[Interview] Yûsuke KOZAKI et le chara-design : créer et regarder vivre
Aussi bien connu en tant que mangaka pour Kyoko Karasuma qu’en tant que character designer tous supports, Yûsuke KOZAKI était de passage en France le mois dernier, à l’occasion de Japan Expo. Journal du Japon en a profité pour en apprendre plus sur son approche du chara-design ainsi que sur son travail sur la licence Fire Emblem. Retour sur un entretien avec un passionné touche-à-tout.
Créer un personnage et regarder la vie s’insinuer
Cela va faire dix ans que Yûsuke KOZAKI officie en tant que character designer, notamment dans le domaine du jeu vidéo. Son approche est à la fois rigoureuse et personnelle : « Généralement, quand on me demande de créer un personnage, on me donne rapidement son style et son caractère. Donc je le dessine en fonction, et j’ajuste l’histoire du personnage avec son caractère, en ajoutant des détails comme bon me semble, tout en restant en accord avec les exigences. Cependant, Je ne m’occupe que de la création du personnage, jamais de l’animation ni du setup ».
Il a également participé à quelques animes et est aussi l’auteur de plusieurs manga, dont l’excellent Kyoko Karasuma ou Tokyo Karasu, sa dernière œuvre en date : « J’aime autant les trois. Qu’importe le type de média, j’aime surtout créer des personnages, qu’on leur mette une voix, qu’on les fasse vivre ». Ce qui ne l’empêche pas de donner vie à son tour aux personnages de son choix, en participant à des Dôjinshi, ces fanzines amateurs, parfois semi-pro. Ce mode de publication a tellement de succès au Japon qu’une convention monumentale a lieu deux fois par an au Tokyo Big Sight, le Comic Market (ou Comiket). KOZAKI explique que « C’est une occasion de rencontrer des fans (ce qui n’est pas possible quand je travaille pour un éditeur), et ça me permet de publier des choses que je ne pourrais pas publier habituellement. En dehors du Comiket, il y a aussi les événements organisés lorsqu’un nouveau jeu sort, mais c’est surtout Twitter qui me permet d’être en contact avec mes fans. »
Exemple de création, dans l’univers du jeu vidéo sur la franchise Tekken 7 avec Lucky Chloé : « Pour ce elle, on m’a demandé d’intégrer au maximum de culture otaku. J’ai donc proposé une femme avec des oreilles et des pattes de chats, un casque de musique, et qui se bat en faisant de la capoeira. L’accueil a été plutôt froid en Amérique, d’ailleurs. On m’a commandé une otaku, je l’ai fait, mais pas en pensant à ce qu’aimeraient les américains. Cependant, il se trouve qu’elle est assez forte dans le jeu, alors je me dis qu’ils n’apprécient peut-être pas qu’un personnage représentant cette facette de la culture japonaise soit aussi fort. »
KOZAKI a enfin été à l’affiche d’Under The Dog, un anime financé par Crowdfunding, méthode qui semble de plus en plus répandue dans le milieu. Il s’agit en fait d’un scénario original écrit en 1997 par Jiro ISHII, le producteur de Canaan. Il y est question d’une force d’intervention développée par les nations unies pour faire face à un groupe de terroristes responsables d’attentats, durant les Jeux Olympiques de Tokyo de 2020. Dans ce cas précis, Under The Dog se démarque du reste de son parcours de par sa participation en tant que character designer ET mecha designer, ce qui contraste particulièrement avec sa prestation pour Fire Emblem, où sa mission se limitait à dessiner les protagonistes sans pour autant en créer les armures.
Marqué au fer rouge de l’emblème écarlate
Fire Emblem est une saga RPG tactique en tour-par-tour se déroulant dans un univers médiéval-fantastique. C’est la licence phare du studio de développement Intelligent Systems, dont le dernier jeu en date, Fire Emblem Fates, est le quatorzième opus. Dans sa carrière, cette licence occupe du jour au lendemain une place prépondérante dans la carrière de KOZAKI lorsqu’il devient le character designer officiel du treizième volet, Fire Emblem Awakening, en 2012. Il a également participé au dernier volet en date, Fire Emblem Fates. « Face à la multitude de personnages qu’on m’a demandé de créer, j’ai été très surpris ! Ça m’a littéralement coupé le souffle ! (rires) J’ai aussi du créer beaucoup de nouvelles classes de personnages pour cet opus, auxquelles j’ai décidé de donner une touche de tradition japonaise, qui me tient particulièrement à cœur. Cependant, ce n’est pas parce que j’ai travaillé sur ce jeu que je ne peux plus l’apprécier, c’est même plutôt le contraire ; Je peux vraiment m’investir dans les personnages que j’ai créés moi-même. En plus, le gameplay est vraiment sympa et facile à prendre en main, ça me plaît beaucoup ! »
Mais peut-on encore être surpris quand on a dessiné l’ensemble des personnages d’un jeu ? KOZAKI explique qu’il lui arrive souvent « de retrouver les éléments que j’avais prévu au départ, et pas seulement sur Fire Emblem, d’ailleurs. Mais je m’émerveille aussi parfois en voyant évoluer les personnages que j’ai créé, ou découvrant de nouveaux éléments de scénario et en découvrant l’impact que cela a sur leur personnalité. »
En tout cas, l’aventure n’est pas prête de s’arrêter pour Yûsuke KOZAKI, puisqu’il ne se cache pas d’avoir encore de nombreux projets en vue : « Je travaille notamment encore sur Tokyo Karasu, dont un gros volume est prévu pour l’automne prochain ». Cette série pour le moins fantastique, qui gravite autour d’un club spécialisé dans les légendes urbaines, n’est pour le moment pas disponible en France, mais dans un avenir proche, qui sait ?!
Remerciements à Yûsuke Kozaki pour sa patience et sa gentillesse, ainsi qu’à son interprète
1 réponse
[…] : les Extends sont assez typés comics, même s’ils évoquent parfois le style hybride de Yusuke KOZAKI (Kyoko Karasuma), tandis que les non-modifiés arborent un design plus proche des mangas, surtout […]