Paris Manga & Sci-fi Show : la grande interview des 10 ans !
Ce weekend, comme deux fois par an, se tient la nouvelle édition de Paris Manga, Porte de Versailles à Paris. Mais cette édition n’est pas tout à fait comme les autres puisqu’elle marque un anniversaire de taille : Paris Manga a 10 ans !
Pour fêter cet événement, Journal du Japon est parti à la rencontre de son créateur, Laurent Tanguy, pour une interview version longue. Si la création de la convention et les grandes évolutions sur cette décennie sont au programme, nous nous sommes aussi arrêtés sur l’esprit de cette convention, son organisation et son contenu très évolutif. Evidemment il est question de sa position et ses spécificités par rapport à des grands concurrents comme Japan Expo : quid de son rapport avec ses invités, de ses stands, des éditeurs, de la contrefaçon… Et comment fait-elle, enfin, pour durer et attirer désormais 150 000 visiteurs chaque année !
Avec bonne humeur et sans langue de bois, découvrez donc cette grande interview de Paris Manga !
Invités et public : la constante évolution…
Journal du Japon : Bonjour Laurent… Peux-tu nous dire comment tout a commencé ?
Laurent Tanguy (photo ci-contre): C’était il y a 10 ans, tout simplement. C’était un petit salon, Porte de Champerret, 1700 m², moins de 5 000 visiteurs et qui a été mis en place de façon très amateur. Et ça a plu, avec une ambiance de convention bon enfant et une population cœur de cible : le fan de Naruto, Dragon Ball et One Piece. Puis il y a une seconde édition et assez rapidement nous avons songé à nous agrandir.
Comment et pourquoi est né ce projet ?
Initialement j’avais créé un salon qui s’appelait Paris Jouet Collections, plutôt dédié à l’univers américain, c’est-à-dire Science Fiction, Cinéma, Séries TV, Comics… Et seulement un peu de manga. Parce qu’il y a dix ans le manga et l’américain ne se mélangeaient pas : population différente, exposants différents et qui n’aimaient pas forcément être mitoyens.
Ce qui est absolument génial c’est qu’aujourd’hui, dix ans plus tard, la personne qui lit un Naruto, qui va voir Avengers au cinéma et qui va regarder Game of Thrones, c’est la même. Le manga fait désormais parti des meubles, le comics est revenu très fort avec tous les films de chez Marvel, le cinéma est plutôt en perte de vitesse au profit de la série télé qui a explosé : Game of Thrones, Arrow, Big Bang Theory, Flash,…
Les produits dérivés ont basculé sur les séries TV à 90-95 %, même s’il y a toujours des licences très fortes comme Star Wars, Alien ou Terminator. C’est pour ça que, sur Paris Manga, nous avons fait ce mélange de manga et de Sci-Fi qui comprend tout ce qui est lié aux univers du fantastique, de la SF, du cinéma à la série TV en passant par le comics ou l’animation, qui n’est pas uniquement celle du manga d’ailleurs.
Du coup le public ne se limite plus au cœur de cible manga des débuts…
Ils sont toujours là, mais c’est toute une génération qui vient nous voir comme à Japan Expo, de 12 à 30 ans. Mais maintenant, nous avons aussi les parents qui viennent avec les enfants car la partie Sci-Fi leur correspond et leur parle, avec les héros de chez Star Wars, Marvel ou DC Comics, contrairement au manga car beaucoup de parents qui n’y connaissent rien dans ce domaine. C’est pour ça que cette partie se développe et que nous avons des invités marquants comme Jason Momoa, aka Khal Drogo de Game of Thrones : lorsqu’on l’a annoncé on a eu plusieurs centaines de milliers de personnes qui ont diffusé l’info sur les réseaux sociaux !
On a aussi la mini Stargate Reunion avec Christopher Judge qui fait Teal’c, qui revient…
Un grand classique de PM l’ami Teal’c !
C’est la 3e fois qu’il revient, il est juste résident chez nous quoi ! (Rires)
Mais je crois que s’il venait à chaque édition, il aurait toujours le même succès : il est complètement sympathique, il est proche du public et il a le sourire du matin jusqu’au soir. Je pense que c’est l’acteur le plus souriant et sympa qu’on n’ait jamais eu.
Ça a été l’un des premiers de ces univers à venir chez vous et il y a une association qui s’est faite dans l’esprit des gens à travers les années et ses retours, entre Teal’c et Paris Manga & Sci-Fi Show !
Mais c’est ça et nous avons une telle demande… Au début on a peur que les gens se disent que c’est du réchauffé mais il est tellement apprécié que ça marche à chaque fois. En plus nous nous entendons très bien avec lui. Il nous connait bien et lorsqu’on dine tous ensemble le soir il me dit à chaque fois « Quand est-ce que je reviens ? » (Rires)
En plus il est très pote avec Jason Momoa donc ça devrait être un duo de choc, sans compter Korin Nemec qui sera lui aussi présent… Ils seront quatre sur Stargate, cinq-six sur Star Wars donc ça fait un pôle Sci-Fi qui se développe vraiment avec de l’animation, des associations, des robots R2D2 qui vont se promener… Enfin je te parle des principaux invités, si je devais tous les faire ce serait sans fin : nous en avons 200 !
Japon ou USA, manga ou série TV : la construction d’une édition…
Pour cette édition vous avez des invités Japonais comme Yoshitaka Amano, Kia Asamiya et même Hirofumi Suzuki qui est en lien avec l’actualité via la sortie du film Boruto… Mais ça semble difficile à mettre en place, non ?
C’est très dur car de toute façon s’ils ont une actualité c’est qu’ils travaillent donc ils ne sont pas disponibles. Pour faire venir nos amis Japonais, c’est minimum deux ans de travail.
Vos invités comics, cinéma et séries sont plus nombreux, avec un gros turn over en comparaison…
La démarche est très différente en fait. Un invité japonais c’est un éditeur, ce sont des ayants-droits, deux années de tractations avec des piles de mails et où il faut montrer patte blanche puis établir un lien de confiance.
Alors que pour les Américains c’est beaucoup plus facile : si c’est un dessinateur tu lui envoies un mail directement : tu as eu son contact parce que tu connais un tel qui connait un tel, etc. Tu lui demandes « dispo ou pas dispo ? » et il te dit oui ou non et c’est réglé. Cela peut se faire en l’espace de deux heures. Si c’est un acteur tu appelles l’agent et pareil : « dispo ou pas dispo ? » et si les conditions lui vont ça peut se régler en quelques jours.
Un Japonais ne dira jamais oui ou non de manière aussi simple en plus…
C’est ça, c’est toujours un « euh … c’est compliqué » entre l’artiste, l’éditeur, le studio d’animation etc.
Cela dit nous avons la chance, avec les Américains comme avec les Japonais : depuis le début… ça se passe bien ! Il y a des salons où les invités Japonais ne veulent plus remettre les pieds… Parfois, ils ne veulent même plus retourner en France !
Donc l’avantage qu’ont les invités Japonais à Paris Manga c’est qu’ils sont traités comme des princes et qu’on les laisse faire un peu ce qu’ils veulent, donc ils se sentent à l’aise. Je me souviens de notre premier invité que nous avons eu : deux mois après il nous envoie un mail en direct – sans passer par un agent ou un studio donc c’est plutôt cool déjà – et il nous dit : « j’ai beaucoup aimé votre salon, est-ce que je peux revenir ? La prochaine fois je viens à mes frais ! »
C’était Dai Sato (ci-contre, à droite, NDLR). Je me rappelle la première fois qu’il était là : il était avec nous assis sur des chaises à manger des crocodiles Haribo, une heure avant l’ouverture des portes et nous dit « euh on a pas le droit de fumer, non ? » et je lui dis « oh allez vas-y, t’inquiètes » et il était enchanté parce qu’il pouvait faire ce qu’il voulait. Il nous a demandé ensuite s’il pouvait se balader dans le salon et comme ce n’était pas encore ouvert on lui a dit « oui vas-y du moment que tu reviens pour l’ouverture et ta dédicace ce n’est pas un souci » … apparemment, ça ne se passe nulle part ailleurs ! Et après ils nous font une super pub « c’est génial, on est libre, on est super bien traités, ils nous imposent rien du tout… »
C’est l’avantage d’en avoir peu, finalement : vous en avez 2 ou 3 pas 20 ou 30, ça vous permet de vous en occuper plus facilement et ils y gagnent en visibilité…
Voilà, c’est exactement ça ! En plus en tant que spectateur, tu ne fais pas quatre heures de queue derrière trois kilomètres de barrières en ayant pris un ticket derrière un ordinateur pour un tirage au sort lambda… Tu viens, tu peux l’avoir assez facilement en dédicace et même si tu n’as pas envie de t’arrêter au moins tu peux le voir, il y a une réelle proximité. De la même façon on leur prévoit des créneaux de dédicaces mais souvent certains nous proposent d’en faire davantage parce qu’ils sont vraiment contents d’être là. On ne leur dit pas « toi tu t’assoies là jusqu’à 14h et t’en bouges pas… et après à telle heure pile t’iras faire ça pendant deux heures »…
Chez nous ils sont plus là en vacances : ils joignent l’utile à l’agréable parce que c’est Paris et c’est sympa, ils viennent y passer une semaine tranquille et puis sur Paris Manga ce n’est pas prise de tête !
De toute façon la clé de Paris Manga & Sci-Fi Show pour moi c’est « dans la joie et dans la bonne humeur, et après on avise… ». Il y a évidemment des contraintes financières et d’organisation MAIS toujours dans la joie et dans la bonne humeur. Le jour où ça n’est plus le cas, moi, j’arrête. Concrètement il faut que l’on prenne du plaisir.
Bon on prend cher à chaque fois quand même hein, honnêtement. (Rires) Je t’avouerai que les nuits sont courtes quand on se rapproche des jours du salon. Mais c’est du bonheur. C’est un état d’esprit propre à Paris Manga, c’est un peu notre label.
Puisque l’on parlait d’invités et de dédicaces : les Américains font payer leur dédicace alors que les invités Japonais ne le font pas. Est-ce que tu peux nous éclairer là dessus ?
Tout à fait. Alors les Américains font payer, enfin pas les dessinateurs mais les acteurs, entre 15 et 30 euros selon leur notoriété. C’est du business tout simplement : ils ne sont pas là en promotion mais pour travailler.
Les gens ont parfois tendance à croire que c’est l’organisation de Paris Manga & Sci-Fi Show qui fait payer, alors que pas du tout. Quand un acteur vient nous lui payons son billet d’avion, l’hôtel, les restos et les différents frais autour. Tout l’argent qu’il gagne en dédicace il le garde, avec un minimum garanti. S’il ne parvient pas à l’atteindre c’est nous qui devons payer le complément.
Les Japonais ensuite : ce sont des accords avec les studios et les maisons d’édition où nous payons tout là aussi, mais c’est davantage de la promotion donc c’est gratuit.
Pour tout ce qui est You Tuber, web-séries là aussi on paie les supports et tout est fait gratuitement.
Enfin pour les dessinateurs de Comics il y a des plages de prévues dans la journée pour des petits dessins gratuits, des dédicaces sur les comics, des choses comme ça. Puis il y a des moments où ils font des dessins qui sont des commandes particulières, bien plus travaillées : « j’aimerais bien Spiderman qui fait telle taille dans telle pose » et l’autre lui répond « ok ça coute tant d’euros » et hop, le deal se fait comme ça.
C’est un business mais ils sont moins exigeants que les acteurs. Les gens ont tendance à croire qu’on s’en met plein les fouilles avec les acteurs alors que c’est tout le contraire, c’est un gouffre financier pour nous : le voyage d’avion depuis les États-Unis se fait en business par exemple, ça fait déjà un billet à 7 000 euros, et après il y a tout le reste.
Pour finir sur les invités. Tu citais une liste de 200 personnes pour cette édition, mais comment faire pour équilibrer entre les différentes thématiques, comment choisir l’équilibre d’une édition ?
Il y a plusieurs critères. On s‘intéresse à l’actualité, puis on regarde sur l’édition ou les éditions précédentes ce qui a marché ou ce qui n’a pas marché. On voit bien ce que les gens veulent : les choses qui se fatiguent on épure tout doucement, les choses qui explosent on les développe et les classiques qui sont devenus récurrents on les laisse en place tout en faisant attention à apporter de la nouveauté à chaque fois. Au final, le contenu ce n’est pas vraiment nous qui le faisons, ce sont les visiteurs.
C’est aussi pour ça que, parfois Paris Manga & Sci-Fi Show se rapproche plus de Paris Sci-Fi & Comics…
Oui voilà, en plus de la difficulté qu’on évoquait à faire venir les Japonais. Après nous avons des invités qu’on appelle japonisants, qui évoluent dans le même univers, comme les doubleurs et des choses comme ça… mais de toute façon on ne pourrait pas en avoir des dizaines non plus. Quand tu regardes Japan Expo, eux non plus n’en ont pas tant que ça des invités purement mangas, par rapport à leur taille. Mais on compense ce plus petit nombre d’invités par plus de contenus du côté du manga, là où il y a moins de contenu en Sci-Fi mais davantage d’invités…
Ça s’équilibre comme ça et ça marche finalement, vu que nous avons commencé à 5 000 visiteurs et que nous faisons maintenant 150 000 personnes à l’année.
Les champs de batailles : réflexions autours des stands et de la contrefaçon…
Les deux répartis sur 2 éditions… Justement, d’où vous-est venu l’idée de faire deux éditions par an et est-ce qu’il y a des différences notables entre l’édition du printemps et celle de l’automne ?
Non c’est identique, copier-coller, on change les invités et on améliore les animations mais c’est la même chose. Même produit et même nombre de visiteurs. On le fait deux fois par an parce qu’une année c’est long, donc on a le temps d’en faire deux, et qu’il y a une vraie demande. On s’intercale de chaque côté de Japan Expo, comme ça on ne se marche pas dessus. Et à chaque fois nous accueillons entre 70 et 75 000 visiteurs en moyenne.
Ce chiffre de fréquentation reste stable ?
Complètement, c’est linéaire maintenant.
C’est un chiffre qui te satisfait ?
C’est avant tout un problème de place. J’aimerais bien en accueillir 100 000 mais je ne saurais pas où les mettre. Les allées sont déjà bien chargées comme tu as pu le constater donc je ne vois vraiment pas où ils pourraient aller.
Est-ce que changer de place serait une solution envisageable, c’est une idée dans les cartons ?
Mais il n’y a pas d’ailleurs, il n’y a pas plus grand dans Paris. Villepinte c’est déjà occupé et c’est très loin, le Bourget il en est hors de question… Il ne reste que Porte de Versailles en plus grand sauf que ça coûte un bras. Donc nous sommes un peu coincés.
Aujourd’hui pour nous agrandir ce qu’il nous manque, ce sont les éditeurs. Ces derniers font le Salon du Livre, Japan Expo et après ils rangent le matériel à la cave.
A une époque quelques uns ont tenté de venir pour une édition ou deux… Mais il ne reste désormais plus que Taifu / Ototo / Ofelbe.
Il y a eu des tentatives mais les gens n’ont pas compris qu’ils faisaient moins de chiffre d’affaire parce qu’il y avait moins de monde mais aussi car ils n’amènent aucune nouveauté en comparaison de ce qu’ils apportent sur Japan Expo, avec des stands de folie, tout un tas d’exclusivité et d’invités, etc. Là, ils sont venus avec 3 caisses et des vieux bouquins, c’est normal qu’ils ne fassent pas un chiffre d’affaire délirant… Ils n’ont pas joué le jeu c’est tout.
Il y a eu des exigences aussi, du type « on veut bien venir mais gratuitement » et je leur ai dit que non, ce n’était juste pas possible. Certains ont été cash « on va à Japan Expo parce qu’on n’a pas le choix mais là revenir faire de la vente sur un stand un dimanche, non merci. » Ca tient de l’erreur professionnelle là, car ça fait partie de ton métier d’éditeur.
Tout le reste est en place, on est plein sur tous les autres secteurs avec des exposants qui nous sont fidèles. Après s’ils ne viennent pas, tant pis. Alors que plusieurs sont à l’agonie, s’ils ne comprennent pas que c’est dans leur intérêt de venir nous rejoindre, je ne vais pas les forcer. Surtout que ce n’est pas une question de budget, on a des prix ridiculement bas en comparaison des autres salons. C’est comme s’il y avait deux salons de l’auto en France, que Renault décidait de n’en faire qu’un puis s’étonnait de voir ses ventes s’effondrer et de devoir licencier du monde derrière. C’est dommage. Les éditeurs devraient être là, c’est leur place.
Autre sujet : il y a quelque chose sur lequel on critique souvent Japan Expo, c’est la contrefaçon. Comment vous essayez de gérer ça sur Paris Manga ?
Ce n’est pas évident. Aujourd’hui la contrefaçon est présente sur tous les salons. Alors je ne sais pas si tous les salons le font mais nous essayons de lutter. C’est difficile car parfois nous ne sommes pas qualifié pour dire « ça c’est du vrai, ça c’est du faux »… Et surtout nous n’avons pas le droit de dire à quelqu’un sur un stand « toi tu ranges tout ça car c’est du faux ». Il a payé son stand et s’il y a quelque chose de contrefait les seules personnes qui peuvent faire retirer ça de son stand c’est la police ou les douanes. On coopère avec eux clairement et ils descendent régulièrement chez nous comme sur Japan Expo… Et lorsqu’on a l’information on agit : je sais que j’ai blacklisté plusieurs enseignes à 100% là-dessus, des gens comme Konci et compagnie à une certaine époque. C’était du grand n’importe quoi. Néanmoins, il y en a qui mélangent l’officiel et la contrefaçon et là ça c’est très compliqué.
Après, contrairement à d’autres salons, nous n’avons pas l’hypocrisie d’aller démarcher des gens qui font, de notoriété publique, de la contrefaçon et du HK, et de dire ensuite que l’on combat la contrefaçon !
C’est fréquent ce double-jeu ?
C’est 99% des salons en fait. Mais il y a des pôles entiers dans certains salons avec des centaines de mètres carrés de HK d’un côté et les stands officiels de l’autre… Faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles.
10 ans : souvenirs et retour d’expérience d’un salon qui dure
On arrive dans la dernière partie de l’interview… Sur la décennie écoulée, quel est le moment que tu préfères en général, sur chaque salon ?
Le meilleur moment c’est le même à chaque fois, c’est l’installation. Pas celle des exposants, le jour juste avant que tout ne commence justement. C’est une sensation très particulière, une montée en puissance et une montée d’adrénaline, très progressive.
Et sur ces 10 ans quel a été ton moment le plus difficile ?
Lorsque nous sommes passés de la Porte Champerret à la Porte de Versailles. C’était un autre métier… On a pris cher ! (Rires)
Cela représentait quelle transformation en audience et en surface ?
A Champerret nous étions à 40 000 visiteurs et nous sommes montés assez rapidement vers les 70 000. En surface nous sommes passés de 9 000m² à environ 20 000 actuellement.
Ton invité le plus marquant ?
Shingo Araki, a qui l’on doit en partie l’anime de Saint Seiya. Ça a été son dernier salon, malheureusement. C’était un personnage charmant qui avait été très touché par la façon dont il avait été accueilli aussi bien par le public que par nous, car on était au petit soin et on avait pris une infirmière pour lui justement.
Aux vues de tes dix ans d’expérience, qu’est-ce qu’il faut pour faire un salon réussi selon toi ?
Il faut de bons exposants, un bon organisateur, un bon état d’esprit… Et il faut du budget. Il faut vraiment les quatre. Si tu es dans un mauvais état d’esprit ou que tu t’organises mal par exemple tu finis par faire un mauvais salon et tu n’existes plus. Tout simplement. Il faut garder les pieds sur Terre, ne pas prendre tes exposants pour des chèques sur pattes, ils sont humains et ils ont des contraintes financières, pratiques et de fatigue tout comme toi. Il faut prendre soin de tes exposants, de tes staffs, de tes invités et après derrière tout se passera bien. C’est la clé.
Tiens puisque tu parles de staff, vous êtes combien pour gérer tout ça ?
Dans la préparation nous sommes sept.
C’est une équipe stable ?
Oui c’est toujours les mêmes quasiment, c’est très familial.
C’est assez rare. Souvent ça tourne dans les autres salons, qu’ils soient remerciés ou qu’ils claquent la porte…
Alors que généralement nous, on les garde. Ceux qui partent le font plus pour des contraintes géographiques ou parce qu’ils changent de métier tout simplement, mais sinon ils restent chez nous. Nous n’avons eu que trois départs en dix ans et l’un des trois est même revenu !
Il est allé voir si l’herbe était plus verte ailleurs et finalement, non ?! (Rires)
Voilà c’est ça. Mais de toute façon, cherche quelqu’un qui ait travaillé chez nous et qui dirait « putain j’en ai marre c’est des connards chez Paris Manga, c’est bon je me casse. » Même ceux qui sont partis pour travailler dans d’autres secteurs reviennent souvent : Cyril qui travaille maintenant dans une préfecture revient animer le stand de Bulles Japon à chaque édition. Tu ne quittes pas Paris Manga comme ça, c’est comme dans une vraie secte ! (Rires)
Comment tu expliques que ces dernières années d’autres salons – des salons de grande ampleur s’entend – n’aient pas encore réussi à s’installer de manière durable ?
C’est assez simple. Il y en a beaucoup qui se sont lancés dans le salon manga en pensant que 1 : c’était facile, que 2 : On s’en mettait plein les poches, et enfin que 3 : Il suffit de monter les prix des stands pour être rentables.
Mais pour un salon il faut surtout beaucoup de communication et faire venir les éditeurs, sinon les exposants ne viennent pas au départ. Et si en plus tu les assassines en prix, les seuls qui sont venus ne reviennent pas. Nous avons commencé avec des petits prix et on reste toujours bas sur nos tarifs. Nous sommes le deuxième salon de France du secteur mais il doit bien y avoir 10 salons qui ont des prix plus élevés que nous, limite le double. Sur Japan Expo ça se justifie, pour les autres pas du tout. Il y a donc une, deux – allez miracle – trois éditions et tu t’arrêtes. Si t’es exposant et que tu perds de l’argent, tu ne reviens plus. Quand tu te contentes d’envoyer ton dossier pour lancer ton salon et que tu demandes 4 000 euros les 18m², tu te retrouves à annuler un mois avant parce que tu as trois exposants… à qui, au passage, tu as promis monts et merveilles avec 40 000 visiteurs.
C’est tout sauf de l’argent facile, c’est très compliqué à équilibrer un salon. Après, il y en a aussi qui sont tout simplement malhonnêtes, comme partout mais la plupart ont échoué par manque d’expérience ou par un excès d’ambition…
Oui, voilà, même si la plupart sont venus avec plein de bonne volonté, ce n’est pas ça qui suffit…
Non ça ne suffit pas, c’est un métier. Nous avons mis 10 ans à en arriver là et ça ne s’est pas fait en deux éditions, il nous en a fallu 20. Les 75 000 visiteurs, on ne les a pas faits comme ça. Certains pensent pouvoir faire 40 000 à leur première édition mais honnêtement si tu réussis à en avoir 5 000 c’est pas mal du tout, surtout en province !
Ensuite il faut rester crédible et ne pas annoncer 20 000 visiteurs quand tu en as fait 5 000. Je me souviens lorsqu’on était à Champerret à 40 000 visiteurs certains disaient qu’ils faisaient plus ou autant que nous alors que leur salon était plus petit et que c’était vide. Faire 40 000 visiteurs quand tu as un salon de 5 000 mètres carrés, tu prends la calculatrice et en enlevant la surface des exposants tu vois bien que c’est physiquement impossible. Faut arrêter de prendre les gens pour des cons à un moment.
Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour les 10 ans à venir ?
Que ça continue de se passer bien comme ça, dans la même ambiance. On ne cherche pas à doubler la taille du salon, ce n’est clairement pas la priorité. Et puis, qui sait, le retour des éditeurs peut-être ? Si tout le monde met la main à la patte pour les fidéliser – il ne s’agit pas de les faire venir une fois seulement – ce serait parfait. Tiens, oui, bonne idée, je note ça pour notre page Facebook et encourager nos visiteurs à les convaincre de revenir : « des éditeurs sur Paris Manga & Sci-Fi Show ! » C’est l’objectif pour nos prochaines années.
Le message est passé. Merci Laurent, joyeux anniversaire et longue vie à Paris Manga & Sci-Fi Show !
Retrouvez la liste des invités et toutes les informations sur la 20e édition de Paris Manga, qui commence dès demain, sur leur site internet. Suivez également leur actualité sur Facebook et Twitter !
Remerciements à Laurent Tanguy pour son temps et à Claire Regnaut pour la mise en place de cette interview