[Interview] Takuto Kashiki : la bouffée d’air frais de Komikku
En mars, minuscule est venu apporter un peu de fraîcheur au catalogue des éditions Komikku. L’auteur, Takuto KASHIKI, a fait pour l’occasion une tournée en France, dédicaçant en France et en Belgique ; une excellente occasion de l’interviewer ! Gentil et timide, il est revenu avec nous sur le petit bout de chemin qui l’a fait basculer du fanzinat au milieu professionnel.
Hautes comme trois noisettes
minuscule, c’est l’histoire d’Hakumei et de Mikochi, deux jeunes demoiselles à peine plus grandes que des insectes. La forêt dans laquelle elles ont élu domicile possède un rythme bien particulier : les scarabées s’y font transporteurs de marchandises, des divinités-objets s’invitent parfois à la fête des moissons, et il paraîtrait même que le fantôme d’un poisson hante le lac… Le petit train-train quotidien nous fera découvrir, à leurs côtés, un monde bien plus vaste qu’il n’y paraît, aux us et coutumes parfois surprenants : si Kunio Katô empilait les petits cubes pour construire sa maison, dans le port d’Arabi, ce sont les boutiques qu’on empile pour former le marché en petits cubes, par exemple. Minuscule déborde d’un humour cabotin, et le rapport démesuré qu’ont nos héroïnes à leur environnement rend leurs aventures féeriques. On se laisse ballotter avec plaisir au gré de l’énergie et de la désinvolture de Hakumei, contrebalancée par la douceur et la timide prudence de Mikochi.
Un point s’avère cependant intriguant : en version originale, le manga s’intitule Hakumei & Mikochi, mais pourquoi avoir choisir de changer complètement ce titre ? Mykola KARPA, assistant éditorial aux éditions Komikku, explique que « C’est une décision purement éditoriale : si on mettait Hakumei & Mikochi, on ne sentirait pas assez d’affinité avec ce petit monde mignon. Sur la version originale du manga, il était également marqué en sous-titre The tiny Life in the wood. On a juste gardé l’adjectif tiny et on l’a traduit en français. » Ce choix semble plaire à l’auteur, qui relève un autre détail qui pourrait passer inaperçu : « c’est écrit minuscule en minuscule, et je trouve ça très mignon ! »
Mignon, cet adjectif conviendrait à merveille pour décrire le trait rond et doux de Takuto KASHIKI. En l’associant à l’ambiance insouciante de son ouvrage, on obtient un mélange particulièrement apaisant. Ses influences sont enfantines et il ne s’en cache pas : « Lorsque j’étais enfant, j’adorais lire des illustrés et ils m’ont beaucoup influencés. C’étaient toujours des histoires de souris, de petits animaux, ou de petits personnages… J’ai toujours baigné dans cet univers et j’ai toujours voulu le dessiner. Il y a aussi l’influence de Ghibli, puisque j’ai totalement baigné dedans quand j’étais plus jeune. »
Quand on s’intéresse d’un peu plus près à la construction des deux protagonistes, Takuto KASHIKI explique « qu’en fait, il y a un peu de moi dans chacun des personnages. J’ai divisé mon caractère en deux et j’ai mis une partie dans Hakumei et l’autre dans Mikochi. J’ai fait de Mikochi une femme d’intérieur, un peu maniaque, tandis que Hakumei est optimiste et aime beaucoup les activités en plein air. Enfin, c’est ce que j’ai fait au début, mais finalement, je me suis rendu compte qu’elles ont commencé à faire leur petit bonhomme de chemin toutes seules. »
Le Dôjinshi, passerelle vers un monde plus pro
L’histoire du mangaka est simple et doit probablement être le rêve d’un bon nombre de ses semblables : « j’ai étudié le manga à l’université, puis je suis monté à la capitale pour dessiner des Dôjinshi. Mes dessins ont été repérés par madame MORIOKA, qui était en charge de notre fanzine. Elle m’a fait débuter chez Kadokawa (Wolfsmund, Sakamoto pour vous servir, Bride Stories, NDLR) , la maison d’édition pour laquelle elle travaille. Elle m’a fait dessiner trois histoires courtes, dont l’une d’entre elles est devenue par la suite le premier chapitre de minuscule. Comme il a eu beaucoup de succès, on a décidé de le transformer en série. »
Le Dôjinshi est tout simplement ce qu’on appelle en France un fanzine. Ce sont des revues produites seul ou à plusieurs, majoritairement amateurs. De nombreux artistes tentent de percer de cette façon, espérant ainsi marcher dans les traces de CLAMP, exemple suprême de réussite d’un cercle amateur. Ces revues ont, depuis 1975 leur propre convention, le Comic Market, véritable foire aux jeunes talents. Ces dôjinshi possèdent également une autre particularité : ils puisent leurs sources dans des univers préexistants. Takuto KASHIKI ne fait pas exception : « Je me centrais surtout sur l’univers de Touhou Project, un shoot’em up sur PC. » L’influence est toujours présente dans minuscule, notamment quand on s’intéresse aux designs vestimentaires. « en fait, je les ai dessinés quand j’étais à l’université, et c’est l’époque où j’ai le plus joué à Touhou Project. »
Tranche de vie d’un petit atelier
En postface du premier volume, Takuto KASHIKI laisse entrevoir ce qu’était probablement le quotidien de son atelier. « C’était vrai lorsque j’ai dessiné ce premier tome : à l’époque, je vivais dans un petit appartement, à quatre. Celui que je dessine sous les traits d’un serpent, Tabata, je le connais depuis le lycée, tandis que je connais Ueno depuis l’université et Frangin, depuis ma période Dôjinshi. Depuis, je me suis professionnalisé, et j’ai une assistante. Mais mes amis vivent toujours dans les parages, donc il suffit d’un rien pour que je retrouve ce genre d’ambiance. Je passe mes journées enfermé chez moi à dessiner, donc on ne peut pas dire qu’il y ait grand chose de particulier à raconter, mais Ueno est souvent fourré chez moi, et il m’aide énormément à faire mes dessins. Je tiens beaucoup à travailler dans la bonne humeur, et il m’arrive parfois de chanter avec lui, ou de pousser des cris sans raison pour détendre l’atmosphère et rendre le travail plus agréable. »
La série, dont le second tome vient tout juste de sortir en France, ne compte pour l’instant que trois volumes au Japon, mais quand on demande à l’auteur, en guise de conclusion, s’il pense que minuscule durera encore longtemps, il répond : « Je ne sais pas, ça dépend de beaucoup de choses, mais je voudrais pouvoir dessiner autant que je peux ! J’espère simplement que les fans suivront encore longtemps les aventures de Hakumei et de Mikochi, parce que j’ai l’intention de leur faire vivre plein d’aventures. »
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Remerciements à Takuto Kashiki pour son temps et sa gentillesse, à son interprète, Ryoko AKIYAMA, ainsi qu’aux éditions Komikku pour la mise en place de cette interview.
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[…] Vous l’aurez deviné, l’objectif pour les éditeurs, au-delà de l’expansion de leur clientèle vers un plus jeune lectorat, est également d’assurer la transition avec la prochaine génération de lecteurs de mangas. Ce qui est plutôt sympathique et convivial, c’est que cela permet aussi de créer du lien entre les lecteurs de tout âge, qui peuvent se retrouver sur ce genre de titres, comme par exemple autour de Minuscule chez Komikku dont nous avions interviewé l’auteur au Salon du Livre en mars. […]
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