Tales of Zestiria – Fête gâchée ?
Plus d’un an après Tales of Xillia 2, la célèbre saga revient en Europe avec un épisode qui en fête le vingtième anniversaire. C’est donc l’heure de souffler les bougies.
Il y a un peu plus d’un an, nous accueillions avec surprise Tales of Xillia 2, suite pour le moins agréable d’un premier épisode déjà oublié. Nous avions alors signalé l’ambition dont le titre avait su faire preuve, comme témoignage d’une envie manifeste de corriger les erreurs du passé et de surprendre les joueurs un minimum. Si le soft a hélas probablement payé les pots cassés de son prédécesseur, dans la mesure où il semble tout autant condamné à l’oubli, on peut étendre ce constat aux épisodes récents de la saga.
Bien sûr, Tales of Zestiria n’est pas vraiment un mauvais bougre ; il est même loin de la réputation peu flatteuse qui l’a précédé et qui émanait en partie d’une communication pour le moins bancale. Mais à l’image des jeux précités, on ne parie pas vraiment sur lui pour redorer le blason de la franchise dont il est célèbre le vingtième anniversaire.
GÂTEAU EMPOISONNÉ…
La raison la plus évidente tient en premier lieu à un aspect purement technique que l’on pointait déjà du doigt il y a plus d’un an. Sauf que s’il est dans un premier temps sorti sur PS3, Tales of Zestiria est aujourd’hui disponible en Europe sur PS4. En conséquence de quoi l’on pouvait s’attendre au minimum syndical de la refonte graphique justifiant ce portage, autre qu’opportuniste, sur la dernière console de salon de chez Sony. Il n’en sera malheureusement rien, et on connaît des yeux qui vont saigner. Si l’on finit par s’y habituer tant bien que mal, la première impression que dégage cet opus est bel et bien celle d’un jeu PS3. De la PS3 des débuts en réalité.
Certes, les ennemis et personnages bénéficient d’un travail plutôt soigné, au niveau des textures notamment, mais ne cachent jamais la médiocrité technique plutôt hallucinante qui les enrobent. Clipping grossier, framerate aux fraises (qui ne souffre heureusement que de rares ralentissements lors des combats), modélisation et textures aux abois, faux-raccords lumière… C’est bien simple, le jeu n’est en l’état même pas au niveau de l’un de ces nombreux softs estampillés Remaster qui nous arrivent sur la console depuis deux ans. Et comme dans le diptyque Xillia, les zones, aussi larges puissent-elles être, demeurent irrémédiablement vides. Regrettable, quand il s’agissait d’un effort réel et salutaire d’offrir de vastes régions de jeu aux joueurs. Le contraste est d’autant plus saisissant que le – joli – travail de sound-design tend à nous faire croire que les différents villages sont largement peuplés, voire baignés par la foule, quand ils ne comptent rarement plus d’une douzaine de personnages à l’écran. L’immersion en prend un coup, et l’ennui n’est jamais loin. C’était sans compter sur une direction artistique plutôt séduisante et une quête principale surprenante, à défaut de marquante.
… POUR INVITÉS DE QUALITÉ
Mais marquante, elle ne cherchait peut-être pas à l’être, si l’on en juge le classicisme de sa mythologie. Car à l’image de son level-design ou de ses sous-intrigues, Tales of Zestiria se montre extrêmement classique dans sa conception, évoquant sans mal le jeu vidéo tel qu’il était produit il y a vingt ans. Non pas que cela soit un défaut en soi : par l’invocation de mythes (Excalibur, Asgard…) et archétypes usités (le héros Campbellien en premier lieu), mais aussi – et surtout – par leur traitement très premier degré, le titre affiche une confiance et un amour communicatifs pour les thèmes qu’il convoque. C’est assurément l’atout charme du soft, qu’il marie à merveille avec un humour orienté anime du meilleur effet, loin de tout approche postmoderne caractéristique de notre époque.
Surprenant en revanche, Zestiria l’est par les thèmes qu’il aborde. Ce n’est pas tous les jours qu’un JRPG traite rien de moins que de la condition humaine ou de la complexité inhérente aux notions de bien et de mal. Accepter ou refuser la souffrance du vécu, l’affronter ou la fuir… L’intégration de thèmes aussi ambitieux dans le cadre d’un game-design fondamentalement traditionnel a tout d’une bonne idée pour sublimer ce dernier et en ce sens, Tales of Zestiria ne saurait être taxé du même laxisme collant à la peau de sa médiocrité technique. Le jeu se fend même de quelques échos – volontaires ou non – à l’actualité, à l’image de la destruction de l’art à des fins idéologiques. Pour autant, on y retrouve les défauts typiques de la production animée japonaise, pour ne citer qu’elle.
Au contraire d’un Final Fantasy XIII se servant du langage vidéoludique pour faire ressentir son propos au joueur, Zestiria le lui explique en permanence. Longuement, très longuement, paraphrasant ce que l’on avait déjà bien compris et avec une volonté si appuyée de ne rien oublier que ça en devient méprisant. En résulte des dialogues ineptes où des personnages intelligents font mine de se poser des questions pour qu’un interlocuteur vienne y répondre, et ainsi nous expliquer l’évidence. Non, nous n’échapperons toujours pas à ces longues conversations insistant sur l’importance de l’amitié et du soutien d’autrui, thèmes antédiluviens en ce qui concerne les JRPG. Un didactisme malvenu et qui renforce hélas la sensation de gâchis d’un titre pourtant pétri de qualités.
Et qui dit qualités à propos d’un Tales Of, dit spontanément système de combats. Celui de Zestiria ne fait pas exception, et se montre même un chouïa supérieur à celui de ses prédécesseurs. Ou en tout cas, si l’on fait fi des nombreuses fois où la caméra vous mettra des bâtons dans les roues, résultante directe de la volonté de se faire dérouler les affrontements à l’exact endroit où l’on rencontre les ennemis. Au contraire des précédents opus, où ceux-ci se déroulaient dans une arène dédiée, ceux de Zestiria prendront place près d’un mur si l’on approche un adversaire près d’un mur. Ce cas de figure se produira de manière plutôt régulière, et verra donc la caméra faire absolument n’importe quoi dès qu’elle rencontrera un obstacle. Rien de rédhibitoire mais là encore, une impression de gâchis face à un défaut dont il est difficile de justifier la présence dans le jeu final. À chacun de voir si les combats se révèlent satisfaisants à cette aune.
De notre côté, on ressort enjoués de l’expérience, laquelle s’est montrée étonnamment riche tout en ayant su se renouveler au fil du jeu. Du système d’armatus (phase durant laquelle un humain et un séraphin fusionnent pour former un être puissant avec des capacités qui lui sont propres) à celui impliquant les quatre éléments, en passant par les différentes jauges et ce qu’elles impliquent en matière de remplissage ou de combos supplémentaires, Tales of Zestiria est un régal dans la multiplicité et la diversité des combinaisons qu’il autorise. Ce parti-pris implique une certaine adaptation en fonction des ennemis rencontrés, chacun ayant bien entendu ses forces et ses faiblesses, et donc les stratégies qui permettent de les appréhender. Las, en dehors peut-être des difficultés extrêmes, le recours à des tactiques particulières tend à se montrer inutile dans la plupart des cas, dans la mesure où un bon bourrinage des familles suffit à faire la différence en cas de bonne compréhension des bases essentielles du système.
Vous l’aurez compris, si Tales of Zestiria n’est pas un indispensable et que ses défauts techniques ne sont jamais loin de prendre le dessus sur son contenu, il sait aussi se montrer agréable, voire audacieux, sur bien des points. Demeure surtout une sensation de gâchis face au jeu qu’il aurait pu être, et qui en dit peut-être bien moins sur lui-même que sur l’industrie du jeu vidéo actuelle. Mais c’est un autre débat.