[Cinéma] Retour sur les bonnes et mauvaises surprises de L’Étrange Festival
Pour sa vingt-et-unième édition, L’Étrange Festival a investi le Forum Des Images et a mis les petits plats dans les grands en proposant un nombre incalculable de films réunis en quatre catégories, un focus, trois cartes blanches, une séance de minuit, deux concerts d’anthologie, une soirée spéciale, une rétrospective courts-métrages et deux expositions. Une fois de plus, le cinéma japonais est particulièrement mis à l’honneur et nous ne sommes que peu surpris de retrouver Sion SONO, grand habitué du festival ; Sabu, qui avait brillé il y a déjà deux ans avec son Miss Zombie, ainsi que Takashi MIIKE et Hideo NAKATA, qui ne dépareillent pas au cœur de ce festival friand d’étrangetés…
Retour leur cinq long-métrages, pour le meilleur et pour le pire.
Chasuke’s Journey (Compétition)
Résumé : Chasuke n’a qu’une vie de subalterne au Paradis, où sa fonction se limite à servir du thé aux anges. L’un d’eux lui apprend que Yuki, une jeune fille dont il s’est épris en suivant ses aventures de là-haut, va succomber dans un accident de voiture. Il décide de redescendre sur Terre pour secourir Yuki.
Sabu, acteur / réalisateur spécialiste des personnages courant à en perdre haleine, revient à L’Étrange Festival après Miss Zombie. Alors que la bande-annonce de Chasuke’s Journey laissait craindre un produit calibré avec soupe Jpop en fond sonore, le film se révèle être une excellente surprise à l’esthétique soignée dont le scénario navigue entre concepts loufoques et personnages émouvants.
À partir d’un postulat de départ qui s’apparente à une mise en abîme du métier de scénariste qu’il égratigne au passage, Sabu encourage le spectateur à devenir maître de sa propre existence et à assumer la responsabilité de ses actions et de leurs conséquences sur autrui.
Comme toujours chez Sabu, la folie douce de l’histoire n’empêche pas l’émotion d’affleurer, principalement grâce à des personnages touchants auxquels on s’attache vite. C’est particulièrement le cas du personnage principal, Chasuke, interprété par Kenichi MATSUYAMA (qui retrouve Sabu après Usagi Drop) et de celui de Yusuke ISEYA (Casshern) qui a ici l’occasion de mettre à nouveau à profit les leçons de boxe d’Ashita No Joe.
Si l’histoire n’hésite pas à faire preuve d’une savoureuse absurdité (Chasuke qui, par un twist narratif, se met à se comporter comme un yakuza ; ou bien le parcours du personnage d’ISEYA), on peut cependant regretter que le réalisateur ne soit pas allé jusqu’au bout des possibilités d’un concept vertigineusement riche. De plus, le métrage patine un peu dans son dernier tiers et la conclusion peut sembler un chouïa attendue. On n’enlèvera cependant pas à Sabu son sens esthétique qui s’impose dès l’ouverture du film avec une très belle mise en image du paradis et se poursuit tout au long du film, qui irradie d’une très belle photographie pleine de lens flare à en faire rougir J.J. ABRAMS.
Au final, bien que légèrement frustrant, Chasuke’s Journey emporte l’adhésion du spectateur et confirme que Sabu, par son talent visuel et sa sensibilité, se situe bien au dessus du tout venant des yes men japonais.
Ghost Theatre (Compétition)
Avec Ghost Theatre, Hideo NAKATA revient sur le devant de la scène des festivals de cinéma et à son genre de prédilection – le cinéma d’horreur – avec ce remake de son premier film, élaboré comme un hommage au genre giallo.
Résumé : Après quelques déconvenues dans des productions de seconde zone, l’actrice débutante Sara accepte un rôle dans une pièce de théâtre mais, sur scène, sa partenaire affiche de l’antipathie à son égard. Plus inquiétant, des événements surnaturels se multiplient en coulisse…
Lors de la présentation du film effectuée par NAKATA lui-même avant la projection, ce dernier a livré quelques éléments qui peuvent aider à comprendre le ratage total qu’est Ghost Theatre. En effet, après avoir confessé qu’il n’avait jamais vraiment aimé les films d’horreur, NAKATA a rapporté une conversation avec feu Wes CRAVEN qui éclaire son parcours sous un nouveau jour : ce dernier avait averti NAKATA que c’était au delà de 2 films d’horreur qu’un réalisateur se retrouvait catalogué dans ce genre, qu’il le veuille ou non. Cela fait maintenant longtemps que NAKATA a dépassé le compte.
En effet, qu’il est loin le temps où Hideo NAKATA était le chef de file du nouveau cinéma d’horreur japonais. C’était en 1998 ; une jeune fille aux longs cheveux noirs terrorise le monde entier dans le film qui propulsa son réalisateur au rang de maître de l’horreur : Ring, film culte qui connaîtra par la suite remakes, suites et prequels, sans jamais égaler l’original. Depuis, Hideo NAKATA multiplie les longs-métrages entre le Japon et Hollywood, où il réalise les remakes de ses propres films. On lui doit notamment les purges cinématographiques que sont sa version de la légende de Kaidan en 2007, le troisième épisode de la saga live de Death Note : L, Change The World, en 2007 également, sans parler de la version américaine de The Ring Two en 2005.
Ghost Theatre est un film s’inscrivant parfaitement dans la continuité de la filmographie de NAKATA ; jamais intéressant, jamais excitant, jamais effrayant et provoquant davantage de gloussements que de frissons.
Le film suit la jeune, belle et innocente Sara (Haruka SHIMAZAKI), qui rêve de devenir actrice mais qui se heurte à la dureté du monde du spectacle. Dans Ghost Theatre, les gentils sont gentils et les méchants sont méchants. Aucune nuance n’est à chercher dans les personnages ; Sara restera jeune belle et innocente jusqu’à la fin du film, le méchant salaud – qui a de toute évidence lu Le Guide Du Méchant Au Cinéma Pour Les Nuls – restera un méchant salaud et la rivale peste restera une rivale peste. Le scénario est extrêmement linéaire et prévisible. Dès qu’une bonne idée pointe le bout de son nez, elle est immédiatement avortée, ne permettant ainsi pas au film de décoller.
L’ennui pèse profondément, et le casting ne parvient même pas à sauver les meubles. Haruka SHIMAZAKI joue extrêmement mal, en particulier la peur (idéal pour un film d’horreur), et n’est cinématographiquement présente à l’écran que lorsqu’elle demeure stoïque. Mais un joli minois ne suffit pas à sauver un film ; l’erreur principale du casting de Ghost Theatre est notamment d’avoir choisi une mauvaise actrice pour jouer le rôle de la mauvaise actrice et une autre mauvaise actrice pour jouer le rôle de la bonne actrice.
La réalisation du film est laide quand elle n’est pas quelconque. Pour un film d’horreur qui se veut un hommage au giallo, on s’attend à de jolis plans, de jolies lumières afin d’installer une ambiance pesante qui jouerait avec nos nerfs. Mais non ; rien n’est fait pour rendre le film stressant ou même simplement intéressant à regarder. Le point culminant de ce bras d’honneur cinématographique se trouve dans l’hommage / plagiat / parodie de L’Exorciste de William FRIEDKIN, qui achève de nous faire comprendre que ce film n’est rien d’autre qu’une mauvaise blague.
Depuis quelques années, les films de Hideo NAKATA étaient relégués à la décoration des étagères de cinéma direct to DVD, mais quelque chose de différent se trame avec la sélection de ce Ghost Theatre en festivals. La réponse est à trouver à la fin du générique, où la mention « Projet organisé par Yasushi AKIMOTO » apparaît. Yasushi AKIMOTO, ancien scénariste et producteur de films d’horreur au rabais (on lui doit notamment l’abominable Suicide Song (2007)), est aujourd’hui le producteur du groupe superstar AKB48. On n’est donc on-ne-peut-moins surpris de voir dans le premier rôle de ce nouveau film la jeune Haruka SHIMAZAKI, membre du groupe à succès. Ce n’est pas la première fois que Hideo NAKATA fait appel à une idol pour ses films, puisqu’il avait déjà offert le premier rôle du très mauvais The Complex (2013) à Atsuko MAEDA, issue du même groupe. Nul doute que le contrat a dû être juteux. Tout ce business est d’autant plus cocasse que le film se veut critique vis-à-vis du star-system et des usines à talents qui inondent le marché du divertissement japonais.
Love & Peace (Mondovision)
En 2015, Sion SONO est devenu l’un des réalisateurs contemporains les plus populaires du Japon, si ce n’est le plus populaire. Avec pas moins de quatre films à l’affiche, un téléfilm, un film direct-to-DVD et presque autant de projets en développement, son nom est partout et sur toutes les lèvres. Au milieu de plusieurs films de commande, SONO signe avec Love & Peace un de ses films les plus personnels, véritable introspection de la part d’un cinéaste passé des tournages guérillas au sommet du box-office.
Résumé : Enfant, le timide Ryoichi rêvait de devenir chanteur punk. Aujourd’hui, il est vendeur anonyme dans une multinationale et n’arrive pas à avouer sa flamme à la belle Yuko. Sa vie bascule lorsqu’il trouve une tortue abandonnée qu’il décide d’adopter.
Love & Peace nous invite à suivre les aventures grandiloquentes de Ryoichi, éternel perdant au quotidien morose, humilié par ses collègues, risée du monde entier, et rock-star dans l’âme. Alors qu’il se lie d’amitié avec une tortue qu’il a décidé d’adopter, il est rapidement contraint de l’abandonner. Du plus profond de son désespoir, Ryoichi trouvera la force de réaliser ses rêves de grandeur, avec l’espoir de retrouver sa chère tortue, qui, de son côté, va mystérieusement faire de même…
Sion SONO surfe ces dernières années sur une belle vague de popularité, multipliant les projets personnels comme les films de studio. Certains seraient même tentés de voir en lui un héritier de Takashi MIIKE, autre réalisateur stakhanoviste ayant connu les lauriers de la scène japonaise tant qu’internationale, chouchou des studios et dont le cinéma n’hésite pas à verser dans la violence et le grand-guignol. Cependant, en présentant deux films diamétralement opposés de SONO et un opus de MIIKE tendance « grand n’importe-quoi », L’Étrange Festival remet les pendules à l’heure et permet de calmer les craintes quand au potentiel virage mainstream de Sion SONO.
À l’instar de son réalisateur devenu trop grand trop vite, Love & Peace nous raconte l’histoire de ce loser devenu rock-star et de cette tortue devenue kaijū. À travers ce film, Sion SONO fait le point sur sa carrière et barde le film d’auto-références : thèmes de Strange Circus et de Noriko’s Dinner Table, costumes tirés de The Land Of Hope (2012), le groupe Revolution Q qui n’est autre que le projet musical de Sion SONO, etc.
Ensuite, le réalisateur en profite aussi pour régler ses comptes : Love & Peace, sous ses airs de comédie familiale, ne fait pas dans la dentelle. Après une ouverture caustique critiquant ouvertement l’aveuglement du peuple japonais vis-à-vis du gouvernement, des Jeux Olympiques de 2020 et de l’Histoire de l’archipel, Sion SONO n’hésite pas à nommer cette tortue géante, idole populaire aimée de tous, Pikadon (surnom donné à la bombe atomique).
Alors qu’il s’était, dans ses films, illustré comme un fervent défenseur de la jeunesse, Sion SONO l’accable aujourd’hui avec des phrases chocs et acides ; « je ne sais pas qui a bombardé le Japon en 1945 ; mais sûrement pas les États-Unis, ce sont nos amis.« . Sous la comédie, le second niveau de lecture du film en fait un véritable pacifiste et anti-nucléaire.
Un jusqu’au-boutisme qui ne peut que forcer le respect et une constance impressionnante. À ce titre, la comparaison avec Yakuza Apocalypse de Takashi MIIKE, autre film au concept complètement barré, permet rapidement de se rendre compte que Sion SONO est d’un tout autre calibre et que la folie qui se dégage de ses films n’empêche ni la maîtrise formelle ni le sérieux scénaristique.
Love & Peace est servi par un casting de qualité composé d’habitués des films de Sion SONO. On retrouve ainsi dans le rôle principal Hiroki HASEGAWA, déjà vu dans Why Don’t You Play In Hell?, qui illumine le film d’une incroyable performance, faisant de Ryoichi un personnage aux facettes multiples. Absolument fantastique tout au long du film, il parvient, par son simple jeu corporel à faire opérer à son personnage une incroyable transformation physique, passant de geek introverti ressemblant à s’y méprendre à une tortue, à une rock star charismatique et classieux en diable.
On peut également noter les présences de Makita Sports (Minna Esper Dayo, The Virgin Psychics) Tōru TEZUKA (Himizu), Eita OKUNO (Tokyo Tribe), Kumiko ASŌ (0cm⁴) ou encore Motoki FUKAMI, qui a participé à plusieurs films de SONO depuis Hazard (2005).
Enfin, il convient de noter les cameos d’Erina MANO, actrice récurrente des films de Sion SONO depuis sa participation à Minna Esper Dayo (2013) et surtout de Megumi KAGURAZAKA, muse de SONO depuis Guilty Of Romance (2011) et épouse du réalisateur, filmée dans un touchant rôle de mère.
Avec son exercice de style en grand écart, entre comédie familiale et film de kaijū, et son double niveau de lecture, Love & Peace s’inscrit dans la filmographie de Sion SONO comme son long-métrage le plus fouillé et en fait un film qui parvient à concilier l’exigence d’un cinéma d’auteur et la légèreté d’un film grand public, pour tous les âges.
Yakuza Apocalypse (Compétition)
Résumé : Kageyama est un yakuza, le plus fidèle membre de son clan. Mais les autres yakuzas se moquent de lui : sa peau est trop sensible pour être tatouée. À la mort de son chef, Kageyama découvre que celui-ci est un vampire. Avant de mourir, son chef parvient à le mordre. À son réveil, Kageyama va se servir de ses nouveaux pouvoirs pour venger la mort de son chef.
Takashi MIIKE, le mercenaire du cinéma japonais, nous propose avec Yakuza Apocalypse son deuxième film de 2015 après Kaze Ni Tatsu Lion, sorti en mars au Japon. Avec un minimum de deux films par an, Takashi MIIKE est effectivement un des réalisateurs les plus prolifiques du cinéma japonais : chaque année, c’est deux ou trois nouveaux films de MIIKE que nous pouvons découvrir dans les festivals internationaux ou dans les rayons de V-Cinema, pour le meilleur ou pour le pire. Avec Yakuza Apocalypse, on a affaire au pire.
On le sait déjà depuis quelques années, mais malheureusement, MIIKE n’a plus rien à dire. Le réalisateur controversé de Dead Or Alive (1999), Visitor Q (2001) et Ichi The Killer (2001) est devenu un forcené fou furieux constamment dans l’excès et se cantonne désormais à des comédies bouffonnes réalisées à la pelle (The Mole Song : Undercover Agent Reiji (2013), God’s Puzzle (2008)), de drames foirés et foireux (Over Your Dead Body (2014)) et de faux brûlots de violence frôlant l’autoparodie (Lesson Of The Evil (2012)).
Avec Yakuza Apocalypse, MIIKE complète sa collection de comédies poussives et bas-de-plafond, et se permet – au nom du film de genre – toutes les excentricités. Là où Sion SONO parvient à offrir du pur divertissement en restant suffisamment inventif pour faire du bon cinéma, Takashi MIIKE se contente d’insulter l’intelligence des spectateurs avec ce qui se fait de plus bas en matière d’humour. Le film n’est jamais drôle, jamais prenant, jamais crédible (tout autant qu’un film de yakuzas vampires puisse l’être) et surtout jamais intéressant.
Les effets spéciaux sont particulièrement laids (même si certaines scènes jouent volontairement la carte du cinéma fauché avec un comédien en costume écrasant des figurines), la réalisation est bâclée et les scènes de combat sont incroyablement molles, malgré la présence au casting de l’acteur et maître en arts martiaux Yayan Ruhian, découvert dans The Raid : Redemption de Gareth EVANS, ici en bien petite forme et qui n’est pas aidé par la réalisation affligeante de MIIKE.
Tag (Compétition)
Pour la troisième année consécutive à l’occasion de cette vingt-et-unième édition de L’Étrange Festival, Sion SONO est de retour dans la compétition officielle avec Tag, adaptation très personnelle du roman Real Onigokko de Yusuke YAMADA, qui a déjà connu cinq adaptations plus ou moins médiocres au cinéma ou à la télévision. À l’instar de Tokyo Tribe l’an passé, Sion SONO n’hésite pas à transformer ce film de commande basé sur un scénario préétabli en une œuvre intime et profonde dont lui seul a le secret.
Résumé : Unique rescapée d’une attaque surnaturelle qui a décimé tout son car scolaire, Mitsuko, une lycéenne qui a la faculté de voir les morts prochaines, va tenter de sauver ses camarades d’école d’un assaut de fantômes maléfiques.
Sur le papier, le projet Tag laissait craindre le film de commande type, énième adaptation de manga/jeu vidéo/drama (rayer la mention inutile), fade écrin visant à mettre en valeur une starlette tout droit sortie d’un groupe d’idol. On redoutait la récupération mainstream d’un Sion SONO en pleine hype, perdant sa passion et sa radicalité.
À l’arrivée, ces craintes se retrouvent totalement balayées. Bien au contraire, SONO parvient à s’approprier les tares inhérentes au projet et à les inclure consciemment dans le sujet du film, tordant son matériaux de base contre lui-même dans un geste radical (qui rappelle dans une moindre mesure Hitoshi MATSUMOTO et son R100). Il fait ainsi de Tag un film féministe d’une efficacité redoutable, tendu droit vers son but comme une corde d’arc prête à décocher sa flèche.
Après une ouverture choc, digne héritière de celle de Suicide Club, on s’attend à un film hystérique et à couper le souffle. SONO nous plonge dans le vif du sujet avec une décharge de gore qui vous réveille tel un saut d’eau glacée envoyé droit dans la gueule du spectateur. Mais, finalement, le film sait aussi être très doux, voire contemplatif, même dans les scènes les plus rythmées. Avec un scénario minimaliste et des ambiances oniriques et surréalistes, le film est emmené par une réalisation ample, audacieuse et aérienne. Tag offre au spectateur plusieurs scènes d’anthologie à la photographie épurée et cotonneuse, superbement soutenue par la présence du groupe de post-rock Mono, qui officie à la musique. Ainsi, une scène, aussi insignifiante soit-elle, se mue en une œuvre d’art sublime et tragique. Une fois de plus, SONO sublime la jeunesse ; une course à travers champs pour sécher les cours devient un hymne à la liberté et quatre lycéennes jouant avec un oreiller au bord d’un lac résonne comme un cri d’amour à l’innocence et à la vie.
Innocentes et pleines de vie, Reina TRIENDL, Mariko SHINODA et Erina MANO sont également sublimées dans ce long-métrage où elles demeurent, muses au regard triste face à l’absurdité de la vie. Les rôles secondaires portés par Ami TOMITE et Yuki SAKURAI ne dépareillent pas, fières et fortes victimes éternelles de l’univers tragique et injuste de Tag.
Conduit par une unité de temps, le film prend alors l’aspect d’une course sans fin où l’on se surprend à encourager le personnage principal à faire ses propres choix et à se dégager du joug de la société… Mais le un rêve se mue en un cauchemar qui se répète inlassablement, perturbé par des éléments surréalistes dont seuls les mauvais rêves ont le secret. Et sous le vernis grotesque de ces événements improbables, on retrouve un malaise et une invisible terreur cauchemardesque des plus tenaces.
Dans Tag, Sion SONO use d’éléments qui font la gloire de son cinéma depuis plusieurs années, de Love Exposure (2008) à The Virgin Psychics (2015) en passant par Tokyo Tribe (2014). On retrouve ainsi des lycéennes maltraitées et du panchira à foison ; mais à la lumière du message du film, Sion SONO donne une nouvelle portée à ces éléments rigolards et déconstruit totalement son univers, emportant une grande partie du monde du divertissement japonais avec lui. Avec son monde des femmes et son casting essentiellement féminin, l’ambiance mystérieuse de Tag intrigue, et le dénouement de la situation interpelle directement le spectateur, et a fortiori le public masculin venu voir des jolies lycéennes se faire démembrer, comme il est de mise dans le cinéma de Sion SONO.
Le film monte crescendo, oscillant entre douceur onirique et poursuites cauchemardesques, jusqu’à un final injustement bâclé visant à appuyer le propos. Cette explication forcée et expédiée du message porté par le film est le seul point noir empêchant ce dernier de se hisser au rang de chef d’œuvre du cinéma : laissant le sentiment que l’on vient de visionner un épisode de La Quatrième Dimension. On en sort hagard et perplexe, juste le temps pour l’onde de choc de remonter à notre cerveau et de réaliser ce à quoi on vient réellement d’assister. Le film restera cependant un monument de la filmographie de Sion SONO et du cinéma de par les scènes saisissantes qu’il offre, submergeant le spectateur d’une émotion immense, incontrôlable et inexplicable.
Un film donc diamétralement opposé à Love & Peace, mais qui dévoile une autre facette du talent de Sion SONO, un réalisateur qui ne cesse d’enthousiasmer de plus en plus le cinéphile en recherche de films radicaux et qui, petit à petit, se construit une des œuvres les plus impressionnantes de la scène japonaise.
On retiendra de cet Étrange Festival une sélection éclectique où le meilleur peut, donc, côtoyer le pire ; le chef-d’œuvre Tag se retrouvant en compétition face aux navrants navets que sont Yakuza Apocalypse et Ghost Theatre. Après dix jours intensifs d’étrangetés cinématographiques, le palmarès de cette vingt-et-unième édition de L’Étrange Festival a été révélé. Le Prix Nouveau Genre attribué par Canal+ Cinéma a été décerné au film La Peau De Bax d’Alex VAN WARMERDAM, grincante comédie noire venue des Pays-Bas.
Le Prix du public, quant à lui, a été attribué à Moonwalkers d’Antoine BARDOU-JACQUET, comédie simple, dispensable et déjà oubliée portée par Ron PERLMAN. Un prix légèrement décevant compte tenu de la qualité de certains films présentés en compétition.
D’ailleurs, à la vue de ce palmarès, nous préférons laisser le mot de la fin à Sion SONO et à Ami TOMITE, visiblement tout aussi déçus que nous que Tag n’ait pas reçu le Prix du public.
Remerciements à toute l’équipe de L’Étrange Festival et du Forum des Images, avec mention spéciale à Xavier FAYET.
3 réponses
[…] la découverte de Love & Peace et de Tag lors de L’Étrange Festival, Journal du Japon se penche aujourd’hui sur The Virgin Psychics, quatrième film de Sion SONO […]
[…] commerciaux de fort bon aloi (le premier Crows Zero notamment). Déjà, l’année dernière, nous vous parlions de la purge Yakuza Apocalypse. C’est maintenant à l’adaptation de Terra Formars de faire la tournée des […]
[…] était présent. Même si l’on sait qu’on risque fortement de souffrir – Yakuza Apocalypse et Terraformars, les MIIKE des 2 précédentes éditions, étaient de véritables purges […]