Rencontre aux portes de l’imaginaire avec Yoshitaka AMANO
Lors du salon monégasque MAGIC qui s’est tenu le samedi 21 mars, Journal du Japon a pu s’entretenir avec Yoshitaka AMANO. Ce célébrissime peintre et illustrateur a pris le temps de répondre à nos questions et nous éclaire sur sa vision de son travail.
Une vie d’artiste
Né en 1952 à Shizuoka, Yoshitaka AMANO commence sa carrière très jeune et travaille pendant quinze ans dans l’un des studios d’animation les plus influents du Japon, la Tatsunoko, où il y conçoit les personnages de Gatchaman (La bataille des planètes). Durant cette période il s’intéresse également à l’art de l’Ukiyo-e et à l’Art nouveau européen. Cet apprentissage lui permet plus tard de s’affranchir du milieu de l’animation pour se consacrer à l’illustration, et en particulier à la fantasy, genre qui deviendra sa spécialité pendant longtemps.
En 1982, AMANO quitte Tatsunoko pour fonder son propre studio indépendant, Ten Productions, où il crée quantité d’illustrations pour de nombreuses publications anglaises, américaines et japonaises. Plus d’un million de ses livres d’art sont vendus au Japon et ses peintures sont exposées à travers le monde. Il a, entre autres, conçu les personnages et l’univers de Vampire Hunter D de Hideyuki KIKUCHI, ou bien Guin Saga de Kaoru KURIMOTO. Il participe également au milieu du cinéma en créant le film d’animation Tenshi no Tamago avec Mamoru OSHII.
En 1987, Squaresoft fait appel à lui pour donner corps à sa grande saga Final Fantasy. Son travail commençant à être reconnu en Occident, il décide de s’installer à New York à la fin des années 1990 et y ouvre un atelier.
Des pinceaux et des manettes
Journal du Japon : Le thème de la fantasy vous est très cher, qu’est-ce qui est important pour vous dans ce genre ?
Yoshitaka AMANO : Ce qui me plaît le plus dans la fantasy, c’est que l’on crée des choses qui pourraient potentiellement exister, mais qui n’existent pas. On est donc dans le monde de l’imaginaire, et ce que j’aime, c’est de réussir, par mes dessins, à amener dans le réel ces créations fictives.
Quelles sont vos influences majeures ? Peut-on faire un rapprochement entre votre style et les estampes japonaises dans le genre d’Hokusai ?
On peut dire que j’ai été influencé par énormément de peintres, surtout quand j’avais vingt ans, où j’adorai beaucoup de peintres différents. J’aime beaucoup Mucha, Moro aussi, surtout des peintres européens en fait. Ce sont des gens dont j’aime voir les œuvres, et non pas les reproduire, et à force de les voir je pense que j’ai subi une certaine forme d’influence, oui. J’ai fini par intégrer l’essence de ces tableaux et finalement je les regarde, je les intègre, et je les digère. En ayant digéré ces influences, je dessine à ma façon. Si je ne peux pas dessiner comme je veux, en m’amusant et en ayant de l’intérêt pour ce que je crée, ça n’a pas de sens. Je fonctionne comme ça, en voyant des choses, en les intégrant et en me les appropriant.
Où en est votre projet Deva Zan ? Pour l’instant c’est un roman que vous avez écrit et illustré, mais il se faisait écho de film, voire de jeu vidéo. Qu’en est-il aujourd’hui ?
J’ai commencé par dessiner un storyboard, puis j’ai démarré la rédaction du scénario. Cependant, le scénario n’est pas complètement terminé car ma volonté est de laisser assez d’espace de création pour autre chose. Quand un scénario est terminé, on est obligé de suivre l’histoire pour créer l’œuvre, mais pour le moment j’aimerais me laisser le temps de créer encore autour de ce projet, il y a donc encore beaucoup de possibilités à propos de Deva Zan.
Êtes-vous joueur de jeux vidéo ? Vous est-il arrivé de jouer aux Final Fantasy auxquels vous avez participé ?
Je joue de moins en moins aux jeux vidéo, mais effectivement autrefois j’y jouais beaucoup. Je me souviens avoir fait les Final Fantasy avec mes enfants. Lorsque je joue, je ne réfléchis pas sur le gameplay ou des choses comme ça, parce que ce n’est pas mon travail, je vais plutôt regarder l’ambiance générale, le monde dans lequel les personnages évoluent. Ma mission est d’exprimer le monde du jeu dans le dessin, donc c’est vraiment là-dessus que mon attention va se porter en jouant.
Vos dessins originaux sont redessinés pour être portés sur console, comment abordez-vous le rendu in-game de vos concept-arts ?
En fait, je suis un peu atypique comme dessinateur parce que j’ai beaucoup travaillé dans l’animation à mes débuts, donc j’ai pris pour habitude de livrer des œuvres terminées. C’est-à-dire que même sur Final Fantasy, je ne livre que des œuvres dont je suis satisfait et que je considère comme finalisées. Après, d’autres personnes les reprennent et les adaptent pour les transposer en jeux vidéo, mais pour moi ma mission est terminée quand j’estime que je suis satisfait de mon dessin. Je laisse faire leur part du travail aux personnes qui font la transition, parce que ce sont tous des gens talentueux.
Si vraiment il y a des choses qui sont choquantes ou trop bizarres dans la commande que je livre, il peut m’arriver de donner un conseil pour l’améliorer, mais je pars du principe que les personnes qui prennent le relais font leur travail librement.
La franchise Final Fantasy est conçue en ayant des univers différents à chaque opus, comment faites-vous pour élaborer des personnages et des concepts chaque fois nouveaux sans vous répéter ?
Effectivement il y a un risque d’être redondant à force, mais à chaque fois, en ce qui me concerne, je me lance d’abord dans une nouvelle réflexion. Pour tout nouveau projet, je réinterprète les personnages qu’on me présente, et j’essaye au maximum de ne pas me répéter en prenant du recul. Vu de l’extérieur, je ne sais pas ce que ça donne, mais pour ma part je fais cet effort. La seule chose qui ne change pas, ce sont mes goûts.
Par rapport à ce que l’on vous propose, quelle marge de manœuvre avez-vous ?
A vrai dire, je ne sais pas toujours à quel point je suis libre moi-même (rires), mais je fais le maximum pour rester le plus libre possible quand je dessine, c’est la seule chose dont je sois sûr.
Merci à vous !
(En français) Merci beaucoup.
Remerciements à Yoshitaka AMANO pour sa disponibilité, au salon MAGIC, à Laurence Gauthier pour la mise en place de cette interview, ainsi qu’à Sahé Cibot de Shibuya International pour sa traduction.
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