[Chronique] tricot : A N D ne fait pas dans la dentelle
Bon, d’accord, l’hiver est terminé. Mais nous ne sommes pas là pour parler petite laine et tricots. Juste de tricot. Mais si, le groupe ! Vous ne suivez toujours pas ? D’accord, pas d’inquiétude, asseyez-vous confortablement dans votre chaise, nous allons tout vous dire sur le dernier album de ces jolies brindilles, A N D.
Tout commença avec un pull …
… enfin non, pas vraiment. Tout commença plutôt à Kyoto (où il ne fait pas si froid que ça). Ikkyu Nakajima (chant/guitare), Motoko « Motifour » Kida (guitare/chœurs) et Hiromi « hirohiro » Sagane (basse/chœurs) se découvriront dès leur plus tendre enfance une passion pour la musique qui fleurira au lycée avec les fameux clubs de musique.
Diplôme en poche, chacune vaque à ses petits groupes, même si Ikkyu essaie plusieurs fois de convaincre Motifour, amie de lycée, de s’associer à elle pour de nouveaux horizons musicaux. Cette dernière, libérée de ses obligations en 2010, rejoint enfin la chanteuse. Hirohiro, bassiste de son état et issue de l’ancien groupe de Motifour, complétera la formation : tricot est né.
Il manque cependant un batteur. Plusieurs s’essayeront à l’exercice (sept en deux mois), mais c’est Komaki, après avoir entendu parler des filles sur MySpace, qui remportera la palme en mai 2011. Dans la foulée, tricot crée son propre label, Bakuretsu Records, à des fins purement pratique : sortir et promouvoir librement leur musique.
Tricot, très prolifique avec la sortie de plusieurs EP et mini-albums prometteurs, est également généreux sur scène en se produisant dans plusieurs festivals japonais majeurs entre 2012 et 2013. Ce n’est réellement qu’à la fin de 2013 et la sortie de son premier album T H E que le reste du monde entend parler du quatuor grâce au magazine britannique NME, mais également à des artistes comme James Blake.
2014 sera alors grandement consacré à l’international avec la sortie en Asie de leur premier opus, une tournée dans des festivals d’Europe de l’Est mais surtout une première partie, et pas des moindres : celle des Pixies au Royaume-Uni en juillet.
2014 sera également l’année du renouveau, le trio ayant préféré se séparer de Komaki afin de revenir à l’essentiel. De cette volonté de « retour aux sources » résultera un second album, A N D, sur lequel nous allons nous étendre plus longuement.
T H E A N D ?
Le Mathrock, c’est un peu une terre inconnue pour vous, même si vous en avez très certainement entendu malgré vous. Ce genre, caractérisé par une rythmique complexe et très syncopée proche du jazz, ainsi qu’un jeu de guitare technique et souvent dissonant, est très populaire dans la scène indé japonaise (qui s’illustre déjà grandement dans la noise music), et brille depuis quelques années à travers des groupes comme LITE, te’ ou toe. tricot fait partie de cette scène ô combien estimée et a rapidement dépassé le statut de simple girlsband influencé par Number Girl et ACIDMAN.
Le groupe a ainsi toujours été dans une volonté d’évolution constante de leur son, et A N D ne déroge pas à la règle. Tout d’abord dans sa production, plus léchée, mais plus aérienne aussi. Les filles, qui s’autoproduisent, ont gagné en expérience dans ce domaine : en ressort un son bien moins brouillon, plus travaillé et nuancé. Le son des guitares est plus fin, la batterie a un touché plus subtil, et la basse gagne en rondeur.
Cette évolution pourra certainement décevoir certains fans : avec A N D, l’expérimentation laisse place à l’accomplissement. Les compositions partent bien moins dans tous les sens, la construction des morceaux prend un sens certain. Une sorte de vulgarisation du mathrock. Ainsi, certains morceaux ne sont pas sans rappeler un certain Rin Toshite Shigure, que cela soit dans la rythmique ou bien dans le phrasé.
Cette maturité nouvelle est également une façon pour le trio de casser définitivement son image de tricot-à-quatre. Ainsi, les chansons prennent des allures félines, sexy, à l’image de Kobe Number. Plus globalement, le jeu constant de chassé-croisé entre les voix des membres du groupe enveloppe du mystère féminin les compositions de l’album. Les morceaux comme CBG ou QFF prennent tout leur sens dans ce contexte, la voix d’Ikkyu se faisant caressante et velouté, puissante et poignante.
Rassurez-vous cependant, malgré la convention toute relative de certains morceaux comme Kieru ou Shoku-Taku, des traits de génies traversent l’album, à l’image de Niwa qui touche à l’ancienne folie du groupe, QFF et ses airs Tokyo Jiheniesques, Pieeen et ses accents jazzy, ou évidemment le single phare de l’album, E.
Enfin, faute de batteur, notons la participation d’invités de marque à l’enregistrement : BOBO (batteur de MIYAVI entre autres), Munenori Senju, Toshiki Hata (ex. Tokyo Jihen), Miyoko Yamaguchi (detroit 7), Kosuke Wakiyama (tabaccojuice). En résulte une palette rythmique assez incroyable, chaque musicien apportant sa patte. Rien que pour ces petites nuances, l’album mérite une écoute plus qu’attentive.
A N D, à défaut de révolutionner le mathrock, le porte vers d’autres perspectives plus popisantes, moins dévergondées, mais peut-être plus réfléchies. Un album qui gagne à être écouté plusieurs fois pour révéler toute sa complexité. Un très bon ticket pour les contrées européennes.
Terminons en beauté avec cette session live de Niwa enregistrée au début du mois avec tous les batteurs ayant participé à l’album. SAMBA !
11 réponses
[…] La chronique tricot : A N D par Laure […]
[…] Le groupe tricot, que nous vous avions présenté à travers leur dernier album, A N D, sera en concert pour la toute première fois en Europe.* mardi 15 mars au Batofar à […]
[…] vous les avoir présentées l’an dernier dans nos colonnes, le trio japonais débarque en France au Batofar à l’occasion d’une tournée […]
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[…] Pour en savoir plus sur le groupe, retrouvez notre chronique de leur album AND. […]