Partez à la découverte d’Okinawa et de l’archipel des Ryûkyû !
Le Japon est un archipel très vaste. Si les îles principales ont des noms relativement familiers pour les oreilles occidentales – Honshû, Shikoku, Kyûshû et Hokkaidô – l’archipel des Ryûkyû situé au sud du Japon, près de Taiwan, est surtout connu des occidentaux pour son île principale, Okinawa, qui évoque la deuxième guerre mondiale et parfois les centenaires qui y vivent (et leur régime alimentaire).
Pour aller au-delà de ces clichés, Journal du Japon vous propose une sélection d’ouvrages très divers : nouvelles, roman, mangas, guide touristique. Tout ce qu’il vous faut pour partir à la découverte de cet archipel.
Okinawa and the Ryukyu Islands : un guide très complet
Il est très difficile de trouver des guides papier sur Okinawa. Les guides sur le Japon n’y consacrent en général que quelques pages insipides en toute fin d’ouvrage. Mais si la lecture d’un guide en anglais ne vous pose pas de problème, ce dernier est fait pour vous. Robert Walker a parcouru l’archipel de long en large, de l’île principale aux îles les plus éloignées. Il connaît donc bien son sujet.
L’ouvrage débute par une introduction générale : composition de l’archipel, moyens de transport, spécificités telles que l’architecture, le shisa ce chien-lion qui porte bonheur aux maisons qu’il orne, l’awamori cet alcool propre à l’archipel, le goya ce légume amer qui sert à la composition du chanpuru, plat local typique. Il se découpe ensuite en secteurs géographiques. Une première partie est consacrée aux îles Satsuman (îles situées juste en-dessous de l’île de Kyûshû et ayant pour préfecture Kagoshima), puis la seconde aux îles d’Okinawa (ayant pour préfecture Okinawa), divisée en chapitres : trois sont consacrés à l’île principale (partie sud, partie centrale, partie nord), un aux îles de l’Est, un aux îles de l’Ouest, un aux îles Kerama, un aux îles Miyako, un aux îles Yaeyama et un aux îles Daito.
La lecture du guide est très agréable : de nombreuses photographies illustrent les sites proposés, des encarts sont consacrés à des points de culture, des traditions, des éléments d’histoire, des informations sur la faune et la flore. Des anecdotes viennent pimenter le tout. Les informations sont pratiques : où sont les sites, comment y aller, avec des cartes dans le texte puis une grande carte glissée dans une poche en fin d’ouvrage. Les sites décrits sont parfois connus, parfois plus confidentiels : des sites historiques, mais aussi des sites naturels exceptionnels (rochers, plages, cascades, arbres etc.).
En le feuilletant, vous aurez une furieuse envie de partir !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
La bataille d’Okinawa vue par un adolescent de 14 ans
Akira Yoshimura (1927-2006) a été profondément marqué par la guerre qui hante nombre de ses livres. C’est le cas dans ce roman (paru début 2014 aux éditions Actes Sud) : Mourir pour la patrie.
Shinichi Higa n’a que 14 ans lorsqu’il est enrôlé avec ses camarades d’école comme jeune soldat de l’Unité Fer et Sang pour l’Empereur en ce 25 mars 1945. Alors que les habitants d’Okinawa attendent depuis un an le débarquement américain, Shinichi est très fier de sa tenue militaire (même si elle est un peu trop grande pour lui) et est prêt à donner sa vie pour son pays. Son seul but est de mourir en tuant le plus d’ennemis possible.
Mais les missions qui sont confiées aux jeunes soldats ne sont pas très passionnantes : délivrer des messages, ravitailler, porter les blessés. La peur lui fait trembler les jambes, car le simple fait d’aller aux « toilettes » (un trou dans le sol) hors des galeries peut vous tuer.
Petit à petit, la situation se dégrade, les américains progressent dans les airs (bombardements permanents qui retournent la terre et font s’amonceler les cadavres), sur la mer (les nombreux navires font comme une mer de lumière) et sur terre (les chars sous lesquels les soldats n’hésitent pas à se lancer une mine sur le dos pour se faire exploser et détruire l’engin ennemi), sans parler des lance-flammes dont le bruit terrorise soldats et civils tapis dans les galeries, les grottes ou les tombes. Il faut sans cesse changer de lieu, parfois en abandonnant les blessés grabataires (en prenant soin de leur laisser du lait mélangé à du cyanure). Chaque déplacement, de nuit, se fait avec difficulté : il faut porter les blessés, les armes, éviter les trous d’obus (ou s’y cacher), les cadavres qui jonchent le sol par centaines, se décoller de la boue qui recouvre les soldats et les civils des pieds à la tête pendant la saison des pluies, ralentissant encore leur progression.
L’horreur est grandissante et la lecture de ce roman se fait suffocante. Akira Yoshimura décrit la boue partout, l’humidité qui pénètre les grottes et les humains, la faim, la putréfaction des cadavres, les poux sur les vivants, les asticots sur les morts. Tellement de morts qu’il est impossible parfois de les éviter en marchant, et qu’ils servent même de cache pour les soldats éparpillés dans les champs (qui font les morts pendant la journée pour éviter les tirs aériens au ras du sol). Et dans l’horreur quelques rares moments de poésie : la découverte d’un champ bien vert dans la grisaille du chaos, le chant des grenouilles (qui rappellent à Shinichi les promenades avec sa petite sœur morte de dysentrie cinq ans plus tôt), le vol d’une libellule, et même la musique d’un poste de radio américain. Mais Shinichi est un soldat, l’émotion des premiers jours cède vite la place à l’indifférence, aux réflexes.
Les soldats japonais se retrouveront finalement coincés sur un bout de l’île entre la mer avec sa falaise et la terre conquise par les soldats américains. Combattre jusqu’à son dernier souffle, se suicider, se rendre ? La bataille d’Okinawa fut un carnage, une immense plaie qui cicatrise lentement.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Mabui, les âmes d’Okinawa de Susumu Higa : cohabitation entre habitants et soldats américains dans le Japon d’aujourd’hui
Susumu Higa est un mangaka natif d’Okinawa. Imprégné de sa culture, des récits des anciens, il raconte à travers des histoires personnelles la vie des habitants de ces îles du sud. Dans Soldats de sable (paru également au Lézard noir), il livrait ainsi au lecteur des récits de guerre : civils, soldats japonais, soldats américains, autant de points de vue sur la bataille qui y fit rage en 1945.
Mais c’est sur la situation plus récente et la cohabitation entre insulaires et soldats américains que Mabui, les âmes d’Okinawa se penche à travers différents récits mettant en scène des personnages attachants, amoureux de leur terre et cherchant à la préserver, en priant avec des prêtresses, figures emblématiques d’Okinawa.
Mabui signifie âme dans le dialecte d’Okinawa. Et tout au long du livre, les âmes rôdent : celles des ancêtres, celles des morts à la guerre (japonais ou américains), celles des soldats américains en poste sur les nombreuses bases présentes (âmes qui s’échappent parfois des corps lorsqu’un accident survient). Les prêtresses voient ces âmes, savent les apaiser, les remettre dans les corps. Elles sont un lien entre vivants et morts, mais aussi un pilier de la vie locale, une source d’apaisement quand la cohabitation devient difficile.
Le mangaka ne juge pas, il n’est ni pour ni contre les bases américaines. Il montre, explique, met en scène les protagonistes sans prendre parti. Mike l’aviateur américain qui a eu un accident avec son avion viendra aider un vieux couple de paysans à remettre en état son champ. Le maire d’une petite commune dépeuplée sera en proie au doute sur l’intérêt de l’installation d’une nouvelle base (20 emplois de fonctionnaires à la clé). Jim, soldat en poste à Okinawa dans les années 50 revient 40 ans plus tard retrouver les « jeunes » qu’il avait initiés au baseball. Il y a même un pilleur de tombes à qui une prêtresse tentera de faire retrouver son Mabui. Des situations décrites avec beaucoup d’humanité, qui permettent de comprendre les enjeux d’une cohabitation délicate. Rien n’est tout blanc ou tout noir, qu’ils soient propriétaires de terres confisquées, qu’ils travaillent dans les bases, ou qu’ils reviennent sur leur île après une vie ailleurs, tous ont en commun une volonté d’apaisement, de vie heureuse, d’harmonie.
En réponse au bruit, aux accidents d’avion, aux grillages, il y a les Ugan, ces « prières sereines » que font les prêtresses Yuta avec les habitants, mais aussi les américains qui le souhaitent. Les personnes se regroupent, boivent de l’Awamori et s’alignent harmonieusement pour prier ensemble pour toues les âmes sans distinction de pays … Des moments précieux qui parcourent tout le livre pour lui donner une magie apaisante.
Graphiquement, le trait du mangaka est simple, précis, les visages dessinés pour montrer l’essentiel, la joie, la gêne, la douleur, la peur ou la colère. Les différents personnages sont soldats, paysans, élus, investisseurs, et cela se voit dans leur tenue, leur carrure, leur attitude. Les paysages champêtres, les petites routes mais aussi les nombreux grillages, les bâtiments américains mettent le lecteur dans l’ambiance insulaire. Le ciel, lui, est souvent rempli du bruit des avions, les sons en deviennent presque des paysages. Mais lorsque tout le monde se réunit pour prier, le silence et la paix se lisent dans les images, sur les visages et dans le décor minimaliste.
Une lecture très utile et très émouvante, pour comprendre et réfléchir.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Des nouvelles colorées autour de l’enfance et des Mabui dans un archipel aux couleurs chatoyantes
Journal du Japon vous avait déjà recommandé L’âme de Kôtarô contemplait la mer (éditions Zulma) pour votre valise estivale en 2014. Son auteur, Medoruma Shun, est un enfant d’Okinawa. Il en a absorbé toutes les couleurs, toute la chaleur, et tout l’univers surnaturel. Il les transmet au lecteur à travers des nouvelles qui mettent souvent en scène des enfants, petits êtres radieux qui vivent dans ces îles et les explorent avec curiosité, les cinq sens en éveil. Les six nouvelles livrent différents destins, différentes souffrances, différents souvenirs, mais avec une dose de surnaturel, de beauté, de force, de lumière qui réchauffe l’âme.
Dans Mabuigumi l’âme relogée, une âme erre sur la plage pendant qu’un aaman (bernard l’ermite terrestre) habite le corps d’un homme. La vieille Uta réussira-t-elle par ses prières à sauver l’âme de Kôtarô ? La plage, les tortures, les lucioles de mer, le veloutier (un arbre d’Okinawa) créent une ambiance naturelle et surnaturelle digne d’un tableau du Douanier Rousseau.
La nouvelle suivante raconte l’amitié d’un petit garçon et d’un vieux pêcheur. Couleurs, saveurs, parfums débordent de chaque page.
La troisième est plus sombre, avec une enfance malmenée, des combats de boxe entre soldats américains. Une violence qui teinte les palmiers de rouge.
Toujours des combats mais de coqs dans Coq de combat, avec une description de la violence animale terriblement précise !
Dans Avec les ombres, le lecteur suit une fillette qui a le don de voir les esprits des personnes mortes. Ces esprits lui confient leurs histoires.
Enfin dans La mer intérieure, un jeune homme retourne dans son village natal. Des tombeaux creusés dans la falaise, la mer, des fantômes qui rôdent, une ambiance étrange enrobe cette nouvelle.
Le livre refermé, restent des images colorées sur la rétine du lecteur, et le scintillement de l’eau cristalline … ou des âmes qui s’y promènent.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Avec tous ces ouvrages vous serez donc incollable, ou presque, Okinawa et l’archipel des Ryûkû… Il ne vous reste plus qu’à vous y rendre !
2 réponses
[…] avant tout l’association d’une multitudes de saveurs et d’ingrédients uniques. Après vous avoir fait découvrir cet archipel pour son histoire et son tourisme, Journal du Japon vous fait découvrir sa cuisine […]
[…] avant tout l’association d’une multitudes de saveurs et d’ingrédients uniques. Après vous avoir fait découvrir cet archipel pour son histoire et son tourisme, Journal du Japon vous fait découvrir sa cuisine […]