[Interview] Kia ASAMIYA : manga, japanimation et comics dans seul homme !
Le weekend dernier nous avons eu l’occasion de vous présenter l’animateur et chara-designer Hirofumi SUZUKI lors de son passage à Paris Manga, le 3 et 4 octobre dernier, pour leur 20e édition. Durant ce salon nous avons également eu l’honneur d’aborder Kia ASAMIYA. Si SUZUKI est un homme aux multiples casquettes pour tous ses postes dans l’animation, ASAMIYA nous a dévoilé un autre tour de force en touchant à la fois à l’animation, au manga et enfin… aux comics !
Kia ASAMIYA a la particularité de ne pas s’être cantonné à un seul « genre » d’expression artistique. En effet, c’est un mangaka accompli : on peut citer Nadesico, Dark Angel ou Steam Detective et bien sûr, Silent Möbius publiés dans les années 90 (en France y compris) et il a parfois tourné sa plume du côté américain en participant à des licences comics comme Batman.
C’est sous couvert d’un alter ego qu’il a aussi travaillé dans l’animation en montant sous son vrai nom, Michitaka KIKUCHI, son propre studio : le Studio Tron. Pour brouiller les pistes, il pousse même le concept jusqu’à mettre sur son site « Kia Asamiya & Michitaka Kikuchi Official web ». Il se confie à ce propos à nos confrères de Zero Yen Mag lors de la Japan expo Sud de 2013 : « Michitaka Kikuchi, c’est moi en tant qu’animateur, qui est ma première activité. Puis j’ai eu l’occasion de faire un pas dans le monde du manga : à l’époque c’est vrai qu’il y avait pas mal de gens qui passaient de l’animation au manga en gardant le même nom mais moi ça ne me plaisait pas trop ce mélange des genres, je voulais une frontière très claire et c’est là que j’ai donc choisi ce pseudonyme, ce nom pour le manga. »
Il multiplie alors les postes dans l’animation dans quelques projets désormais cultes : animateur clé dans Ken le survivant ou pour une des OAV de Creamy Mami, chara-designer des dragons des Chroniques de Lodoss, puis il s’occupe de l’animation en général sur les adaptations de ses propres mangas ou enfin au storyboard sur Magic Knight Rayearth 2.
Un parcours sur de nombreux fronts que nous avons pu détailler avec lui…
Journal du Japon : Bonjour monsieur ASAMIYA…
Votre CV est très intéressant, vous avez tantôt travaillé sur des mangas, tantôt dans l’animation…. Mais quelle est votre formation initiale ?
Kia ASAMIYA : J’ai été dans un lycée normal où il n’y avait pas spécialement de cours de dessin donc une fois mon diplôme en poche, je suis allé dans une école spécialisée dans l’animation. C’est en faisant cette école que je me suis également intéressé au manga. Puis, le manga a pris de plus en plus d’importance dans mon travail donc j’ai un peu mis l’animation de côté pour me concentrer sur le manga. Il y a deux ans sur Uchuu Senkan Yamato 2199 (Space Battleship Yamato 2199, NDLR) le réalisateur m’a demandé de l’aide alors j’ai repris un peu l’animation.
Entre les deux avez-vous une préférence et pourquoi ?
L’avantage du manga c’est que l’on peut publier ce que l’on veut, quand on veut, et être en petit comité. Et ça me permet en plus d’être invité à ce genre de conventions ! (Rires). Avec le manga je peux transmettre directement au public. Les projets d’animation se font en plus grand comité, mais ça bouge d’avantage et c’est plus dynamique.
Quels sont ou ont été vos principales références et influences du coté nippon comme et du coté américain ?
Il y a ISHINOMORI Shôtarô (Sabu et Ichi, Gilgamesh), Go NAGAÏ (drand mangaka connu pour Goldorak mais aussi Devilman ou encore Violence Jack), Katsuhiro ÔTOMO (le mangaka à l’origine d’Akira et qui a produit d’autres titres comme Steamboy NDLR).
Du côté des USA Jim LEE (auteur de comics coréano-américain, il a participé à diverses grosses franchises comme les X-men, La Ligue des justiciers ou encore Batman et Robin), Mike MIGNOLA (Hell Boy), Adam HUGHES (Les Quatre Fantastiques, Team Titan), Travis CHAREST (WildC.A.Ts), Moebius aussi (Les Maîtres du temps).
Est-ce difficile de débuter dans l’animation ? A quoi ressemblait votre quotidien à vos débuts ?
Au début il n’y avait pas beaucoup de travail, pas beaucoup d’argent. Comme je n’avais pas de petit boulot à côté je touchais alors 250 euros de salaire mensuel. Bien sûr, ça à augmenté entre temps ! (Rires)
Ensuite, parlez-nous de votre première expérience dans l’univers du manga !
C’était un peu compliqué… Bien sûr j’ai eu de la chance car j’avais un éditeur qui aimait mes dessins. Mais c’était tout de même difficile : dans l’animation chacun a un rôle bien précis et il y a un partage des tâches alors que dans un manga je devais tout faire de A à Z, surtout que je n’avais pas d’assistants à l’époque.
Pouvez-vous nous dire comment êtes-vous passé du manga aux comics ?
J’avais un ami aux Etats-Unis qui était dans le réseau des comics. Il y avait un projet qui consistait à « mangaïser » des comics américain, donc j’ai pu dessiner les X-men grâce à mon ami américain. Au Japon j’ai pu travailler sur ces univers entre style manga et personnages de comics avec Batman et Star Wars par exemple.
Comment ces deux projets sont venus à vous ?
Pour Batman d’abord… Quand on m’a demandé sur quoi je voulais travailler, j’ai dit Batman en pensant qu’on ne me donnerait jamais l’autorisation – mais en même temps ça ne coûtait rien de le dire – et c’est passé ! J’ai eu l’autorisation ! (Rires.)
Pour Star Wars comme c’était à l’époque la sortie de l’épisode I au cinéma, il fallait un moyen pour que le public et surtout les enfants japonais comprennent ce qu’était cette licence et cet univers. Le mieux pour cela c’était le manga. L’éditeur était en train de chercher quelqu’un pour dessiner Star Wars et quand il m’a demandé si je connaissais quelqu’un pour dessiner le manga j’ai dit « Moi ! Moi ! » (Rires)
Sur ce dernier projet, même s’il l’avait ardemment désiré, le travail ne fut pas si simple, comme il l’explique à nos confrères d’Animeland: « Cette aventure m’a marqué. Le planning était extrêmement serré, avec deux mois pour produire 160 pages. Le manga devait être disponible à la sortie du film. Mais j’étais prêt à tout sacrifier. En tant que fan de Star Wars, c’était une chance à ne pas laisser filer ! »
Quel est le projet qui vous a le plus marqué ?
C’est Silent Möbius évidemment. Quand ça a eu un peu de succès il a été adapté en animation et j’ai eu l’occasion travailler dessus : j’ai pu être réalisateur, faire le découpage, etc. J’ai vraiment pu exploiter à fond cette double casquette, et cela m’a vraiment plu et marqué.
Dans plusieurs de vos projets comme Silent Möbius justement on ressent une petite touche old shcool : est-ce que vous diriez que vous êtes plus attiré par les mangas des années 80-90 ?
Bien sûr j’ai une préférence pour les années 80-90, je suis un homme des années 80 de toute façon, mais j’essaie de m’adapter au public moderne.
Dans son interview à Zero Yen mag, il ajoute qu’avant de trouver son propre style, il a beaucoup copié des mangaka comme Osamu Tezuka, Go Nagaï ou encore Leiji Matsumoto. Il l’exprime d’ailleurs sans honte car au Japon il est dit qu’il faut beaucoup copier avant de pouvoir trouver sa propre voie, c’est une étape importante avant de se libérer vers son propre style.
Pour finir cette interview revenons au manga… Parlez-nous un peu de Kanojo no Karera votre manga (Kanojo no Karera nous raconte l’histoire d’une jeune femme, Reïna, qui reçoit un cadeau qui va chambouler sa vie : elle hérite en effet d’une porche ! NDLR)
D’habitude, lorsque l’on parle de mangas de voitures au Japon, on pense tout de suite à des courses et des combats, mais j’ai essayé de minimiser cet aspect afin de parler du quotidien : nettoyer sa voiture, chercher l’essence pour l’avoir au prix le plus bas, payer les taxes aussi… c’est vraiment au jour le jour ! (Rires). Ce sont des épisodes qui parlent aux gens ayant des voitures et qui en sont fans ; c’est ma façon de prendre le contre-pied sur ce sujet.
On espère que Kia ASAMIYA conservera son originalité pour son prochain projet, un nouveau manga qui devrait sortir l’an prochain : il fera l’annonce dès le mois de janvier !
Merci à Kia ASAMIYA pour son temps, à Andy Oulesbir Kimurapour la traduction, son agent Emmanuel Bochew et à l’équipe de Paris Manga pour cette interview.
Photos Digital Shot pour © JournalduJapon.com – Tous droits réservés
Sources : Zero Yen Media, Animeland.com
Bon interview. Sacré cv quand meme.
@Aokimi Merci du compliment et, effectivement, le monsieur a un CV aussi fourni que varié !