Revolver de Fuminori NAKAMURA : un jeune homme trouve une arme et …
Un soir de pluie, un étudiant découvre un revolver près du corps d’un homme. Il le prend et entretient avec cette arme une relation étrange entre fascination, tension, excitation. Jusqu’où ira-t-il ? Réponse de Fuminori NAKAMURA dans Revolver, sorti le 20 février 2015 aux éditions Philippe Picquier.
Né en 1977 et diplômé en sciences sociales appliquées de l’université de Fukushima, Fuminori NAKAMURA commence sa carrière d’écrivain en 2002 avec Revolver, livre qui sera couronné du prix Shinchôsha des jeunes auteurs. En 2005, il reçoit le prestigieux prix Akutagawa pour L’Enfant dans la terre, puis en 2010 le prix Kenzaburo Oe des mains de l’écrivain pour Pickpocket (à découvrir aux éditions Philippe Picquier).
Ses romans mettent en scène des personnages soit nés soit plongés dans la pauvreté et présentent au lecteur un Japon différent, cru et sombre. Il y a du Kafka, du Camus dans ces pages où l’âme humaine est mise à nu.
Revolver, roman policier ?
L’intrigue est plutôt simple. Un jeune étudiant désabusé se promène sans but un soir de pluie dans Tokyo et découvre un cadavre. Près du cadavre se trouve un superbe revolver qui, immédiatement, le fascine. L’étudiant s’en saisi et le rapporte chez lui.
Totalement absorbé dans la contemplation et le nettoyage quotidien de son arme, l’étudiant s’isole et a un comportement de plus en plus incompréhensible pour ses amis.
L’enquête policière est relativement maigre et c’est plutôt le côté psychologique qui est mis en avant : Est-ce que le simple fait de trouver une arme peut rendre un individu psychologiquement fragile dangereux, voire criminel ? Mais il y a tout de même un policier très malin et très intuitif dans ce roman. Il connaît bien la psychologie humaine, il sait recueillir de maigres indices et faire mouche. Mais pourra-t-il intervenir avant que la situation ne dégénère ?
Revolver, dans la tête d’un jeune paumé …
Ce roman est aussi l’histoire d’un jeune étudiant, Nishikawa, qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie. À la fac, il va en cours sans motivation, juste pour retrouver son ami Keisuke et draguer les filles. Il enchaîne les relations sans sentiment, machinalement, prend et jette les filles comme des objets de consommation. Il n’a que mépris pour le genre humain : les gens qu’il croise au restaurant, dans la rue, dans le voisinage l’énervent ou l’écœurent par leur laideur. Peut-être que la belle Yûko sort un peu du lot ? Peut-être qu’avec elle il prendra un peu son temps, qu’il aura envie de la connaître ?
Petit à petit son passé se dessine : il a été placé en institution à cause d’un père alcoolique à l’âge de six ans (la mère ayant quitté le domicile), puis a été adopté par un couple aimant. Sa mère adoptive lui apprend que son père biologique, qu’il n’a pas revu depuis l’âge de six ans, est mourant et veut le voir. Mais dans le cœur de l’étudiant, pas de place pour l’émotion, la rancoeur, la haine, la colère. Tout est gelé depuis bien longtemps.
Tout ce qui fascine Nishikawa, désormais, c’est cette arme qui brille. Il lui fabrique un véritable petit nid : des mouchoirs en tissu précieux, une belle pochette. Il l’astique tous les jours, la regarde puis la range précieusement. Mais petit à petit, il ne peut plus la quitter, il la met dans sa poche, l’emporte à l’université, la sort en cachette. Il a envie de voir les balles jaillir, de voir cette arme faire ce pour quoi elle a été créée … Cela devient son unique but, son seul désir … Doit-il obéir au désir de l’arme ou résister ?
Revolver, une écriture précise pour créer une ambiance angoissante
Le génie de l’écrivain (photo ci-contre) réside dans sa plume incisive qui, par des mots judicieusement choisis, arrive à plonger immédiatement le lecteur dans l’endroit voulu.
Au début du livre, errant dans Tokyo :
« … j’ai quitté la rue commerçante plongée dans l’obscurité pour prendre une ruelle le long d’un square. Un break blanc était garé là et, dessous, il y avait un petit chat, je m’en souviens très bien. Depuis son refuge, il ne me quittait pas des yeux … J’ai franchi un passage à niveau et je me suis enfoncé dans un lacis de ruelles. La pluie s’écoulait en une cataracte ininterrompue du bord du toit d’un immeuble décrépit et martelait obstinément, dans un bruit assourdissant, des morceaux de panneaux préfabriqués qui traînaient par terre. »
Tout est décrit afin d’avoir une image la plus complète possible de la scène : le décor (allant jusqu’au détail des brins d’herbe, du revêtement du sol), les sons (la pluie très présente, les cris de la mère et de l’enfant qui habitent à côté), le toucher (les vêtements trempés qui collent, mais surtout la perfection des courbes de l’arme, le froid du métal … l’arme qui devient plus attirante, plus intéressante que les corps des femmes qu’il fréquente), et surtout tout ce que ressent le personnage principal : attraction pour l’arme, tension agréable lorsqu’il la porte sur lui, mais aussi angoisse (qu’il tente de cacher lorsque le policier l’interroge) contrebalancée par cette très forte envie de tuer.
Un livre qui attrape le lecteur, le tient en haleine et le laisse exténué à la dernière page.
Pour en savoir plus sur l’auteur et ses ouvrages publiés aux éditions Philippe Picquier, rendez-vous sur le site de l’éditeur où vous trouverez aussi un extrait de Revolver.
Dans le même genre froid, « Néant » de Mickael Parisi
Merci pour ce conseil de lecture !
Alice MONARD