Mascottes : quelle place dans la culture Otaku ?
Qu’est-ce qu’une mascotte ? Si on tient compte de la définition la plus commune, il s’agit d’un être (le plus souvent animal) qui sert de symbole, mais aussi d’une représentation imagée de ce que l’on veut transmettre. Journal du Japon vous propose de chercher leur origine au sein de la culture otaku, mais aussi sur leur utilisation dans nos œuvres favorites, tout en se penchant sur la tendance de fond qu’elles ont fini par devenir.
Une naissance tardive
Il est assez difficile de déterminer quelle a été la première « vraie » mascotte au sein de la culture otaku. On peut cependant en trouver une première esquisse, à la période de Nara (8e siècle) sur des pamphlets appelés « emakimono ». Utilisant un système de narration horizontale, ils étaient souvent utilisés pour caricaturer les gens de la cours en animaux : on appelait cela le Chôjû-jinbutsu-giga, qui signifie littéralement « caricature de personnages de la faune ».
L’absence de texte est bien entendu due à la censure, très sévère à l’époque… C’est ainsi que des moines et des bourgeois inconnus se moquaient de la vie mondaine de leurs contemporains. Représentant un être, son mode de vie et son époque en un animal, les mascottes faisaient leurs premiers pas quelques siècles plus tôt, servant plutôt d’outil satyrique.
Ce n’est qu’à partir des années 80-90 que l’on constate une vraie émergence. Auparavant, les apparitions restaient très discrètes, le courant du Gekiga de l’époque ne lui permettant pas d’avoir une importance, même mineure, dans la plupart des récits des années 50. En effet, le Gekiga est un style mettant en avant l’aspect dramatique de la vie, la mascotte se retrouvant à contre-courant du récit.
Même en remontant jusqu’à des titres comme Sazae-San (1946), qui est pourtant un kodomo (manga pour enfants), il n’existe pas de mascotte représentant la série. On peut supposer que la première du genre apparaît dans le manga Doreamon (1974, CoroCoro Comic), un autre kodomo du duo Fujiko Fujio. Le héros du Roi Léo de Tezuka figure dans la liste des précurseurs potentiels, bien avant Doreamon, mais son rôle plus dramatique et sérieux l’éloigne de la définition qu’en fera le fameux chat magique… Vedette de ce manga, devant Nobita le héros lui-même, on peut dès le départ se demander quelle est la place de la mascotte : sert-elle de plante verte ultra mignonne ou bien a-t-elle une importance réelle dans le scénario, un impact qui justifie sa présence au point de parfois voler la vedette ?
Fonction et évolution : une question d’époque
La mascotte a su s’imposer au fur et à mesure du temps comme un élément indissociable de la plupart des productions issues du manga ou de la japanimation (idem pour les jeux vidéo). De ses premiers pas (avec Doreamon) à ses descendants (Mokona, et sa première apparition dans Magic Knight Rayearth en 1993), elle est devenue l’ambassadrice de la série dont elle est tirée. Son aspect familier (proche des animaux) et singulier (traits simples à reconnaître : grands yeux, couleur dominante) permet de s’en rappeler immédiatement. Il est ainsi facile d’associer Happy à Fairy Tail (2006), ou encore Pikachu à Pokemon (1996).
A la fois kawaii et représentante de son œuvre, la mascotte devient dès lors un outil marketing bien huilé qui a déjà conquis son public. Beaucoup souhaiteront se l’approprier, pour avoir l’essence de leur titre représenté sous forme de goodies (peluche, figurine, etc.). Mais au-delà de ces points, elle a aussi su, avec le temps, gagner en importance pour dépasser le cadre du produit dérivé.
De la simple figuration attendrissante avec Haro (Mobile Suit Gundam, 1979, Sunrise), elle peut aussi avoir un rôle de conseiller avisé et devenir un personnage secondaire clé (Kero, Card Captor Sakura, 1996). La mascotte peut ainsi, sous son aspect innocent, avoir un rôle déterminant dans le scénario et réserver de belles surprises à ses lecteurs comme ce fut le cas avec Gome de Dragon Quest : La quête de Daï (1989). Elle peut aussi servir à détendre l’atmosphère d’un titre trop sombre, pour apporter au héros une source de réconfort et au lecteur une touche d’humour (Puck dans Berserk, 1989).
La mascotte a tellement évolué qu’elle peut même servir de bras armé à ses héros : l’exemple le plus parlant à ce sujet est Pokemon, une série où l’on voit des animaux fantastiques se combattre entre eux. C’est aussi le cas dans des œuvres comme Digimon (1999), ou le plus récent Yo-kai Watch (2012).
A la fois ambassadrice, conseillère, rôle clé et combattante, les mascottes ont aussi droit à leurs œuvres dédiées.
Sergent Keroro (1999) est une série comique, où les personnages principaux sont des extra-terrestres très mignons… et ils ne servent aucunement de faire-valoir aux héros ! On peut aussi citer Hamtaro (1997) qui mettait en avant les aventures loufoques d’une bande de hamster, et le populaire Chi, une vie de chat (2004)… qui comme son nom l’indique, nous narre les aventures d’une jeune féline adoptée par une gentille famille. La mascotte, c’est en fait un phénomène de mode qui s’est progressivement ancré pendant des décennies dans la culture otaku pour en devenir une composante récurrente.
Limite et contre-emploi
Si le Gekiga, LE format populaire des premiers mangakas, ne contenait pas de mascotte, cette dernière a depuis fait son chemin. Sans pour autant trouver un accueil chaleureux dans tous les genres et sous genres… En effet, certains sujets, même dans les shônen, ne permettent pas l’épanouissement de cette dernière dans le récit.
Elle est, par exemple, souvent absente dans la plupart des œuvres réalistes, d’autant plus si elles ne tendent pas vers l’humour. En effet, sa présence pourrait grandement desservir le côté terre à terre et il n’est parfois nul besoin de détendre l’atmosphère, bien au contraire. Un exemple frappant : qui pourrait imaginer une mascotte dans les manga de Jirô Taniguchi, qui narre souvent l’histoire de portraits d’hommes au caractère authentique.
Exclusion aussi du genre historique, qui une fois encore, se veut le plus proche possible de la réalité pour y gagner tout son crédit. La Rose de Versailles de Ryoko Ikeda ou les plus récents Les Misérables (Takahiro Araï) et Innocent (Shin’ichi Sakamoto) sont ainsi dépourvu d’une quelconque légèreté, privilégiant avant tout le contexte de leur scénario.
Des shônen plus modernes peuvent aussi se passer de la présence de la mascotte, car elle ne pourrait probablement pas définir par une image le sujet de son œuvre. Les mangas de type furyo (Racaille Blues, Young GTO, Bakuon Retto, Worst) mettent en avant des jeunes «voyous » dont le sens de l’honneur les poussent à défendre leur vision de l’avenir par les poings. Difficile de passer pour un dur avec une mascotte sur l’épaule.
Le plus étonnant est peut-être l’absence de la plupart des shônen sportifs, à l’exception d’Eyeshield 21 qui tire énormément vers l’humour et demeure l’exception à la règle. Des spôkon (manga sportifs) comme Captain Tsubasa, Slam Dunk ou encore Haikyuu n’en ont pas besoin : les couvertures sont souvent directement en rapport avec le thème abordé.
Si la mascotte est très présente dans la culture otaku, elle n’est pas pour autant indispensable à tous les genres connus. Elle a su s’imposer pour évoluer et devenir autre chose qu’une simple image de marque. Que réserve désormais pour l’avenir le monde de la japanimation et des manga à la mascotte, alors que la mode est plutôt aux dark heroes dans le monde de l’entertainment ? Peut-on en espérer encore plus ? Son évolution dans le temps, sa constance à travers les générations mais aussi sa modernisation amènent à penser que oui : le futur de la mascotte est assuré !
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[…] uniquement réservés et stricts, savent aussi s’amuser et possèdent un imaginaire débordant (les fans de mangas et d’animés ne me contrediront pas !), une inventivité qu’ils savent aussi parfaitement exploiter de manière […]