[Portrait] Keith Paradox : quand une passionnée de j-music devient créatrice de look !
De nombreux fans du Japon et des loisirs nippons ont rêvé, un jour, vivre de leur passion. Lorsque cette envie se combine avec une flamme artistique, il arrive parfois qu’un parcours professionnel se dessine, en suivant souvent une voie inattendue et originale. C’est ainsi qu’en mélangeant J-music, Cosplay, études de coiffures et un désir ardent d’expression artistique, le projet de vie de Keith Paradox est né.
Après la cosplayeuse Julia, l’amoureuse de la France Asami, la peintre Kinkan, la dessinatrice Dreamy, voici un nouveau portrait de passionné, dans le monde de la mode et du relooking, du simple événementiel au univers japonisants. Parcours, influence, esprit créatif et débuts professionnels, on vous laisse découvrir son aventure !
Parcours un peu chaotique sur un fond de J-music…
Journal du Japon : quand est-ce que la fibre artistique, au sens large du thème, est apparue pour toi ?
Keith Paradox : J’ai grandi comme beaucoup dans l’univers du manga, de la japanime et de tout ce qui l’entoure mais au départ j’étais vraiment passionnée par la musique : j’étais bercée par BUCK-TICK du côté de ma mère et George Michael par mon père.
Ah oui, c’est varié ! (Rires)
Voilà. Mes premiers projets s’orientaient plutôt vers ça qu’autre chose, logiquement. Mais j’aimais beaucoup dessiner depuis toute petite donc, progressivement, le projet s’est enrichi du dessin avec une influence grandissante des mangas… Mais avec le peu de débouché ce n’était pas pour rassurer mon père ! (Rires)
En fait, comme beaucoup de jeunes personnes je ne savais pas forcément ce que je voulais faire avec précision, mais j’étais convaincue que ce serait le milieu artistique et il y avait déjà un lien assez fort avec le Japon. Néanmoins, vu que j’étais un peu toute seule au monde dans mon petit village paumé ça n’a pas beaucoup avancé…
Tu es d’où d’ailleurs ?
J’ai grandi dans le sud entre Rognac, Marseille, Aix… Et pour le petit village évoqué j’ai même grandi à Vinon-sur-Verdon pendant un moment avec mes grands-parents…
On dit bonjour à tous les gens de là bas, même si on ne sait pas forcément où c’est ! (Rires) Plus sérieusement avec tous ces idées en tête, tu arrives au lycée… Nous sommes en quelle année d’ailleurs ?
On se situe vers 2010, vu que j’ai 23 ans aujourd’hui. J’ai continué mon cursus sans savoir avec précision ce que je voulais faire, en me laissant un peu porter… mais bon à force de ne pas forcer il y a un moment où ça ne marche plus, forcément. J’étais alors en première littéraire et j’avais passé mon bac de Français mais je ne me voyais pas vraiment poursuivre. J’ai donc vraiment regardé quel métier pouvait relier l’artistique au reste et, un beau jour où je parlais avec ma grand-mère, je me suis lancée et je lui ai dit que je voulais travailler dans la coiffure.
En fait, à l’époque, je m’intéressais beaucoup au Visual Kei donc le maquillage et la coiffure sont vite apparus comme des éléments prédominants. J’avais alors un peu d’expérience dans le cosplay de Visual Kei et je me suis dit que si je ne pouvais pas passer par le devant de la scène je passerai par la petite porte !
Premiers travaux : le look dans tous ses états
On arrive sur le début de tes projets : quel fut ton premier travail ?
On est en 2011, un peu avant que je quitte l’école de coiffure, c’était pour Cyber Kawai Création à Japan Expo, une expérience très enrichissante, à petite échelle certes mais où j’ai pu réaliser quelques coiffures, voir ce que c’était de travailler sous pression – j’adore travailler sous pression ! – puis ça m’a motivé pour la suite.
Puis j’ai continué et achevé mes études de coiffures à l’école Pigier : j’ai réussi à remporter le concours Crazy look L’oréal de l’école puis à avoir mon diplôme de coiffure en 2012. Je ne me voyais pas aller pour autant dans les salons de coiffures. Je n’ai vraiment pas aimé y travailler… et ils me le rendaient bien d’ailleurs ! (Rires)
Tu ne t’y sentais pas à ta place ?
Définitivement pas. J’avais beaucoup de mal car pour ceux dans lesquels il m’a été donné d’aller travailler on y casse vraiment tout ce qui est créativité, ce qui n’était pas compatible avec mon envie d’être dans la coiffure événementielle où l’on cherche à se démarquer du lot. De plus j’ai eu à faire à certaines personnes qui ont su montrer qu’elles recherchaient plus un souffre douleur pour ressortir leur stresses quotidien, qu’une assistante auxquelles ils auraient pu apprendre leur savoir faire.
C’est sûr qu’en dehors d’une coiffure de mariage, c’est compliqué de sortir du cadre…
C’est l’idée oui. J’ai donc refusé d’aller sur ce chemin classique, même si on m’a souvent conseillé de persévérer…
Peut-être y retourneras-tu, dans une optique « alimentaire » ?
Éventuellement, c’est plus dans cette optique que je vois les choses. J’enchaîne d’ailleurs pas mal de petits boulots pour gagner ma vie. Comme je refuse d’aller dans les salons je fais du ménage dans des cliniques, je donne à manger à des enfants dans des cantines… Si je fais ça c’est aussi pour éviter une pratique intensive et mécanique de la coiffure pour ne pas en être dégoûtée.
Tu veux que ça reste une passion jusqu’au jour où tu pourras en vivre mais à ta façon c’est ça ?
Exact. D’ailleurs ça commence à prendre forme !
Ah ?
Oui à force de persévérer Japan FM a su me faire confiance (et je les en remercie au passage) et j’ai pu travailler avec eu fin mai. Quand les miss de chez Paintcakes (société de pâtisseries pour geek, NDLR) sont venues pour une interview j’ai pu m’occuper de les maquiller. Récemment j’ai pu réaliser mon premier travail avec un Japonais : Hiroaki Nakashima du groupe I-ai- et qui mène aussi le projet solo V.I.P.
Et quelles furent les difficultés pour ce premier travail avec un artiste nippon ?
Il y en a eu quelques unes (Rires).
Alors il faut savoir que j’ai suivi des cours à distance de maquillage lorsque j’étais à l’école de coiffure, mais jusqu’ici je ne travaillais que sur des Européens. Je m’étais aussi entraînée sur moi ou des amis… Donc il y avait des différences de morphologies, de teinte de peau, ou encore aux niveaux des yeux : faire une double paupière fut une première difficile… Quand il a ouvert les yeux je me suis dit un peu paniquée : « aaaaah, mais il est parti où mon maquillaaaaage ? » (Rires). Mais bon j’ai rehaussé et, même si ça m’a pris un peu plus de temps, je m’en suis sortie.
Après la différence n’était pas uniquement physique et technique. Là il s’agissait d’un artiste, donc il avait une approche vraiment globale avec une idée très particulière de son physique et de ce qu’il veut renvoyer comme image, afin que cela reste cohérent vis-à-vis de sa musique.
L’avantage était d’avoir une approche artistique proche du dessin, qui m’a donné un petit plus et une approche assez japonaise finalement, en faisant ressortir son ossature par exemple, comme dans un dessin. En tout cas à la fin de cette expérience j’ai pu me poser et établir mes points faibles et mes points forts pour me permettre de progresser par la suite, donc ça s’est avéré très enrichissant.
Du matériel au style…
Qu’utilises-tu comme matériel ?
Pour la coiffure j’utilise encore le matériel de l’école. Comme j’avais gagné le concours on me l’a offert donc c’est bon à prendre ! (Rires)
Pour le maquillage, c’est ce qui coûte le plus cher, j’utilise le maquillage professionnel : Make Up For Ever, MAC, ELLIS FAAS, Urban Decay, Nars, etc. ou d’autres grands noms comme Yves Saint Laurent et parfois une marque japonaise que m’ont conseillé des cosplayeurs au Japon lorsque je m’y suis rendu, Chacott. Certains artistes de Visual Kei l’utilisent eux-aussi ainsi que certaines grandes danseuses étoiles !
C’est un maquillage japonais réalisé spécialement pour ce genre d’artistes ou c’est un maquillage de monsieur et madame tout le monde qui serait détourné ?
C’est spécifique, on les trouve beaucoup dans les magasins de Cosplay au Japon. Par contre c’est très compliqué de se les procurer en France, il faut que je passe par des sites internet de shipping service car sinon il n’est pas envoyé chez nous… C’est un peu compliqué.
Et ça fait monter l’addition !
De suite ! (Rires)
Comment travailles-tu avec les personnes que tu vas coiffeur-maquiller, comment cela se déroule ?
Je commence toujours par demander à la personne ce qu’elle attend de moi. Évidemment je me renseigne toujours en amont pour me mettre en condition, pour savoir un peu ce qu’ils font, dans quels univers ils sont, mais après j’essaie de savoir s’ils ou elles veulent plutôt se placer dans un univers pop ou plutôt sombre, rajeunir ou vieillir, si ils ou elles sont des références en matière de look, etc. Le but est de vraiment faire ressortir leur caractère, ce qu’ils veulent exprimer.
Ensuite je me mets dans une ambiance musicale…
Ah la musique reste encore et toujours présente, finalement…
Exactement, elle ne me quitte jamais ! En fait je me conditionne et je rentre dans ma bulle. Après je ne parle plus ou alors peu, pour m’assurer que je ne fais pas mal, qu’il n’y a pas de soucis de peau par exemple.
Puisque l’on parle d’influences justement, en as-tu en maquillage et en coiffure ?
J’essaie surtout de ne pas tomber dans le cliché du coiffeur ou maquilleur japonisant…
C’est-à-dire ?
Qui correspond à beaucoup de jeunes qui veulent copier le visual kei, mais qui produisent des looks vraiment trop ciblés Japon, ce qui fait qu’ils en perdent leur personnalité mais aussi une envergure internationale. Les Japonais ne vont pas à la recherche de choses japonisantes lorsqu’ils sortent de leurs frontières…
Ils ont tout sur place de toute façon…
Voilà, donc dans ces cas là ils cherchent une originalité et des éléments européens, nord-américains… C’est pour ça que si je devais définir mes influences je dirais qu’elles vont de Kardashian à Dir-en-Grey. Donc si je maquille ou je coiffe quelqu’un ça me donne un spectre très large de possibilités et je peux vraiment le remodeler vers l’image qu’il ou elle souhaite…
… Et du concept à l’entreprise !
Après les influences, les références : pour la personne lambda il n’y a pas vraiment de référence en maquillage ou coiffure à part un Jacques Dessange qu’on a vu 100 fois à la télé… Mais il doit bien y en avoir, non ?
En tête j’ai forcément le coiffeur de The Gazette, Kaoru Asanuma de l’équipe Deep End (où l’on retrouve des maquilleurs, stylistes, photographes, etc. ) et j’admire assez le fait qu’il soit passé lui aussi par la petite porte pour entrer dans le monde de la musique. Mais depuis il a coiffé des grandes têtes comme X-Japan (mais aussi Plastic Tree, T.M. Revolution, NDLR).
Sur les salons, on voit régulièrement ces artistes être suivis de coiffeur ou maquilleurs attitrés…
Oui c’est aussi pour ça que je n’imagine pas forcément concentrer mon travail sur les artistes de Visuel Kei car en général ils ont déjà leur staff avec eux et même quand ce n’est pas le cas ils le font souvent eux-mêmes !
Et du coup, une question vient naturellement : est-ce que tu te vois ; vivre complètement de ce métier de coiffeur / styliste événementiel, qui a l’air assez précaire finalement…
Oui. Je monte actuellement ma propre entreprise, en auto-entrepreneur, qui sera officialisée d’ici octobre. L’idée est de m’inspirer de Deep End justement pour que, plus tard, je puisse monter une SARL, une compagnie qui regroupe des gens de talents et de confiance dans ce domaine.
Comment va s’appeler la société ?
Et bien il s’agit de DELTA Styling Company.
J’ai pris ce nom pour l’idée du triangle, comme il est caractérisé dans l’alphabet grec. Celui-ci même ayant des symboliques fortes et qui s’imposent parfaitement à la ligne de conduite que je me fixe pour ce groupe, à savoir : la détermination et la stabilité. Pour le Styling Company c’était la touche « obligatoire » pour signifier de quel type de société il s’agissait.
Tu t’adresserais à des cosplayeurs et cosplayeuses, à des groupes de musiques ?
Le but est d’avoir le maximum de possibilités, je peux toucher aussi bien un artiste que la personne qui veut faire une mise en beauté pour un événement comme un mariage, mais aussi une cosplayeuse, comme ce fut le cas hier d’ailleurs ! Je vais même jusqu’à coiffer des perruques de cosplay. (Rires)
Ah c’est original ça, je suppose que c’est assez différent ?
Oui forcément, ce n’est pas le même ciseau de taille ! Mais c’est surtout l’approche qui est différente : si une mèche ne nous plaît pas on l’enlève et on en colle une autre… Mais ça a aussi des inconvénients : c’est du plastique après tout et souvent, les premiers temps, on ruine quelques perruques ! (Rires)
Et de quoi s’agissait-il comme cosplay hier?
Alors c’est né d’un projet… Comme je dessine il m’arrive parfois de créer des personnages et c’est ce qui c’est passé : une fois le personnage créé et dessiné j’ai appelé cette cosplayeuse pour que l’on donne vie au personnage (photo ci-après, NLDR).
Un peu comme un travail de chara designer original en japanimation quelque part ?
Voilà. Et comme le résultat rendait bien, nous avons pris quelques photos puis et nous avons développé en quelques heures un scénario, succinct et rapide pour le moment, qui sera retravaillé et développé ultérieurement. Pour choisir le genre du héros par exemple, car mes personnages sont souvent très androgynes à leur naissance.
C’est amusant parce que l’on connaît plutôt le cosplay comme un art de l’interprétation d’un matériau original, plus que de la création…
Me cosplayant parfois moi-même je dois avouer que j’ai du mal à simplement copier quelque chose…
C’est amusant en fait, tu as un vrai besoin de création, c’est quelque chose d’assez viscéral finalement
C’est vrai, j’ai vraiment besoin de ça. Je dirais que chaque travail est une nouvelle page blanche pour moi.
On arrive sur la fin, un conseil pour ceux qui voudraient suivre un chemin similaire au tien ?
De surtout ne pas se buter sur le premier obstacle, c’est super dur mais les efforts payent toujours. Ensuite c’est de communiquer un maximum, d’étendre le plus possible son réseau : dans les milieux de la coiffure, du maquillage et de la mode tout marche par contact, tout tourne autour de ça. C’est le réseau avant tout.
Et puis de ne pas prendre la grosse tête ! (Rires) Ce n’est pas parce que l’on touche un asiatique ou une pseudo-star qu’on en devient une soi-même.
La question de la fin : le prochain travail ?
Paris Manga avec Japan FM, même si je serais plus en back stage forcément…
Mais on pensera à toi lorsque l’on verra les artistes qui viendront à leur micro du coup !
Exactement ! Et ensuite Fear, and Loathing in Las Vegas, encore avec Japan FM, à la mi-octobre.
Les rendez-vous sont pris… A bientôt alors Keith Paradox et bonne chance pour ton projet !
Retrouvez Keith Paradox sur Facebook , Tumblr et Twitter et suivez très prochainement le lancement officiel de Delta Styling !
Remerciements à Keith Paradox pour son temps et son enthousiasme !