[Eurockéennes 2015] The Bawdies : from school to rock’n roule !
The Bawdies… Voici un nom qui commence à faire son chemin. Un son et une énergie aussi, qui ont laissé leur empreinte partout où ils passent. Début juillet, c’est au festival des Eurockéennes de Belfort puis à la Boule Noire à Paris que les quatre jeunes hommes ont déployé leur mélange survitaminé de rock n’ roll et de rhythm & blues. Deux premières dates qui ont emballé tous les spectateurs présents et élargi le public du groupe au delà du cercle des simples connaisseurs de J-music. Mais le chemin est encore long avant que toutes les scènes et les publics d’Europe demandent à corps et à cri leur retour. Donc, avant tout, laissez-nous vous les présenter…
Rencontre.
Tokyo : 4 lycéens entre basket et musique
Yoshihiko « Jim » Kimura (guitare, voix, à gauche sur la photo), Masahiko « Marcy » Yamaguchi (batterie, voix à droite) et Ryo « Roy » Watanabe (basse, chanteur & leader, 2e en partant de la gauche) se connaissent depuis l’école primaire et cela fait 12 ans qu’ils se suivent, tandis Taku « Taxman » Funayama (guitare, chant, 3e en partant de la gauche) se lie d’amitié avec eux lors de l’adolescence, partageant là aussi de grands moments avec la troupe. « Comme des frères » dirait Roy. A l’époque ce n’est pas encore la soul, le rock ou le rhythm & blues qui les unit… mais le basket-ball. Nous sommes à la fin des années 90 et, au Japon comme en France, ce sport est porté par un manga qui fait l’unanimité dans nos deux pays : Slam Dunk de Takehiko Inoue.
Quand nous évoquons le titre en interview, un peu par hasard, les yeux des quatre compères s’illuminent. A cette époque, ce sport compte plus que la musique pour ces jeunes gens, même s’ils écoutent des groupes comme Green Day ou le groupe nippon Hi-Standard. Pendant que d’autres lycéens commencent à former leur groupe, ils sont passionnés par le ballon orange. Jim confirme l’importance de Slam Dunk : « C’est vraiment au cœur de notre génération en fait ! C’est avec ce manga que nous avons commencé le basket. » Puis c’est Roy qui nous révèle le scoop : « En fait c’est notre lycée (le Musashino Junior High School, NDLR) qui a servi de modèle pour cette série ! »
Difficile alors, de ne pas se mettre dans la peau des personnages : Roy, sous les rires de l’assistance avoue qu’il voulait devenir le beau, mystérieux et populaire Rukawa (numéro 11 en rouge, 3e rangée sur l’image). Taxman nous explique que « comme notre équipe était assez petite, j’étais le plus grand donc en position de centre, comme Akagi », le célèbre et imposant gorille (numéro 4 en rouge, à droite) … un contre-emploi pour le frêle guitariste qui fait, là aussi, rire tout le monde. Pendant ce temps Jim avoue qu’il admirait Sendo (en bleu au centre, derrière Rukawa), alias l’autre beau gosse et adversaire de génie du héros. Marcy hésite, comme souvent. L’homme que Roy présentera en concert comme « le batteur le plus timide du Japon ! » aurait bien voulu devenir la star Rukawa mais voulant être humble, il se dit que Kogure – l’homme raisonnable et discret par excellence qui n’est d’ailleurs pas sur l’image ci-dessus – lui va mieux. Encore que : «… je prends cette place, mais il n’était pas un peu trop important ? » Ses camarades rigolent devant cette nouvelle marque de timidité. Nous le rassurons tous : oui cher Marcy, tu as le droit d’être Kogure.
La naissance de The Bawdies : leur sakoku jidai
Ce terme fait référence à la période d’isolement du Japon, entre le 17e et 19e siècle. Celle de The Bawdies va durer un peu moins longtemps tout de même… trois années pour être précis. Nous sommes en 2004 et les jeunes garçons sont désormais des universitaires, qui ont quitté les parquets du basket. Ils sont maintenant passionnés de musique, mais pas n’importe laquelle. Un peu par hasard, Roy et Jim ont découvert The Sonics, un groupe américain des années 60, et c’est le coup de foudre pour ce groupe, mais aussi pour toute la musique de cette époque. Le quatuor tombe vite accro et veut répandre la bonne parole sur l’immense puissance que dégage cette musique, pourtant méconnue au Japon. Difficile cependant, quand plus aucun des groupes de l’époque ne montent sur scène ou presque, un demi-siècle plus tard. Mais qu’à cela ne tienne : cherchant depuis quelques temps une façon de dépenser leur trop plein d’énergie depuis l’arrêt du basket, une idée germe : Et s’ils formaient leur propre groupe pour faire découvrir aux gens cet univers musical, à travers eux ? Nous sommes en 2004 et voilà, The Bawdies est né.
Mais on ne s’improvise par musicien rock’n roll comme ça, comme nous l’explique Roy : « The Sonics est notre première influence, nous voulions devenir comme eux, mais évidemment ça n’arrive pas du jour au lendemain. Nous nous sommes rendus compte à cette époque qu’il fallait écouter beaucoup plus d’artistes qui les ont influencés et en retirer le maximum. Nous nous sommes donc un peu fermés de l’extérieur et aux nouveautés, une période qu’on a appelé « Sakoku », et nous avons essayé de vivre un peu comme dans les années 60. Nous n’écoutions rien de ce qui sortait, nous ne lisions pas et nous ne regardions pas la télévision. »
Chacun va donc se familiariser avec le genre, se trouver une identité et un style… La voix rauque de Roy – très surprenante pour un chanteur japonais, qu’on croirait issu d’un métissage familial – se construit à cette époque : « Effectivement je l’ai beaucoup travaillée, mais j’avoue ne pas savoir si j’avais quelque chose de spécial dès le départ. Si vous voulez, au Japon, nous avons une grande culture du karaoké. Moi, ça ne m’intéresse pas, mais quand on chante au karaoké, on essaie d’imiter l’artiste que l’on aime. Pour moi chanter, c’était imiter Ray Charles ou Otis Redding. Donc aux travers de ces trois ans de travail, j’ai un peu construit mon style via ces imitations. Au final, ce n’était pas un travail difficile, mais je dirais plutôt que mon admiration pour le travail de ces artistes m’a porté jusque là. »
Nous nous tournons à nouveau vers notre cher Marcy, le batteur donc. Mais pas forcément un batteur né. En effet, alors que Jim avait opté pour la guitare dès le début, idem pour Taxman et que Roy voulait chanter et s’orienter vers la basse, Marcy n’avait plus trop le choix : « Une fois que j’ai décidé de faire ça, je n’avais plus le choix, il fallait se forcer. Quand on m’a proposé d’intégrer le groupe, il n’y avait que cette position de libre, donc c’était un choix à faire « Est-ce que tu veux devenir batteur, ou est-ce que tu veux être un peu écarté de notre amitié ? ». Une fois la décision prise, le début était difficile car je ne savais pas jouer… ça ne m’excitait pas vraiment. Mais pendant ces 2-3 ans en autarcie, j’ai vraiment beaucoup appris ! Je me suis beaucoup renseigné sur l’époque, j’ai regardé plein de DVDs pour comprendre le jeu des batteurs de cette période. A travers cette expérience, j’ai en quelque sorte purifié mon style. […] Le batteur avec lequel j’ai appris le plus de choses est évidemment Ringo Starr. Sa façon de monter son kit, de tenir les baguettes, son jeu… il représente mes débuts à la batterie. Mon objectif n’était pas de le copier évidemment, mais c’est lui qui m’a tout appris. »
Comme il l’avouera d’ailleurs à nos confrères de Zoom Japon : « Être batteur me permet de contribuer à la construction de notre musique sans avoir à se mettre trop en avant. C’est le rôle que je laisse volontiers aux trois autres membres.»
Chacun travaille donc dur… Mais dans quel but et surtout pour quel style ? Roy nous éclaire : « Notre style musical, c’est essayer de faire sonner la musique d’aujourd’hui à travers ce style là, celui des années 50-60 aux États-Unis. En fait, nous n’essayons pas forcément de transmettre à notre génération uniquement ce son rétro, parce que nous sommes aussi des jeunes hommes qui vivent en 2015, que nous ressentons plein de choses. Certes, nous sommes influencés par la musique américaine et anglaise… Mais nous sommes avant tout Japonais, et avant de rencontrer ces musiques-là, nous avons vécu au rythme japonais avec de la musique japonaise. Donc notre originalité réside sans doute dans ce mélange. »
Une recette qui fonctionne ? Onze ans de carrière plus tard, il semble bien…
La consécration : du Budokan aux Eurockéennes
La « vraie » carrière du groupe démarre réellement en 2006, avec son premier album : YESTERDAY AND TODAY et sa première tournée. L’attrait pour les sonorités étrangères ne tarde pas à entraîner The Bawdies en dehors des frontières nippones : en 2007 ils entament leur première tournée en Australie et renouvellent l’expérience en novembre 2008. En 2009, le succès est tel que les 7 représentations live se sont vendues le jour même !
À ce jour, le groupe a sorti 8 albums sous le label japonais SEEZ RECORDS puis en major sous Getting Better, un label de Victor Entertainment ; le dernier opus BOYS! remonte à 2013 (discographie complète ici). Un succès qui a su grandir d’année en année pour emmener The Bawdies jusqu’à faire salle comble au mythique Nippon Budokan en novembre 2011, et le groupe a depuis signé plusieurs featurings comme avec AI, pour Love You Need You ou lors d’une tournée avec leurs idoles, The Sonics.
Quatre ans plus tard, c’est donc aux Eurockéennes qu’ils ont pu poser un premier pied en Europe. Deux jours après cette rencontre avec le public français, nous leur demandons donc leur ressenti, et c’est Roy qui nous répond : « Ce qu’on a ressenti en Australie ressemble un peu à notre contact avec le public français, mais par rapport au Japon… les Japonais aiment bien suivre les règles, on n’aime pas trop faire de choses différentes par rapport aux autres, donc on se suit et ça devient une sorte de chorégraphie. En France, ce qu’on a observé c’est que chacun fait son truc, chacun s’amuse comme il veut, c’est très libre mais en même temps très chaleureux parce qu’on sent de la spontanéité et ça c’est vraiment rock n’ roll ! Je ressens une sorte de compréhension implicite de cette musique. »
Plus qu’implicite même, car nous croiserons des spectateurs après le concert des Eurocks, complets néophytes du groupe, mais quand même follement enthousiastes : « C’était vraiment énorme ce live ! » ou « les Japonais, ce sont vraiment les meilleurs groupes du monde ! ».
The Bawdies a donc réussi son premier pas en France, mais qu’en fut-il du second, pour le concert parisien de la Boule Noire ? Nous y étions là aussi, donc en route pour le live report !
The Bawdies on stage : une énergie de folie !
Avec une décennie de carrière au compteur, The Bawdies connaissent maintenant bien la scène. Ceux qui les suivent depuis longtemps ont, même de France, eux un avant-gout de leurs prestations grâce aux différents clips et lives qui se baladent sur la toile pour chacune de leur tournée… Et en France comme au mythique Nippon Budokan, lorsque les 4 garçons déboulent sur scène, ça envoie…
Si, en interview, c’est bien Roy qui a drivé les réponses – dans son rôle de chanteur et leader – le quatuor prend tout son sens sur les planches de la Boule Noire, et c’est Jim qui explose métaphoriquement son costume propret avec un sourire bigger than life, cherchant du regard à entraîner la foule avec lui. Ce qu’il fait sans aucun mal d’ailleurs, tant son énergie est communicative. Qu’il s’agisse de la foule des Eurockéennes ou de celle, intimiste et clairsemée, de la Boule Noire, c’est la même énergie qui passe de la scène vers les spectateurs, la même bonne humeur communicative : des Japonais sont en train de nous faire revivre un moment d’histoire du rock’n roll. Pour peu, on se croirait face à un Marty Mac Fly pour un Retour vers le Futur Passé, pour replonger dans le rock américain et endiablé des années 60, qui s’avère toujours aussi efficace.
De sa voix grave et chaude, Roy enchaîne donc les morceaux les plus populaires du groupe, récents comme anciens : No Way, Rock Me Baby, Just Be Cool ou encore Hot Dog… peu importe qu’ils soient méconnus de quasiment tout l’assistance car l’anglais sans bavure fait passer le courant et se propage progressivement dans la salle. La chaleur monte au propre comme au figuré et malgré un départ sur les chapeaux de roues, le groupe ne faiblit pas d’un iota. Le costard-chemise-cravate so british de rigueur a beau être inondé de sueur au bout de trente minutes, les musiciens n’en ont cure… De toute façon ils sont trempés à chaque fois :
En plus de jouer ses morceaux à la perfection, le groupe s’amuse. Soit par des petits MC dans la langue de Jim Morrison et des Beatles où ils nous exhortent à mettre le feu, soit en s’écartant de ses partitions pour jouer avec le public. Dans ces moments là, l’amuseur de service Jim, encore, ne ratera pas une occasion de jouer avec son instrument. Pendant ce temps Taxman, plus discret, se donne lui aussi à fond :
Il faut dire que, après 4 jours de Japan Expo, nous avions oublié ce qu’était une balance sans fausse note… Pour ce concert à la Boule Noire nous sommes ravis de profiter d’un travail de pro. Nous ne sommes que quelques dizaines ce soir, dommage car le groupe méritait bien plus, mais nous ressortirons de ce concert avec l’impression d’être des privilégiés. Nous avons vu The Bawdies en concert… and it was a damned rock’n roll show babe !
Les photos de leurs deux concerts vous attendent également dans notre album : aux Eurockéennes de Belfort et à la Boule Noire à Paris !
Pour suivre l’actualité du groupe, direction Facebook, Twitter, leur compte You Tube et leur site, bien sûr ! Retrouvez également une interview très intéressante du groupe dans le numéro de juillet de nos confrères Zoom Japon.
Remerciements à The Bawdies pour leur temps et leur accueil ainsi qu’à Yoko et B7 Klan pour la mise en place de l’interview !
Propos recueillis par Paul OZOUF et Laure GHILARDUCCI. Photos Lōlu Photography © journaldujapon.com – Tous droits réservés
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