Souvenirs de Marnie : Est-ce que tu viens pour les vacances ?
Cette fois c’est la bonne : Souvenirs de Marnie est l’ultime Ghibli sorti en salles. L’ultime jusqu’au prochain ? Le studio, aussi imprévisible que les ultimes tournées des Stones, rentre en stand-by pour se consacrer à des tâches plus juridiques qu’artistiques. Annonce surprise ? Reconversion télé ? Projets secrets ? Seul l’avenir nous le dira. Et Souvenirs de Marnie est potentiellement le point final du studio au cinéma, après les au-revoirs respectifs de Miyazaki et Takahata, via deux œuvres excellentes mais qui se refusaient aux fins heureuses – inventées ou adaptées. Le studio va-t-il aussi connaître sa bad end ? Après tout, ce sont les résultats décevant de Marnie, couplé à l’échec commercial de Kaguya qui auraient précipité sa pause…
Précédemment, dans l’oeuvre de Hiromasa Yonebayashi… Arrietty, son premier film, atteint nos écrans il y a quatre ans. C’est l’adaptation d’une histoire occidentale, les attentes derrières ne sont pas folles mais la réception critique est correcte – ce premier film, bon mais perfectible, avait donné d’excellentes bases pour ce retour. Encore une fois voici une adaptation (When Marnie Was Here est un livre bien connu des petits anglophones) avec un battage médiatique assez modeste et l’histoire se répète. Mais Marnie est un vrai beau film, plus complexe qu’il n’y paraît.
Anna est une adolescente d’une douzaine d’années. Rêveuse, un peu artiste, pas très connectée socialement, elle fait une crise d’asthme qui inquiète sa tutrice d’adoption. Elle décide alors de la catapulter prestement à la campagne, chez un adorable couple de la famille. Anna ne s’y intègre pas pour autant, mais reste fascinée par un vieux manoir où elle aperçoit Marnie, jeune occidentale blonde de son âge. Marnie est une petite fille étrangement parfaite et les deux entretiennent rapidement une relation d’amitié fusionnelle. Elles vivent des moments idylliques, comme on ne les voit que dans les vieux contes. Et si Marnie était juste un pur produit de son imagination ? Rien ne prouve concrètement son existence… et si elle était, cruellement, la projection d’une fille un peu paumée ?
C’est le mystère central du film. Anna passe des moments si merveilleux, si Dysnéens et si déconnectés que l’existence même de Marnie – et son identité par extension – est un petit mystère qui, soyez soulagés, sera résolu au travers d’un climax émouvant. Marnie est un personnage beaucoup trop parfait pour être crédible, son identité occidentale la rend un peu hors-sujet en pleine île d’Hokkaïdo, mais les séquences entre les deux personnages – salle de bal, petites escapades nocturnes – sont tellement parfaites de romantisme et de féérie qu’on oublie quelques secondes ces vilaines questions pour se plonger totalement dans ce qui nous est montré. Ces séquences font le sel de Marnie qui, il faut l’avouer, manque un peu de spécificités.
Ça n’empêche pas le film de remplir le « cahier des charges Ghibli » – une beauté visuelle indéniable, de l’émotion bien dosée et un parti pris réaliste vu par un miroir déformant, comme a pu être Le Vent Se Lève sur le même registre. Marnie est un beau film qui peut rebuter un peu par sa structure, très proche des canons occidentaux à princesses, et ses clichés narratifs mais qui, comme toujours avec Ghibli, sont surpassés par la forme et l’efficacité du propos.
Anna est un personnage décalé et attachant (il y a forcément un petit peu d’Anna en nous) et nul besoin d’accrocher pour s’investir émotionnellement dans cette histoire. Il est juste essentiel de ne pas tout confondre et de ne pas y chercher « un Miyazaki qui n’est pas de Miyazaki ». Les deux réalisateurs ont des approches radicalement différentes, ici nul fantastique ou animiste, juste une histoire étrange et bien menée. C’est le minimum qu’on demande, et si Souvenirs de Marnie ne restera pas à jamais dans nos mémoires, il remplit le contrat et laisse un souvenir agréable en bouche, sensiblement meilleur que celui d’Arrietty. La bande-son, elle, accompagne le spectateur dans les moments-clés de rêverie : elle est là, ne se fait pas trop remarquer, mais fait le travail sans problème. On est loin, il est vrai, des compositions mémorables de Chihiro, pour prendre un extrême. Ici, les moments d’émotions sont soulignés, appuyés, parfois maladroitement, mais sans trop de décalage. Le film marque surtout par son générique de fin – folie ! – en anglais.
Un vrai petit conte occidental, décidément. Si l’aventure Ghibli se clôt définitivement sur ce film, ce ne sera peut être pas en grandes pompes, mais le standard de qualité est assuré. Avant la redescente définitive sur terre, Souvenirs de Marnie nous fait danser une dernière fois.
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[…] dans les salles : c’est donc dans un mélange de tristesse et de nostalgie qu’on allait voir Souvenirs De Marnie de Hiromasa YONEBASHI, le réalisateur d’Arietty. Cette histoire d’Anna, adolescente […]