Dragon Ball Xenoverse : Genkidrama
On nous l’aura vendu comme le jeu du renouveau, celui qui permettrait enfin d’apporter un peu de fraîcheur à une recette connue de tous. Dragon Ball Xenoverse est-il donc à la hauteur de la réputation qui le précédait ? On vous propose notre perception du titre, sorti le 27 février dernier sur PS3, PS4, Xbox 360, Xbox One et PC.
Si l’on attendait une seule chose de ce Dragon Ball Xenoverse, c’est bien l’ambition d’un jeu vidéo s’assumant enfin comme un prolongement de l’univers initié par Akira TORIYAMA. Jusqu’ici, les précédents titres demeuraient circonscrits à une transposition bête et méchante des événements du manga d’origine, dont ils tenaient à reprendre chacun des combats et personnages ayant passionné les fans depuis près de trente ans. Une profession de foi ayant trouvé une sorte d’aboutissement avec un Dragon Ball Z Budokai Tenkaichi 3 au contenu jouissivement gargantuesque (jusqu’à la possibilité d’incarner Arale !) et aux affrontements les plus mémorables de la franchise vidéoludique. Aussi, la promesse d’un nouvel épisode axé sur la réécriture d’un scénario connu de tous allait-elle dans le sens d’un renouvellement devenu impératif pour quiconque cherchait, depuis des années, le digne successeur du jeu susmentionné. Imaginez donc : la possibilité de créer son propre avatar et d’intervenir dans les combats qui ont marqué le manga de leur empreinte afin de changer le cours de l’histoire. Bref, l’espoir d’un titre ambitieux qui, hélas, est à l’opposé même de ce que peut incarner Dragon Ball Xenoverse.
C’EST L’INTENTION QUI COMPTE… ?
En mettant en première ligne de sa communication la prétendue inventivité du scénario, Bandai Namco faisait table rase de précédents épisodes jouant déjà ouvertement la carte de combats revisités. Car même si l’on oublie le fait basique et évident que chaque jeu est par essence un produit dérivé du matériau d’origine, donc une relecture, un titre tel que Battle of Z permettait déjà de s’amuser n’importe comment avec le scénario de TORIYAMA. Ici, la particularité réside donc dans le souci d’intégrer un jeu au sein de la mythologie DBZ, de l’inscrire dans le grand récit originel par l’intermédiaire de personnages inédits impliquant à la fois la destruction et le renouvellement de l’univers connu. Destruction, par le biais de nouveaux méchants d’une part, Mira et Towa, qui vont augmenter la puissance de personnages censés être tués et ainsi modifier le cours des événements (Radditz évite ainsi le coup de tête de Sangohan et tue Goku et Piccolo, par exemple). Renouvellement, par l’intervention de notre avatar au sein des combats ayant mal tournés, venu prêter main forte pour remettre l’histoire sur les bons rails (tuer Radditz, donc). Une volonté fort louable dans l’absolu, d’autant plus qu’elle offrait toute latitude pour jouer sur l’immersion du joueur et le rapport qu’il entretient avec la saga ; lui faire intégrer un monde qui lui est familier et sur lequel il aurait enfin un réel impact. Hélas, tout ceci ne restera que de la théorie.
Bien sûr, il est amusant de devoir choisir parmi les cinq races (humain, Saiyen, Namek, Majin ou race de Freezer) afin de se créer un combattant à sa mesure. Les possibilités d’apparence semblent limitées mais le fait d’acquérir par la suite de multiples vêtements et accessoires permettra de personnaliser un peu plus notre personnage et de le différencier des autres. Car oui, à la manière du récent Destiny, l’interface principale de Xenoverse est une petite cité – hideuse au demeurant – du nom de Tokitoki dans laquelle pourront se retrouver des dizaines de joueurs. Une petite orientation MMORPG tout à fait sympathique puisque Tokitoki regroupe l’ensemble des activités permises par le jeu : achat de techniques et d’objets divers, mais aussi accès aux quêtes annexes (dites « parallèles ») réalisables à plusieurs. Une belle idée qui offre enfin un semblant d’ampleur à l’univers de TORIYAMA et qui fait écho à l’imposante diversité de personnages imaginés par l’auteur. L’euphorie de la découverte reste néanmoins temporaire, même sans évoquer l’impossibilité chronique d’accéder au mode online du jeu durant notre phase de test.
Avant tout, Dragon Ball Xenoverse échoue à être un bon jeu parce qu’il se pense comme un agrégat d’éléments indépendants les uns des autres, plus que comme un ensemble réellement homogène. Plus précisément, il réemploie à l’envi les mécaniques citées plus haut, déjà largement utilisées depuis des années ailleurs, sans jamais chercher à les rendre cohérentes à l’aune de l’expérience immersive et narrative qu’il propose en premier lieu. De fait, plus que de rendre le jeu ambitieux, Tokitoki le ringardise et le rend désespérément banal et ennuyeux. On hallucine de devoir utiliser de bêtes guichets pour avoir accès à des quêtes sans lien les unes avec les autres, on s’énerve de devoir marcher pendant des plombes (quand on contrôle des personnages capables de voler et de se téléporter) pour tomber aléatoirement sur des personnages offrant l’accès à des missions ou des techniques ; on se désintéresse des relations avec nos « maîtres » sitôt qu’elles ne prennent plus en compte les rapports de force, ou que ceux-ci nous demandent l’obtention d’objets nécessaires à la progression… Comme si la promesse de départ n’était qu’un séduisant enrobage prétexte à placer tout et n’importe quoi pour créer du contenu, aussi obsolète puisse-t-il paraître dans ce cadre.
Le scénario est à l’avenant dès le postulat de départ, qui est lui-même une absurdité. Trunks demande à Shenron un combattant suffisamment puissant pour l’aider à réguler la chronologie de l’histoire. Ce combattant, c’est évidemment nous, pourtant bête personnage novice de niveau 1, comme l’exige la logique d’un jeu vidéo basé sur l’évolution et le gain de compétences. C’est à cet instant que s’offre alors à nous le devoir de rétablir l’issue des combats telle que nous la connaissons. Vaincre Radditz, Freezer et compagnie après que les événements aient fini par tourner en leur faveur. Vaincre Radditz, Freezer et compagnie ? Oui, comme dans n’importe quelle autre production estampillée Dragon Ball Z. Les fameuses réécritures de l’histoire ne consistent qu’en une cinématique affichant la victoire d’un personnage normalement perdant. Et se limitent strictement à cela, dans la mesure où elles nous sont présentées en amont de notre arrivée sur les lieux et qu’elles n’ont pas la moindre incidence sur le récit-cadre : ce dernier ne consiste qu’à se balader dans Tokitoki, engranger de l’expérience, aller voir Trunks pour être téléporté sur les lieux d’un combat, revenir à Tokitoki, et ainsi de suite jusqu’au dénouement…
Vous l’aurez compris, Xenoverse pâtit d’un manque d’ampleur évident à partir du moment où les prétendus bouleversements narratifs ont lieu non pas à l’échelle de l’Histoire, mais d’un simple combat. Le fait de rajouter des yeux rouge à nos adversaires ne saurait en aucun cas donner l’impression que l’on n’a pas déjà effectué mille fois le même combat dans les jeux précédents ; pas plus qu’incarner un avatar dont les attaques sont majoritairement les mêmes que celles des autres personnages (Kaméhaméha et tutti quanti).
Toutefois, la spécificité du scénario parvient à trouver un réel intérêt lors de mises en situation pensées de manière inédite, comme cette séquence où Ginyu vole le corps de notre avatar et nous impose de nous battre contre ce dernier. L’une des rares vraies bonnes idées du récit, et sans doute le seul moment du jeu où le gameplay aura à cœur de jouer sur le rapport à notre avatar. Côté bons points, demeurent quelques clins d’œil sympathiques aux fans (le Genkidama contre Buu…), apports surprenants (le combat contre Hercule, Demigra…) ou raccourcis du meilleur effet (passer directement de la première à la dernière forme de Freezer). Le reste se partage entre moments attendus (les combats-clés du manga), grossièretés d’écriture (méchants à peine esquissés, la disparition soudaine de Towa, les dialogues pendant les combats, la stupidité irritante de Trunks…) et fausses bonnes idées.
LE TEMPS, LE TEMPS, QU’EST-CE QUE LE TEMPS ?!
Ainsi, nous parlions du combat contre Ginyu et celui-ci en est parfaitement représentatif : chaque bonne idée du jeu est tuée dans l’œuf par des combats aberrants, autant par le système de jeu que par leur déséquilibre. Tel n’importe quel RPG, il vous faudra passer bien du temps dans les quêtes parallèles pour gagner en attributs (santé, puissance des coups…) afin de parvenir à franchir certains combats ridiculement difficiles lors de rixes pourtant secondaires. C’est bien simple, vous aurez sans doute cent fois plus de mal à vaincre Nappa, Ginyu ou Hercule, que Freezer ou Cell. Même l’entraînement en fin de jeu, contre Beerus et Whis, sera autrement plus ardu que la promenade de santé qui vous attend juste après avec l’ennemi final. Xenoverse se laisse également aller à cette propension du tout à l’excès, à l’image de ce combat interminable contre une succession de Buu.
Interminable, sans doute le terme qui caractérise le mieux la plupart des face-à-face du jeu, et pas seulement parce que les combats-clés se déroulent sur plusieurs séquences. Le système de jeu fait montre d’un manque de diversité rédhibitoire dans les possibilités offertes aux joueurs, quand il ne se révèle pas bêtement frustrant. Les coups au sol sont parfois inefficaces, les attaques ultimes ne sont guère récompensées en matière de dégâts, servent également de bouclier et empêchent toute contre-attaque, le blocage des coups est trop lent, les alliés sont d’une affolante inutilité… En résultent des affrontements dynamiques et parfois spectaculaires, d’autant qu’ils mettent quasi systématiquement en scène plusieurs combattants en même temps, mais tout à fait impersonnels et trop longs pour ce qu’ils ont à offrir. Surtout dans le cadre de missions rigolotes dans l’absolu, incroyablement pénibles dans les faits (les combats dans le vaisseau de Freezer avec une caméra schizophrène, trouver des boules de cristal en se faisant démolir le museau en parallèle…). Logiquement, Xenoverse trouve ses meilleurs moments dans des oppositions brèves appuyant la puissance des personnages que l’on incarne ; celle contre Freezer aux côtés de Goku SSJ, entre autres. Ceux-ci sont hélas trop peu nombreux pour convaincre.
Décidément ils paraissent bien loin, les fights séquentiels et évolutifs des Naruto Shippuden : Ultimate Ninja Storm. En tout cas, clairement hors de portée d’un jeu qui a des idées mais qui met tout en œuvre pour les saccager. Agréable contrepartie : il faudra quelques dizaines d’heures aux plus motivés pour accéder à l’ensemble du contenu, sans compter les heures passées à plusieurs dans les quêtes parallèles ou en simples combats online. Espérons toutefois que Xenoverse 2, parce que nous ne doutons pas une seule seconde de son annonce prochaine, profitera de son développement pour abandonner tout amour pour l’autodestruction et s’imposer des moyens à la hauteur de ses ambitions.
Visuels : ©2015 BANDAI NAMCO Games Inc.
Encore un test de quelqu’un qui a joué 30 minutes au jeux. Vous pensez que c’était à la mode de casser du sucre sur les jeux DBZ sauf que cette fois tout le monde en est ravi… Vous vouyez le décalage entre votre test et le test du « reste du monde » ?
« Encore un test » ? Je croyais que tout le monde était ravi ?
Si « le reste du monde » se limite à vous, je peux voir le décalage, en effet. Si « le reste du monde » a la signification qu’il semble avoir, je ne le vois pas. Facebook, YouTube, Twitter, les personnes qui démolissent le jeu, parfois bien plus que je ne le fais, ne manquent vraiment pas.
Et quand bien même, ce n’est pas le genre de la maison d’écrire des articles en fonction des autres. Cela semble vous empêcher d’apprécier le jeu et je m’en excuse. Néanmoins, je crois que cet article souligne suffisamment de choses (et même s’ils sont moins nombreux, les points positifs ne manquent pas) pour que vous les preniez en compte, sans limiter notre article à la volonté de se poser en rebelles face à la prétendu popularité du jeu.
Bien sûr, encore aurait-il fallu ne pas se contenter de lire le dernier paragraphe.
Ou apporter des arguments. Discuter, échanger, ce genre de choses visiblement sans intérêt.