vie personnelle d’HOSODA infuse directement dans ses œuvres. Ainsi, il injectait dans Summer Wars l’expérience de découvrir sa belle-famille et d’y trouver sa place consécutive à son récent mariage. C’est par contre le spectre du récent décès de sa mère qui planait au dessus de Ame et Yuki, en faisant un film beaucoup plus sombre. Cette fois, c’est le bonheur et la difficulté d’élever ses enfants qui rayonne sur Le Garçon et la Bête, où l’enjeu n’est pas seulement pour Kyuta de trouver sa place et de se construire, mais aussi pour Kumatetsu de devenir parent, une expérience qui va avoir autant de conséquences pour l’un que pour l’autre.
Il faut aussi noter que, l’air de rien, Mamoru HOSODA prend pour base un problème réel et bien important : la question de l’autorité parentale et sa conséquence sur la construction et le bien-être psychologique des jeunes enfants. En effet, en cas de divorce au Japon, seul un des parents conserve l’autorité parentale, le second pouvant ainsi se voir totalement effacé de la vie de sa progéniture. En cas de décès du parent restant, c’est souvent les grand-parents qui élèvent l’enfant, sans que l’enfant ou le parent encore en vie ait son mot à dire. C’est donc ce sujet très sérieux – le décès d’un parent et les difficultés d’un enfant à se construire et se sociabiliser, sans se laisser submerger par ses sentiments les plus sombres – qui constitue le noyau du film. Un thème dans le prolongement du film précédent, qui s’axait plus particulièrement sur la question de la famille mono-parentale et du lien avec la nature. Seulement cette fois, le récit initiatique prend la forme d’un film d’aventure, plus martial et ludique.
Un cinéaste qui s’affirme
Comme à l’accoutumée dans les animés de Mamoru HOSODA, la réalisation et l’animation sont impeccables, particulièrement dynamiques lors des combats, et l’utilisation d’images de synthèse s’intègre très bien dans le film (par exemple les effets de feu dans la séquence d’ouverture ou la baleine à la fin).
L’histoire s’ouvre cette fois aussi à un public plus jeune, avec un contenu moral moins sous-jacent, plus clairement explicité. A ce niveau là, on peut d’ailleurs mettre le film en parallèle au récent Vice et Versa de Pixar qui montrait le même soucie de pédagogie auprès du jeune public (apprendre aux enfants à comprendre, accepter et contrôler leurs émotions négatives).
Certains regretteront peut-être ce positionnement, en comparaison au véhicule à la fois plus débridé et plus subtil que pouvait constituer Summer Wars. Mais disons le tout net, le film reste une réussite de cinéma familial intelligent et attractif où tout le monde pourra trouver son compte d’aventure, de plaisir et d’émotion.
Il est vrai que le décès de Satoshi KON a laissé un grand vide pour un cinéma à la fois adulte, profond et fun, que l’on aurait bien vu le réalisateur de Summer Wars remplir avec la maestria dont il sait faire preuve. Mais peut-être est-ce plutôt vers Keichi HARA qu’il faudra se tourner pour cela ?
HOSODA, bien que refusant de se voir comme un successeur de MIYAZAKI et revendiquant avant tout sa propre individualité en tant qu’animateur, semble pourtant construire une œuvre à vocation plutôt universaliste, comme ce dernier. Seul le temps nous permettra de savoir s’il continuera de creuser ce sillon ou bien s’il cherchera à se diversifier et à explorer des domaines totalement différents. En tout cas, nous attendons déjà avec impatience son prochain projet.
Le garçon est la bête sort le 13 janvier sur les écrans français.
Vous m’en faites saliver d’avantage :3 Vous venez de me faire découvrir un passage que j’ignorais dans la vie d’Hosoda avant la sortie d’Ame et Yuki.
Vous ne l’avez pas mentionné mais d’après les crédits (Et bordel que ça s’entend <3) Takagi Masakatsu est pour la seconde fois à la musique. J'ai jamais autant accroché à une soundtrack comme celle d'Ame et Yuki.
Côté distribution
Malgré que Gaumont ait reprit la distribution après Eurozoom, c'est terrible de voir qu'il faille aller dans d'assez grandes villes pour le voir.
Au niveau de la VF, je m'inquiète un peu, il n'y a aucune information, celle des Enfants Loups m'avait beaucoup marquée, quasi parfaite, mais dans la bande annonce VF du Garçon et la Bête certains passages font beaucoup hésiter.
Merci pour cet article !
Je suis pas grammar nazi, mais j'ai repéré 2 petites erreurs :3
Ça – Sa
Et Soucie Soucis
(Retirez ce morceau du com après :3)
Merci pour ce commentaire, et bien vu pour la musique ! Pour la VF on demande à notre rédacteur, il vous dira. 🙂
En effet, la musique est encore une fois assurée par Takagi MASAKATSU. Pour la version française, je ne saurais vous dire, ayant vu le film en VO. Il faut d’ailleurs préciser que les voix japonaises sont assurées par des acteurs de premiers plans, dont Koji YAKUSHO et Shota SOMETANI. Je vous encourage donc à aller voir le film en VOST si possible !
La faible distribution m’a fait prendre le train pour foncer le voir, en VF (Les prix de Gaumont l’après-midi.. dis donc.. o-o)
C’est une autre merveille à la hauteur du précédent film que Hosoda nous a pondu avec la magnifique musique de Masakatsu, j’espère vraiment qu’ils vont faire encore de la route ensembles un moment !
Une immersion très rapide par la musique et une introduction par une animation très jolie soutenue par une voix off. Plein de surprises et toujours autant de sujets très intéressants qui sont traités.
Niveau VF je pense que Les Enfants Loups fût meilleur au niveau de la restitution d’émotions mais ça n’a pas été désagréable.
J’ai qu’une hâte c’est d’économiser pour me procurer les travaux d’Hosoda et de Masakatsu en attendant le prochain film ! \o/
(Faut d’ailleurs que je fasse des recherches sur leur évolution, j’ai découvert qu’ils avaient un passé commun à partir de 2002 dans une publicité Louis Vuitton aux allures de Summer Wars qui n’était pas encore né. Si ça peut vous donner une idée de dossier hein :3)