[Interview] Yamatogawa et ses mangas (dé)culotés
La dernière édition de la Japan Touch avait une thématique aussi intéressante qu’inhabituelle : l’érotisme nippon.
Si ce thème à lui seul pourrait faire le sujet d’une étude autant sur le plan historique, culturel que sociétal, intéresserons-nous pour l’instant à un fait encore assez rare sous nos latitudes : la venue d’un mangaka d’œuvres Hentai. Célèbre pour ses mangas How good was I, Tayu Tayu, ou plus récemment Power play, Yamatogawa était en effet l’invité de l’éditeur Taifu sur le salon lyonnais, où il a rencontré un grand succès lors des séances de dédicaces. C’est à cette occasion que Journal du Japon a rencontré ce jeune auteur, très surpris de cette popularité.
Le temps des premières fois.
Journal du Japon : Quelle a été votre formation artistique ? Était-elle spécifique au hentai ?
Yamatogawa : J’ai tout d’abord étudié l’art à l’université pendant 4 ans, puis je suis devenu l’assistant d’un mangaka professionnel. C’est lorsque j’ai travaillé avec cette personne que j’ai le plus appris, pour tout ce qui m’aura servi plus tard dans mes mangas.
Y a-t-il un mangaka qui a compté pour vous dans vos inspirations ?
Il y en a énormément, je ne pourrai pas véritablement citer une seule personne.
L’univers des jeux vidéo, et plus précisément des RPG et jeux de plateaux, ont une grande importance pour vous. Pouvez-vous nous en parler plus en détail ?
Bien sûr j’ai été influencé par de nombreux mangakas, en lisant leurs œuvres, mais j’adore les jeux vidéo et ceux-ci m’ont beaucoup aidés dans mes inspirations. Par exemple, je joue beaucoup, et parfois en jouant il m’arrive de voir des situations et de me dire : « Ha, cette situation là j’aimerais bien la voir dans un manga, ou utiliser ce type d’ambiance ».
La censure sur les œuvres érotiques au Japon n’est pas la même qu’en France, et même au Japon celle-ci a beaucoup évoluée. Pensez-vous que cette censure soit un frein, ou est-elle nécessaire ?
En fait cette censure existe dans la loi japonaise, on ne peut donc pas aller outre.
Lorsque j’ai vu mes mangas publiés en France pour la première fois (dans la collection « sans interdits », chez Taifu), on pouvait tout voir, et ça m’a beaucoup surpris.
Au Japon j’ai toujours vu cette censure sur tous les mangas, depuis que je suis petit, et je me rends-compte qu’elle est peut-être plus érotique que le fait qu’il n’y en ai pas.
En gros si vous voyez une fille qui fait ça avec sa jupe (l’auteur mime une fille qui soulève exagérément sa jupe, NDLR) et une qui se cache timidement (il imite désormais une jeune fille gênée qui cache son intimité), laquelle des 2 est le plus érotique à vos yeux ?
Nous comprenons ce que vous voulez dire ! (Rires)
Artistes de la cul-ture japonaise.
Toshio Maeda a, pour contourner cette censure, entre autres créé le genre « tentacules » (shokushu) avec Urotsukidôji. Comment abordez-vous les thèmes « créatures et monstres » ?
J’ai déjà vu des œuvres de Toshio Maeda, dont Urotsukidoji que j’aime beaucoup, et j’ai déjà utilisé du shokushu un peu par-ci par-là dans mes mangas. Les tentacules sont en effet nées dans ce but, et je pense que c’est une manière très intéressante de montrer des choses qu’on ne pourrait pas voir autrement.
Y a-t-il des scènes de sexe plus difficile à élaborer que d’autre ?
Ce n’est pas tellement les scènes de sexe, à proprement parler, qui sont difficiles à dessiner. Ce qui est dur, c’est de placer la caméra de manière intéressante, ne pas reproduire les mêmes angles que j’ai déjà dessiné dans mes œuvres précédentes. C’est ça le challenge : trouver des angles intéressants, nouveaux.
Il y a communément plus de filles dans les œuvres hentai, le personnage masculin doit-il être alors d’autant plus travaillé ? Lesquels sont les plus durs à créer ?
En ce qui concerne les filles, c’est un peu plus aisé parce que celles que je dessine sont des personnages qui me plaisent personnellement. Je vais chercher dans mes fantasmes, mes idéaux féminins, et je dessine ce type de personnages. Donc quand je viens à construire des personnages féminins, ça vient assez naturellement.
Pour ce qui concerne les hommes, c’est plus difficile parce qu’il faut des personnages dans lesquels on puisse s’identifier facilement.
C’est sûr, parfois on a envie d’être quelqu’un d’autre, d’être fantastique, mais je ne veux pas que mon lecteur soit amené à se dire : « ce héros, ce n’est pas moi, je ne me reconnais pas dedans ».
Savoir varier les plaisirs.
How Good Was I fait la part belle aux scènes de vie quotidienne et Power Play explore la SF/Fantaisie. Quels sont vos genres favoris ?
J’aime les deux. Souvent ce qui arrive c’est que j’écris un, puis deux mangas sur la vie quotidienne et au bout d’un moment je vais commencer à, non pas m’en lasser, mais à me dire : « là j’ai envie de faire de la SF » et je vais alors plutôt m’orienter vers ce genre là. Puis de la même façon je vais faire un certain nombre d’œuvres de fantasy et je vais vouloir m’orienter vers du slice of life. En fait je dessine ce dont j’ai envie, quand j’en ai envie, en matière de genre en tout cas.
Comment se déroule la création d’un chapitre ? Avez-vous des assistants ?
La phase qui me prend beaucoup de temps, c’est la conception. Je vais beaucoup réfléchir à ce qui va se passer dans le chapitre, et après je vais commencer à visualiser comment placer mes cases. Mais avant de pouvoir les encrer je dois d’abord les montrer à mon éditeur pour avoir sa confirmation. C’est pour ça que je ne veux pas non plus y passer trop de temps avant de savoir si ça peut être publié.
Pour ce qui est des assistants, je n’en ai pas. Par contre, il m’arrive parfois de me faire aider par mes amis, mais en général je dessine tout seul, et je produis environ une page par jour. Je suis un auteur plutôt lent et je me fais sermonner par mon éditeur pour écrire plus vite (son tantô, responsable éditorial, éclate de rire, NDLR). Les gens les plus rapides peuvent écrire en trois jours une vingtaine de pages.
Vous destinez-vous à rester dans le genre hentai ? Aimeriez-vous viser d’autres publics avec des œuvres non-érotiques ?
C’est pas que je n’ai pas l’intention de dessiner quelque chose dans lequel il n’y a pas d’érotisme, mais pour l’instant je me concentre là-dessus.
Par envie ?
Comme pour la question précédente, si un jour en dessinant du hentai j’en viens à me dire que j’aimerais dessiner autre chose, je le ferai. Mais là pour l’instant je dessine des œuvres érotiques et j’ai encore envie d’en produire, il y a encore de la ressource derrière ce genre.
Retrouvez les œuvres How good was I, Power play, Tayu Tayu, Witchcraft et Aqua Bless dans la collection Hentai sans interdits de Taifu Comics.
Pour en savoir plus sur l’actualité de Taifu surveillez leur page Facebook et lisez le bilan complet de l’éditeur avec Paoru.
Remerciements à Yamatogawa pour sa disponibilité, ainsi qu’à Guillaume Kapp, notre traductrice et au salon Japan Touch pour la mise en place de cette interview.
2 réponses
[…] vous avions déjà présenté YAMATOGAWA dans une interview réalisée à Japan Touch en 2014. Ce mangaka fût le fer de lance de Taifu lors […]
[…] très apprécié dans nos contrées, au même titre que YAMATOGAWA, Yuzuki N’DASH propose des dessins frais, proche des standards mangas […]