Tomohiko OHKUBO : dessine-moi un anime !
Journal du Japon était présent les 18 et 19 avril au festival du Cartoonist à Montpellier, et nous avons pu y rencontrer Tomohiko OHKUBO. Animateur clé mais aussi réalisateur, ce vétéran de l’animation traditionnelle a travaillé sur des productions dont la renommée n’est plus à faire : Nausicaä de la vallée du vent, Akira, le film de X 1999 ou encore la série télévisée de Nana. Il revient avec nous sur ce qui fait le fonctionnement de l’animation japonaise et nous parle de son métier.
Multi-influences & multi-taches…
Journal du Japon : Bonjour monsieur OHKUBO. Pour commencer pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Tomohiko OHKUBO : Depuis mon enfance je me suis intéressé aux métiers du dessin, et surtout ceux de l’animation. Je voulais commencer par être mangaka, à l’instar d’Osamu TEZUKA qui me faisait forte impression, pour faire quelques mangas, affiner mon trait, puis ensuite réaliser des dessins qui pourraient servir à la conception d’animes, comme les storyboards.
Au départ, je ne savais évidemment pas comment procéder, comment m’y prendre pour rentrer dans ce milieu. Alors je suis allé dans une université en art où je suis rentré dans un club d’animation. Parmi les quelques camarades présents dans ce cercle, certains d’entre eux ont pu me présenter à des personnes qui travaillaient déjà dans ce monde, et c’est comme ça que j’ai pu y rentrer.
Quelles sont les œuvres qui vous ont inspiré ?
Plutôt que de parler d’inspiration artistique, je dirais que c’est l’influence des long-métrages d’animation produits par la Toei qui ont été un déclencheur. Dès tout petit, j’en regardais beaucoup, et ce n’était pas des animés aussi dépouillés que l’animation limitée d’aujourd’hui, c’était des films à la qualité proche des Disney qui ont marqués mon enfance.
Il n’y a donc pas que l’animation japonaise qui m’a touché, les productions Disney aussi.
Parlons maintenant de votre métier. Quels sont vos rôles et responsabilités au sein d’un anime ?
Aujourd’hui, avec l’expérience que j’ai acquise au fil des projets, je peux travailler à n’importe quel poste de l’animation. À l’animation clé bien sûr, puisque c’est mon premier métier, mais également à tous les postes qui nécessitent de faire des dessins ou encore à la direction. Selon les besoins, je peux effectuer diverses tâches, que ce soit le simple tracé du layout ou du storyboard. C’est selon la situation où l’on se trouve durant la production.
En tant que réalisateur, je fais surtout le travail de vérification. Je décide comment doit se dérouler la scène, comment la mettre en forme, et lorsque c’est fait, je procède à la vérification.
L’art et la manière de donner vie aux dessins
Qu’est-ce qui vous semble essentiel pour animer un personnage ?
D’abord il y a un travail de concertation avec d’autres dessinateurs qui peut se faire, mais sinon dans le pire des cas, je peux le faire de moi-même. Je dessine alors plusieurs plans et, pendant l’élaboration, je vérifie les dessins en les faisant défiler à la manière d’un flip book. Ceci me permet de pour faire des retouches pendant le processus de création du mouvement : je me dis que je dois rajouter tel ou tel trait, changer la position d’un bras ou d’une jambe pour les rendre plus naturels, etc.
C’est ces petits plus qui font la différence. Mais cette tâche se fait toujours pendant la création de l’animation.
L’animateur clé possède à la fois le rôle d’acteur, car il fait s’exprimer physiquement ses personnages, mais aussi de cameraman, car il place le cadrage. Comment faites – vous pour placer cette caméra ?
Pour cela, il faut une parfaite connaissance des perspectives, car sur une simple feuille de papier nous devons créer un environnement en trois dimensions, et c’est là que les notions de perspectives deviennent capitales. C’est un problème qui ne se pose pas avec le cinéma, mais en animation, il faut tout créer à partir de rien, placer tous les éléments.
Néanmoins, dessiner une perspective n’est pas inné, tout cela s’apprend. Ça demande du temps, et au bout d’un moment on finit par avoir les connaissances nécessaires pour gérer parfaitement les perspectives. C’est un long apprentissage qui demande beaucoup de travail.
Vous vous représentez la scène dans votre esprit avant de la retranscrire sur papier ?
Pour concevoir une scène, je reçois d’abord les dessins qui ont été effectués pour ce plan. En tant qu’animateur clé, je regarde donc les dessins du storyboard et des model sheet (NDLR : les carnets recensant les caractéristiques physique des personnages), puis, à ce moment là, je me représente la scène. Selon les dessins et selon l’imagination que je vais avoir à ce moment là, je conçois la séquence.
Pour finir, pouvez-vous nous dire ce qui fait la popularité de l’animation japonaise à travers le Monde ?
Les animes ont une relation très forte avec les mangas et c’est une relation indéfectible. Or, les spécificités du manga sont la sérialisation de son histoire et son découpage, et ces deux éléments rendent la mise en scène particulièrement dynamique, très cinématographique. C’est un rythme qui est propre au manga, et dont les animes ont hérité.C’est donc ce rapport aux mangas qui a donné tant de popularité aux animes dans le monde entier selon moi.
Retrouvez l’animographie complète de Tomohiko OHKUBO sur Animenews Network.
Nos remerciements à Mr Tomohiko OHKUBO pour avoir pris le temps de répondre à nos questions et au salon Cartoonist pour avoir rendu cette entrevue possible.
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