Lady Snowblood : la Vengeance a un visage
Pour la rentrée, le label HK nous permet enfin de découvrir directement une figure iconique de la culture populaire japonaise avec la sortie des deux films de la série Lady Snowblood, adaptée du manga du légendaire Kazuo KOIKE (auteur de Baby Cart et de Crying Freeman), déjà disponible chez Kana. L’occasion de revenir sur ces deux incarnations d’un personnage devenu mythique.
Au début des années 2000, Quentin TARANTINO, grand cinéphile devant l’éternel, lance son chant d’amour au cinéma d’exploitation asiatique (et au western spaghetti) avec Kill Bill vol. 1 et 2. Ce faisant, il dévoile une partie de ses influences au grand public qui découvre par procuration quelques unes des figures mythiques du cinéma bis, en particulier celles de la Femme Scorpion et de Lady Snowblood, personnages cultes du cinéma japonais des années 70 pour de nombreux fans de films d’exploitation, revêtant toutes deux un même visage, celui de l’actrice Meiko KAJI. Si les différents épisodes de la série des Scorpion ont depuis plusieurs années été édités en DVD, les deux épisodes de Lady Snowblood restaient quand à eux encore inédits. Un manque réparé par le label HK qui édite les 2 films dans un combo Blu Ray/DVD pour cette rentrée.
Qui est Lady Snowblood ?
Adapté d’un manga écrit par Kazuo KOIKE – également auteur du célèbre Baby Cart, dont Lady Snowblood est le pendant féminin – et dessiné par Kazuo KAMIMURA, Shurayuki Hime (en VO) est l’incarnation implacable de la vengeance. Née dans un pénitencier à l’orée de l’ère Meiji, Yuki KASHIMA n’a été conçue par sa mère que dans un unique but : accomplir la vengeance que cette dernière ne pourra achever elle-même, étant incarcérée à perpétuité pour avoir tué l’un des quatre criminels meurtriers de son époux et de son fils. La jeune Yuki consacrera ainsi toute son enfance et son adolescence à un entraînement drastique, et même quasi-infernal, visant à faire d’elle une guerrière incomparable doublée d’un maître dans l’art du déguisement et d’un pickpocket redoutable : une véritable machine à tuer. Devenue une jeune femme des plus séduisantes, elle sillonne les routes du Japon, vêtue d’un kimono, portant une ombrelle qui dissimule une lame, usant de ses charmes et de ses talents pour rechercher les tortionnaires de sa mère, tout en exerçant la fonction de tueuse à gages.
Le manga : vengeance implacable dans une époque troublée.
C’est en 1972, dans les pages de l’édition japonaise de PLAYBOY qu’est pré-publié Lady Snowblood, ce qui explique le mélange d’action sanglante et d’érotisme omniprésent dans le manga (Yuki fini la plupart de ses combats en tenue d’Eve et n’hésite pas à donner de sa personne pour parvenir à ses fins). Ce n’est pas pour autant qu’il faudrait réduire à cela le manga, tant KOIKE a bien travaillé son contexte pour y inclure de nombreux éléments et personnages historiques, et KAMIMURA soigné le graphisme, stylisé et épuré à l’extrême. En effet, le manga se déroule pendant l’ère Meiji qui, avec l’ouverture du Japon, va être le cadre de nombreuses évolutions pour la société japonaise.
Le manga a été publié chez nous en 2008 par KANA dans une belle édition en trois volumes, agrémentée d’une préface de Jean-Pierre DIONNET et de plusieurs postfaces (dont deux du dessinateur lui-même) qui éclairent aussi bien sur l’œuvre et ses auteurs que sur les éléments historiques qui irriguent l’histoire.
Les deux premiers (très gros) volumes rassemblent la première partie du récit, c’est-à-dire une alternance de chapitres relatant les différents contrats que remplit Yuki, avec ceux qui présentent sa genèse et ceux dans lesquels elle accomplit sa vengeance. Le troisième, plus succin, présente une Yuki post-vengeance qui retrouve un sens à sa vie à travers un nouveau combat.
Les films : violence graphique et vengeance douloureuse
Les deux films, réalisés par Toshiya FUJITA en 1973 et 1974 et produit par la TOEI, sont dans la droite lignée de la série Baby Cart : des adaptations de manga hautes en couleur, exaltant la figure de leurs héro(ïne)s et aux nombreux éclats de violence cartoonesque. Les membres volent, le sang gicle en geyser et se répand sur le sol en grandes flaques d’un rouge vermillon vif et épais, tirant sur le orange. Le tout accompagné d’une musique tantôt enka traditionnelle et mélancolique (notamment la chanson titre reprise dans Kill Bill) tantôt plus funky. Non pas des chambara réalistes ou ambitieux à la KUROSAWA ou à la GOSHA donc, mais du cinéma bis, du manga live assez jouissif.
L’aspect érotique du manga, lui, est laissé de côté. L’histoire est retravaillée et se concentre uniquement sur la genèse de Yuki et l’accomplissement de sa vengeance. Quelques détails contextuels des autres chapitres sont réintégrés dans le récit qui subit un certain nombre de changements tant dans la chronologie que dans les événements en eux-mêmes. Aussi, plusieurs personnages secondaires voient certaines de leurs caractéristiques modifiées afin de renforcer leur rôle et d’ajouter plus de tension dramatique et de complexité au parcours de Yuki.
Lady Snowblood elle-même, si elle conserve ses dons quasi surnaturels pour le combat et son regard intensément pénétrant (Meiko KAJI semble être née pour ce rôle tant elle incarne à la perfection le personnage), n’est pas aussi infaillible et froide que son alter-ego de papier. Elle se voit ainsi humanisée et le film se permet même d’effleurer la vacuité de cette loi du talion sans fin qui ne trouve jamais d’apaisement en se transmettant d’une génération à l’autre, n’apportant finalement que le malheur à ceux qui l’exécutent.
Si le premier film, malgré ces changements, reste globalement fidèle à l’histoire des 2 premiers volumes (toute la partie vengeance), le second raconte une toute autre histoire de celle du troisième tome, n’en gardant que l’esprit et certains éléments visuels (les méchants qui sont des militaires et des policiers, l’apparition fugitive des masques de l’Akatsuki …). Il reste cependant fort réjouissant et, bien que n’hésitant pas à ralentir le rythme, est moins fouillis que le premier dont la narration était alourdie par un enchaînement de flash-back un peu confus.
Les deux films sont d’ailleurs bien justement rassemblés sur le même disque dans cette édition HK qui présente un beau master bien propre.
Maintenant que manga comme films sont disponibles dans nos contrées, les curieux n’ont plus d’excuses pour ne pas découvrir ce personnage mythique de la pop culture japonaise. Les fans de cinéma bis pourront, eux, se délecter à loisir de ces films dans une qualité autre que celle des vieilles VHS.
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[…] quelques mois plus tard, qu’elle incarnera à l’écran l’héroïne du manga Lady Snowblood de Kazuo KOIKE. Ceci est pour le compte de la Toho et du réalisateur : Toshiya FUJITA, lui […]